Et si l'épuisement des ressources de pétrole n'arrivait jamais ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
De nouvelles recherches ont montré que les pétro-monarchies disposent de réserves de plusieurs centaines de milliards de barils de pétrole.
De nouvelles recherches ont montré que les pétro-monarchies disposent de réserves de plusieurs centaines de milliards de barils de pétrole.
©Reuters

Au fait

Les récentes innovations pétrochimiques, la découverte de nouvelles réserves ainsi que la révolution apportée par le gaz de schiste laisse penser que l'or noir pourrait encore être utilisé dans cent ans. Un fait nouveau qui vient battre en brèche l'idée d'un effondrement de la production pétrolière d'ici dix ans.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

Voir la bio »

Atlantico : L'idée que les stocks disponibles de ressources pétrolières viendraient a cruellement manquer d'ici quelques années semble de plus en plus contestée. Peut-on dire en conséquence que nous ne manquerons toujours pas de pétrole dans deux siècles ? Pourquoi ?

Frédéric Encel :Cette idée est en effet très contestée, même si certains chercheurs continuent à l'approuver. Mais il faut surtout savoir de quoi on parle. Deux points me semblent importants. Premièrement, sur telle zone précise et déjà exploitée depuis longtemps - je pense par exemple à Bakou, en Azerbaïdjan - parler d'une "fin du pétrole" n'est pas nécessairement stupide ; moins de production de brut avec pourtant les mêmes techniques et rythmes d'exploitation. Cela signifie que, sauf découverte toujours possible de nouvelles nappes, il y aura de moins en moins de pétrole azéri. En revanche, à l'échelon planétaire, l'affirmation ne tient plus car il va de soi qu'il reste à prospecter des dizaines de millions de km² ! Par définition, le pétrole, comme toute autre matière, est limitée en quantité, mais la consommation aussi ! Deuxièmement, de quel coût parlons-nous ? Car prospecter puis extraire à grands frais, à des coûts si prohibitifs que l'intérêt même de l'exploitation n'est plus garanti, cela n'a guère de sens.    

Les ressources du Moyen-Orient s'épuisent de jour en jour. Quelles seront les principaux gisements de demain ? (Alaska, Arctique, Méditerranée....)

Votre affirmation me semble un peu rapide. Dans les années 2000, aux Etats-Unis notamment, des rapports annonçaient en effet la stagnation des réserves, en particulier en Arabie saoudite. Or depuis, de nouvelles réserves prouvées sont apparues, qui portent la zone du Conseil de coopération du Golfe (en fait, les pétro-monarchies) à plusieurs centaines de milliards de barils de réserve. L'Irak et l'Iran aussi recèlent d'immenses réserves, d'autant plus que pour des raisons respectivement techniques et politiques, ces deux Etats produisent depuis deux décennies bien moins de brut qu'ils n'en possèdent. Cela dit, vous avez raison d'évoquer d'autres horizons : on parle en effet beaucoup de l'Arctique - et notamment du plateau sibérien immergé - mais il semble que cet espace permettra surtout le passage de nombreux supertankers durant les saisons chaudes. En termes de production, l'Afghanistan d'une part, l'off shore brésilien (et peut-être guyanais) d'autre part, et la Méditerranée orientale (Israël, Chypre) semblent effectivement très prometteurs. Mais attention aux coût d'exploitation et à la qualité des huiles !

Quelle peut-être en conséquence la place des énergies alternatives (vents, solaire) dans ce contexte ?

Je pense que ce n'est pas tant un changement (hypothétique) de localisation des grands gisement pétroliers qui va bouleverser la donne, mais bien plutôt le développement fulgurant de l'exploitation des gaz de schiste. D'abord parce que ce sont surtout des Etats occidentaux qui possèdent pour l'heure à la fois la matière et la technique : Etats-Unis évidemment, mais aussi Canada, Australie, Pologne, etc. Ensuite, plus les domaines d'utilisation de cette nouvelle ressource s'accroitront, plus le traditionnel pétrole brut sera concurrencé, même si d'autres facteurs joueront bien entendu dans le "match" pétrole/gaz de schiste ; considérations environnementales, prix du brut sur les marchés, place du nucléaire et du charbon, etc.
Or les Etats qui devraient pâtir de cette évolution rapide sont avant tout la Russie, le Venezuela, et les pétro-monarchies du Golfe. Et il s'agit de très court terme, puisque les Etats-Unis sont déjà en train d'inverser leur balance énergétique ! D'où, sans doute, un intérêt géostratégique moindre dans les décennies à venir vis à vis du Golfe. Ne fantasmons pas : l'économie mondiale ne se passera pas de pétrole avant bien longtemps. N'empêche, les Etats mono exportateurs sont condamnés à investir massivement et à courte échéance dans d'autres ressources, à commencer par la matière grise et le high tech. De ce point de vue, dans le Golfe, ce n'est pas gagné...


En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !