Et maintenant la production automobile... Le Royaume-Uni dépasse la France pour la 1ère fois depuis 1960. Explications<!-- --> | Atlantico.fr
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Fighting spirit

Dans le contexte général de transformation de l’automobile européenne, les situations des différents pays, fondateurs de l’industrie automobile mondiale, connaissent une évolution contrastée qui surprend. Si la suprématie mondiale de l’industrie allemande dans le segment premium n’est plus à démontrer, la renaissance de l’industrie britannique est moins identifiée comme une success story. L’histoire retient plutôt la défaillance des constructeurs britanniques qui n’ont plus de marque !

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : Les derniers chiffres montrent que le Royaume-Uni a produit l'an dernier plus de 1,5 million de véhicules contre 1.46 million en France. Maxime Picat, directeur de la marque Peugeot, l'explique par un contexte entrepreneurial plus favorable qu'en France, une meilleure gestion du chômage et des politiques de travail plus flexibles. Est-ce que le contexte politique influe sur la production de véhicules ? 

Jean-Pierre Corniou : Il faut compléter ce chiffre en intégrant les utilitaires légers. Le classement est alors de 1,740 million pour la France et 1,597 million pour la Grande-Bretagne. Il est impossible de comprendre la renaissance de l’industrie automobile britannique si on ne comprend pas les causes de son effondrement. Tout simplement, il n’y a plus d’industrie automobile nationale en Grande-Bretagne mais des constructeurs étrangers qui ont des usines en Grande- Bretagne.  L’industrie automobile britannique a connu une longue période de déclin depuis 1964. Sous-productivité, médiocre qualité, faible innovation, grèves à répétition ont marqué cette industrie aussi bien d’ailleurs pour les constructeurs nationaux que pour les constructeurs étrangers implantés en Grande-Bretagne. En 1986, la production britannique, passée de  1,8 million en 1973 à un million d’unités, ne représentait que 3,8% de la production mondiale d’automobiles particulières contre 10,1% pour la France et 14,9% pour l’Allemagne. C’est en 1986 que le groupe Rover, ex-British Leyland sombre dans son pire déficit et que l’usine Nissan commence ses activités à Sunderland.

La situation continue à se dégrader à tel point que Rover disparaît en 2005 avec 6 000 emplois, que les usines de Ford (Dagenham en 2002, Coventry en 2004) et de GM ( Luton pour la marque Vauxhall en 2002) ont été fermées, comme l’usine PSA de Ryton en 2007. Le fleuron emblématique du luxe britannique qu’est Jaguar et Land Rover, qui appartenaient à Ford, est vendu en 2008 au groupe Tata, Mini et Rolls Royce sont rachetés par BMW en 1994 et 1998 et Bentley en 1998 par le groupe Volkswagen.

Aujourd’hui Sunderland, après avoir supprimé 1 200 emplois en 2009,  produit 500 000 véhicules par an, emploie 7 000 personnes et produit avec un taux de productivité élevé une gamme de voitures à succès dont les Nissan Qashquai et Juke. Le succès de la Mini est totalement attribuable au talent marketing et mécanique de BMW et le groupe Tata a réussi à relancer la marque Jaguar et les SUV sous la marque Land Rover. Jaguar Land Rover vient d’annoncer un investissement de 1,8 milliard € début 2014 dans le centre de l’Angleterre. Depuis sa prise de contrôle, Tata a crée 11 000 emplois. Rolls Royce a même augmenté sa production pour atteindre 3 630 voitures en 2013. Les cinq constructeurs sont tous étrangers : Nissan, Land Rover, Toyota, Mini et Honda. Néanmoins tout n’est pas non plus rose et Honda a supprimé un quart de ses effectifs de son usine de Swindon, Ford, qui  a perdu 1,2 milliard € en Europe en 2013, a supprimé 1 500 emplois en 2012 et continue en 2013 (Southampton) et 2014 pour plus de 1 500 emplois.

Les différences politiques entre la Grande-Bretagne et la France sont-elles suffisamment importantes pour expliquer la perte de vitesse française ? Quels autres facteurs permettent alors de la comprendre ?  

S’il est certain que le climat entrepreneurial britannique est plutôt favorable à l’investissement et à la création d’emploi, c’est surtout vrai pour les entreprises nouvelles et moins pour l’industrie mécanique qui reste traditionnelle dans sa structure d’emplois. Mais s’il y a succès britannique, c’est d’abord aux industriels étrangers que le pays le doit. La capacité d’innovation de ces constructeurs bénéfice d’une expérience industrielle et logistique qui garantit leur performance. Le gouvernement britannique soutient l’industrie automobile en dépit de ses convictions libérales tant par des aides directes que par des aides à la recherche. Les syndicats ont fait aussi preuve de flexibilité dans l’accompagnement des intenses transformations de l’appareil de production industriel. Par ailleurs le marché intérieur est très actif, il a progressé de 11% en 2013 pour atteindre 2,26 millions contre 1,8 pour la France. C’est aussi un marché porté vers le haut de gamme dans lequel s’est spécialisé la Grande-Bretagne. Il faut aussi souligner que 80% des voitures produites en Grande-Bretagne (1,249 million en 2013, soit 10% en valeur des exportations industrielles) sont exportées, bénéficiant de la demande mondiale de voitures premium aux marques réputées.

Il est certain que la douloureuse histoire industrielle de l’automobile britannique a paradoxalement induit un climat favorable au maintien d’un tissu industriel rénové mais dont le contrôle est clairement sorti du territoire britannique.

Doit-on y voir la fin de la suprématie française sur la Grande-Bretagne dans ce domaine ou un simple accroc, comme semble l'induire le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) qui a annoncé une augmentation de 5,8% des ventes de véhicules en avril et de 3% en mai ? 

L’industrie automobile française est clairement en décroissance… en France, et ce n’est pas un phénomène récent. Ce n’était nullement le cas quand l’industrie britannique était en plein marasme. Ainsi, en 1972, la France connait le plus fort taux de croissance de l’industrie automobile mondiale, avec 10,6%, et près de 3 millions de voitures particulières produites. Deuxième exportateur mondial après la RFA, avec 53% de la production exportée,  la France se classe quatrième producteur mondial, après les Etats-Unis (11,3 millions), le Japon (6,3 millions), la RFA (3,8 millions) et surtout troisième exportateur mondial en volume derrière la RFA (2,2 millions) et le Japon (1,9 million). Les véhicules étrangers ne représentaient alors que 20,7% des immatriculations. L’industrie automobile est en France à cette époque le fer de lance de l’économie française. Sa croissance en valeur est de plus de 12% par an entre 1959 et 1977, s’accélérant à partir de 1968. Entre 1962 et 1975 120 000 emplois ont été crées dans l’automobile, qui en comptait 480 000 en 1974. 40% de la production française était exportée en 1977 contre 33% pour l’ensemble de l’industrie. En 1975 64% des ménages français ont une automobile, contre 53% en Allemagne et 56% en Grande-Bretagne.

Si ces jours heureux sont lointains ce n’est pas parce que nos constructeurs, contrairement aux constructeurs britanniques, ont échoué. C’est qu’ils ont fait des choix de produit et de marketing incompatibles avec une production de masse en France. Notre préférence pour les petites et moyennes voitures peu rémunératrices pour les constructeurs ne permet pas une production rentable en France car la différence de coût  de production par voiture par rapport à l’est de l’Europe est de 400 à 600 €

Mais l’industrie française est parfaitement capable de se développer au plan international avec de bons produits comme le démontre Renault avec sa gamme Logan ou ses nouveaux modèles Captur et Clio IV.

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