Et parmi les pays ayant obtenu de meilleurs résultats économiques que la France en 2023 : la Grèce, le Portugal, la Pologne ou l’Italie…<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire et Emmanuel Macron lors du Conseil des ministres.
Bruno Le Maire et Emmanuel Macron lors du Conseil des ministres.
©CHRISTOPHE ENA / POOL / AFP

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La Grèce, l'Italie, le Portugal ou bien encore la Pologne se positionnent devant la France dans le cadre d'un classement réalisé par The Economist sur les meilleures performances économiques en 2023. The Economist a compilé des données sur cinq indicateurs (l’inflation, l’ampleur de l’inflation, le PIB, l’emploi et la performance boursière) pour 35 pays.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Selon un classement réalisé par le magazine britannique The Economist, la Grèce est le pays dont l’économie a été la plus performante cette année. Quels sont les indicateurs avec lesquels ont été effectués ce classement ? Qu’est-ce que la Grèce réussit à mieux faire que les autres ?

Michel Ruimy : Afin de dresser le palmarès des performances économiques des pays membres de l’OCDE, The Economist s’est appuyé sur 5 critères dans cette enquête : l’inflation via l’indice des prix à la consommation hors composantes volatiles (énergie, denrées alimentaires…), qui constitue un bon indicateur des pressions inflationnistes sous-jacentes. Son niveau d’ancrage dans l’économie à travers le calcul de son étendue, qui recense la part des articles du panier de la ménagère dont les prix augmentent de plus de 2% d’une année sur l’autre. Le Produit intérieur brut (PIB) et la croissance de l’emploi donnent, de leur côté, une idée de la capacité des économies à répondre aux besoins de leur population. Enfin, les marchés boursiers qui, à travers les cours des actions cotées, contribuent à anticiper l’évolution de l’économie, dont les éventuels points de retournement dans son cycle. A partir de ces indicateurs, l’hebdomadaire tire un score global pour chaque pays.

Déjà sacrée en 2022, la Grèce termine, de nouveau, en tête de ce classement. Plus de dix ans après la crise qui l’a secouée, elle est sortie de son « purgatoire » financier : sa croissance est l’une des plus solides d’Europe et, devrait, selon la Commission européenne, dépasser 2% sur les deux prochaines années. Cette renaissance a été réalisée au prix d’une douloureuse cure d’austérité et aussi grâce à la transformation numérique de son économie et à l’intensification de la concurrence sur les marchés.

Devant les résultats obtenus, les agences de notation ont sorti ce pays du groupe des « pays à risque » et, dans ce contexte, les investisseurs se sont rués, depuis le début de l’année, sur les obligations souveraines, qui enregistrent de meilleures performances que celles de la France et de l’Allemagne, et sur les entreprises cotées à la bourse d’Athènes, où l’indice ASE affiche l’une des meilleures performances du monde (+37% depuis début janvier).

La France est classée 19ème sur 35. Quelles sont les défauts de notre pays, de notre économie ?

Il convient de tempérer / relativiser ces résultats. Si nous considérons la Grèce, ce pays est plus pauvre qu’avant la crise de 2010. En effet, le PIB, en 2023, sera encore inférieur d’environ 14% à celui de 2009 et les réformes menées ne doivent pas faire oublier le nombre de problèmes structurels encore à régler, dont celui d’une économie toujours largement dépendante du tourisme.

En outre, ce classement ne prend pas en compte certains facteurs-clé de l’état de santé d’une économie comme le déficit extérieur, le poids de l’industrie dans le PIB, l’endettement public…, critères qui auraient été encore plus dévastateurs pour la France.

Donc, les mauvais résultats de la France s’expliquent, en partie, par la nature particulière des critères retenus par The Economist.

La Grèce, le Portugal, la Pologne et même l’Italie sont classés devant la France. Pourquoi obtiennent-ils de meilleurs résultats économiques ? Que font-ils que nous ne faisons pas ?

C’est une « revanche » inattendue pour ces économies dont la plupart étaient considérés, il n’y a pas si longtemps, comme les « maillons faibles » de la zone Euro (ZE) et surnommés « PIGS » en raison notamment de la mauvaise gestion de leurs finances publiques. Les performances de cet ensemble sont satisfaisantes : Italie (8ème ZE - 17ème OCDE), Espagne et Portugal (3ème ZE et 8ème ex-aequo OCDE), Grèce (1er ZE et OCDE). Bravo les cochons !

Quant à la France, elle est 19ème au classement OCDE tandis que les Pays-Bas et l’Allemagne, pays « modèles » d’austérité de la zone, occupent respectivement les 22ème et 27ème places du classement. Ces mauvais résultats sont dus au fait que ces pays ont été particulièrement pénalisés par le choc des prix de l’énergie et, pour certains comme notre voisin allemand, par la concurrence étrangère dans l’automobile (importations de voitures chinoises). Quant à la France, elle n’est pas assez attractive au plan économique. Elle devrait, par exemple, moderniser et renforcer le pilotage de l’immigration professionnelle, qui est faible en comparaison internationale, pour attirer les talents étrangers et mieux répondre aux besoins du marché du travail.

Où sont les performances françaises ? Est-ce qu’il en reste ? Sont-elles suffisantes pour booster la croissance ?

Les rares avantages comparatifs de la France - par rapport à l’Allemagne et l’Italie - concernent, entre autres, la décarbonation de son économie grâce au nucléaire, la démographie (population relativement jeune) voire le secteur du luxe dont la rentabilité et le poids dans l’économie se sont fortement accrus au cours de la dernière décennie.

Cependant, si sa performance, en matière d’inflation, est relativement bonne, la désinflation observée n’a été obtenue qu’au prix d’une dégradation / dérive des finances publiques, ce qui est préoccupant. Autres sujets de préoccupation : jusqu’au début 2020, les Français se berçaient encore d’illusions, qui se sont désormais dissipées et qui pèsent puissamment sur leur psyché. Ils ont découvert, eux si fiers de leur système de santé, combien leur Hôpital était malade. Ils ont pris conscience que le système éducatif était en état lamentable. Ils ont découvert, stupéfaits, que leur système énergétique était en piteux état. La succession des ratés diplomatiques a fini de les convaincre du caractère inaudible de la voix de la France dans le monde, jusque, et y compris, au cœur de l’Europe qu’on leur a trop longtemps vendue comme un démultiplicateur de puissance et comme la seule issue à un monde trop vaste. D’espoirs, l’Europe est devenue aujourd’hui sujet de réflexions et de discussions.

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