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Et pendant que les riches Républicains passent chez Hillary Clinton, les pauvres démocrates regardent du côté de chez Trump
©REUTERS/Brian Snyder

Inversion

La polémique entre Donald Trump et la famille Khan a entraîné la défection de plusieurs grands donateurs du parti républicain tels que Meg Whitman, directrice générale de Hewlett Packard, qui a appelé à voter pour la candidate démocrate. Si Hillary Clinton pourrait ainsi capter une partie de l'électorat républicain, les électeurs des Etats manufacturiers dévastés par les évolutions économiques ​comme le Michigan, terre démocrate, pourraient être séduits par le discours de rupture de Trump.

Yannick Mireur

Yannick Mireur

Yannick Mireur est l’auteur de deux essais sur la société et la politique américaines (Après Bush: Pourquoi l'Amérique ne changera pas, 2008, préface de Hubert Védrine, Le monde d’Obama, 2011). Il fut le fondateur et rédacteur en chef de Politique Américaine, revue française de référence sur les Etats-Unis, et intervient régulièrement dans les médias sur les questions américaines. Son dernier ouvrage, Hausser le ton !, porte sur le débat public français (2014).

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Atlantico : Depuis l'enlisement de la polémique entre Donald Trump et la famille Khan, le candidat républicain a vu plusieurs défections dans ses rangs parmi lesquelles des grands donateurs. Ainsi, mardi 2 août, Meg Whitman, directrice générale de Hewlett Packard et important soutien financier du "Grand Old Party" a appelé à voter pour la candidate démocrate. Au mois de juillet pourtant, le parti a enregistré un afflux de petites donations (voir ici) ... Quel peut être le gain politique pour Donald Trump de voir cette réalité se produire ? Cela peut-il être considéré comme une confirmation de son discours ?

Yannick Mireur : Cet enlis​e​ment​ révèle l'entêtement de Trump à conduire sa campagne à vue au lieu d'offrir un discours construit contre son adversaire ; en témoigne l'ahurissant entretien du 2 août avec Philip Rucker du Washington Post, durant lequel Trump s'interrompt plusieurs fois pour suivre les informations sur un écran de télévision. Cette attitude peut être contreproductive car elle peut alerter les électeurs sur les défaillances du candidat et sa capacité à remplir la fonction présidentielle.

Trump peut gagner les élections, mais il ne faut pas écarter l'hypothèse d'un effondrement soudain au-delà d'un point de non retour où "trop c'est trop". Si Clinton est sa meilleures alliée, car elle ne réussit pas à se départir de l'affaire des emails (l'usage d'un serveur privé pour des messages professionnels lorsqu'elle était aux Affaires étrangères) et ne soulève pas un grand enthousiasme, Trump est lui-même son pire ennemi car il est indécrottable et entêté.

L'opacité financière de sa campagne ne permet pas de livrer une appréciation solide mais il est vrai que son discours attire des électeurs qui se sont détournés de la politique, les sans-voix, les déclassé les plus vulnérables dans l'époque de transition que l'on traverse, du fait de la mondialisation et surtout des bouleversements technologiques. Cela correspond bien au phénomène de petits dons qui alimenteraient un grand fleuve, mais cela peut-il compenser les défections ? Un bon candidat républicain devrait faire au moins jeu égal avec les démocrates à ce stade, or Trump n'en est pas là.

D'autre part, lorsque le camp démocrate aura fabriqué quelques publicités relatant la situation des laissés pour compte des aventures immobilières de Trump, artisans, employés et autres, cela risque fort d'affaiblir cette source spontanée de contributions à sa campagne. 

De nombreux analystes voient le succès de Donald Trump dans le fait qu'il s'adresse aux "oubliés de la politique". Que sait-on concrètement des électeurs démocrates qui ont décidé de voter pour lui ? Quelle ampleur de ce mouvement a-t-on pu observer ?

On parl​e des Reagan Democrats, c'est-à-dire essentiellement de cols bleus qui se sont portés vers Reagan​ en 1980​, délaissant leur vote traditionnel en faveur du parti démocrate​ - précision historique : Reagan avait commencé en politique sous la bannière de ce parti avant de passer au GOP républicain. Ainsi​,​ les électeurs des Etats manufacturiers dévastés par les évolutions économiques ​comme le Michigan, terre démocrate, ​seraient-ils séduits par le discours de rupture de Trump​, contre le libre-échange, contre les élites qui auraient trahi l'Amérique en ne prévenant pas la vague de désindustrialisation qui la frappe, et qui met en morceaux le modèle rooseveltien​ des classes moyennes au cœur de la société américaine.

Cette partie de la population pourrait en effet se détourner de Clinton, consciente que la présidence démocrate de Bill Clinton n'a pas enrayé ces évolutions, ni celle d'Obama, et méfiante à l'endroit d'une Hillary qui n'est pas perçue comme la championne des classes moyennes et défavorisées. Clairement, Trump peut séduire dans ces milieux. Il marque aussi des points lorsqu'il évoque l'identité américaine ou une forme de nostalgie de la splendeur américaine des décennies d'après-guerre, que son slogan de campagne dit vouloir retrouver : Make America Great Again. Il reste à savoir si son ancrage y est solide, tant sa candidature, qui porte la voix des mécontents désabusés, pourrait aussi se révéler un trompe-l'oeil pour ces populations. A nouveau, caractère et tempérament compteront dans cette campagne plus que dans aucune autre. 

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