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Nicolas Sarkozy était en meeting à Paris vendredi 7 novembre porte de Versailles.
Nicolas Sarkozy était en meeting à Paris vendredi 7 novembre porte de Versailles.
©Reuters

Marketing politique

Nicolas Sarkozy était en meeting à Paris vendredi 7 novembre porte de Versailles. L'objectif était de se poser en rassembleur de sa famille politique traversée par des divisions, et au-delà... Notamment entre libéraux et conservateurs, entre partisans d'un recentrage et d'une ligne plus droitière.

Philippe Goulliaud

Philippe Goulliaud

Rédacteur en chef du service politique du Figaro, il a co-écrit avec Marie-Benedicte Allaire "L'incroyable septennat" en 2002 (Fayard). 

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Javier Gómez Muñoz

Javier Gómez Muñoz

Javier Gómez Muñoz est un journaliste et présentateur espagnol.

Il a été correspondant en France pour le quotidien espagnol La Razón et a participé aux émissions politiques i-Europe, C dans l’air ou Mots croisés.

Il a également chroniqué le football espagnol dans l'émission "L'équipe du dimanche" entre 2006 et 2007.

Javier Gómez Muñoz travaille actuellement pour la chaîne de télévision espagnole La Sexta.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy se veut être l'homme rassembleur à droite, mais autour de quel centre de gravité ?

Philippe Goulliaud : Il l’a dit et répété tout au long de son discours à la porte de Versailles, vendredi soir, il entend rassembler autour de la notion de République. Une République qui refuse les communautarismes, la burqa, l’assistanat, qui privilégie l’assimilation sur l’intégration, qui défend le recours au referendum, la laïcité, l’identité de la Nation, l’autorité de l’Etat et l’autorité tout court.

Nicolas Sarkozy n’a pas dit quel nom il voulait donner à la nouvelle formation politique qu’il créera s’il est élu président de l’UMP. Mais en écoutant son discours, on ne pouvait s’empêcher de penser qu’au fond, ce pourrait être le Rassemblement pour la République.

A lire aussi : Revivez le meeting de Nicolas Sarkozy à Paris

Qu'est-ce que le discours de Nicolas Sarkozy a laissé transparaître des influences de son entourage ? S'il y avait la ligne Buisson auparavant, qu'elle est la ligne adoptée aujourd'hui ?

Philippe Goulliaud : Visiblement, vendredi soir, on sentait dans le discours la patte d’Henri Guaino, le Républicain ombrageux. Avec cette tonalité gaullienne et ce souffle qui est la marque de fabrique du député des Yvelines. Est-ce à dire qu’il est aujourd’hui l’inspirateur unique de Nicolas Sarkozy ? Sans doute pas, mais il est redevenu la plume influente. Ce qu’il était pendant la campagne victorieuse de 2007.

Alors que beaucoup de personnalités de l'UMP (NKM, Le Maire, Bertrand, Fillon, etc.) visent la présidentielle de 2017, dans quelle mesure Nicolas Sarkozy peut-il rassembler son camp ? (même s'il ne s'agit que de la présidence de l'UMP, la présidentielle qui suit réveillera sans doute les ambitions des uns et des autres)

Philippe Goulliaud: Le rassemblement de l’UMP, cette grande famille si divisée, ne sera pas chose facile. A deux ans et demi de la présidentielle, on voit grandir les ambitions des uns et des autres. Le parti est riche de personnalités qui toutes nourrissent l’espoir de se présenter à la primaire pour 2017. D’Alain Juppé à François Fillon, en passant par Bruno Le Maire et Xavier Bertrand, personne ne paraît prêt, pour le moment, à se rallier à Nicolas Sarkozy. Et même Nathalie Kosciusko-Morizet, sa porte-parole de la campagne de 2012, membre de sa garde rapprochée en 2014, ne cache pas qu’elle défendra l’idée des « primaires de l’alternance », largement ouvertes à la droite et au centre. Avec sans doute l’intention d’y participer.

Le score que fera Nicolas Sarkozy le 29 novembre sera déterminant dans sa capacité à attirer à lui les soutiens des barons de la droite. S’il frôle les 80% au premier tour, il sera en position de force pour s’imposer sans coup férir comme le candidat de la droite en 2017. S’il est en-dessous de 70%, il aura du mal à contourner une primaire ouverte à l’issue incertaine. Mais quel que soit son score, une fois élu président de l’UMP, une nouvelle page s’ouvrira pour lui le 29 novembre. Il aura alors beaucoup d’atouts pour façonner un parti à sa main : la tribune qu’offre la présidence du principal parti d’opposition, les finances du parti, même s’il est endetté, les militants, les investitures. Un parti reste essentiel dans la conquête du pouvoir.

Que pensez-vous de la stratégie adoptée par Nicolas Sarkozy pour la refonte du Parti ?

Philippe Goulliaud: Nicolas Sarkozy promet de tout changer à l’UMP de la cage au grenier. Il ne veut plus des mouvements, alors même que ses principaux soutiens (Laurent Wauquiez pour la Droite sociale, Geoffroy Didier et Guillaume Peltier pour la Droite populaire) sont chefs de mouvements. Il veut changer le nom du parti, décentraliser les investitures, consulter les militants par referendum interne, s’ouvrir aux centristes…

L’objectif de tout rénover est ambitieux, mais ça peut marcher, car l’attachement à l’UMP n’est plus du tout aussi fort qu’avant chez des militants traumatisés par les défaites électorales de 2012, la guerre Copé-Fillon pour la présidence du parti et l’affaire Bygmalion.

La famille politique de l'UMP est très large : du centre droit, elle rassemble également les réactionnaires et conservateurs. Ces sensibilités, pourtant dans le même camp, se sont opposées sur des sujets de société tels que le mariage pour tous. Comment comprendre un tel écart idéologique de la droite ?

Philippe Goulliaud : Cela s’explique sans doute par l’absence d’un leader incontesté, capable de fédérer toutes ces sensibilités et de tracer une ligne cohérente après avoir laissé chacun s’exprimer. Ce sera l’une des tâches essentiels du prochain président de l’UMP ou du candidat qui sera désigné lors de la primaire. Si ce n’est pas la même personne.

Le retour de Nicolas Sarkozy vu de l'étranger

Silencieux pendant deux ans, Nicolas Sarkozy a fait un retour triomphant auprès de ses sympathisants. Les cadres de l'UMP, encouragés par les militants, ont rappelé à leur tête la seule personne qui semble faire autorité, l'ancien chef de l'Etat. Comment la presse étrangère a-t-elle perçu le retour de Nicolas Sarkozy dans la vie politique française ?

Javier Gómez Muñoz : Tout d'abord, cela a été une surprise. Sorti après une présidence qu'on ne peut pas qualifier de succès, et après avoir fait les gros titres dans la presse pour ses casseroles judiciaires, personne ne s'attendait à un retour aussi rapide et fulgurant de Nicolas Sarkozy. Puis, on a eu, un peu comme en France, deux regards opposés : pour certains (une minorité tout de même), c'était la démonstration du besoin d'une droite forte, pour la majorité, une sorte de berlusconisation de la droite française.

Depuis deux ans, l'image de l'UMP a été extrêmement écornée : guerre des chefs, affaire Bygmalion, absence de parti d'opposition sur la scène politique, etc. Nicolas Sarkozy a proposé vendredi soir des lignes pour réformer le parti. Comprenez-vous que Nicolas Sarkozy ait besoin de réformer le parti de l'UMP ? Avez-vous connu la même situation en Espagne ?

On vit une situation semblable en Espagne, sauf qu'elle est transposable au gouvernement, ce qui en ce moment est presque pire, vue la dimension de la crise économique. La droite est en train de perdre du terrain en Espagne de façon étonnante.

Pour des différentes raisons, mais que ce soit en Espagne ou en France, les deux partis majoritaires de droite, l'UMP et le PP ont besoin d'une réforme radicale. Rajoy ne serait pas la personne appropprié pour le faire. Il est ministre depuis le 1er gouvernement Aznar. Il appartient au passé. Sarkozy a le même problème. Il était l'homme fort de Balladur ! Mais sa force vient justement de faire en sorte que les gens le perçoivent comme quelqu'un de nouveau.

Entre libéraux et conservateurs, partisans d'une ligne recentrée et partisans d'une ligne plus radicale, quelle est la perception à l'étranger des dynamiques qui traversent la droite ?

C'est compliqué pour un étranger de comprendre ce que c'est la droite française. Pendant cinq ans, j'ai essayé (avec peu de succès) d'expliquer ce que c'est le gaullisme, par exemple. La droite a eu un avantage par rapport au centre gauche depuis des annés : ils proposaient un chemin clair. Depuis peu, la droite européenne semble aussi perdue que l'était le centre gauche. La situation de la droite française en est un des meilleurs exemples. On a l'impression qu'on appelle Nicolas Sarkozy faute de mieux, pas par une vraie conviction.

Comment à l'étranger comprend-on les différences idéologiques qui traversent l'UMP et l'ensemble de la droite et du centre-droit (UMP-UDI-Modem) ?

Plus comme une lutte de pouvoir que comme une lutte idéologique.

La synthèse entre les libéraux et les conservateurs parait-elle aussi infaisable depuis l'étranger ? Idéologiquement, comment est perçu la droite française : est-elle plus moderne ou plus conservatrice par rapport à la droite de votre pays ?

À l'étranger, on perçoit la politique française comme une politique plus vieille. Et donc le PS aussi bien que l'UMP apparaissent comme des partis qui ont du mal à évoluer... Et par conséquent, à faire évoluer la France.

Comment, à l'étranger, comprend-on le rapport au Front national ?

Il est compliqué. Les gens commencent à comprendre qu'il y a plus de populisme que d'extrême droite dans les recettes qui font le succès du FN. Partout, il y a une poussée des partis qui dénoncent la "technocratie" et Bruxelles, et ces partis là ne s'appellent pas FN. En tout cas le FN fait pas plus de peur aux étrangers qu'aux Français.

Propos recueillis par Sarah Pinard

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