Et les Japonais eurent une idée : déployer un super filet à débris spatiaux <!-- --> | Atlantico.fr
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Notre planète est entourée de débris spatiaux.
Notre planète est entourée de débris spatiaux.
©Reuters

Sale espace

Alors que notre planète est entourée de débris spatiaux, l'agence spatiale japonaise met en œuvre une nouvelle méthode pour lutter contre ces éléments en orbite qui représentent un danger.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : L'Agence japonaise d'exploration aérospatiale va s'associer à une entreprise qui fabrique des équipements de pêche pour créer un filet qui va balayer le ciel des débris humains qui sont en orbite autour de notre planète. Comment l'agence spatiale japonaise compte mettre en œuvre ce projet ? Par quels moyens matériels ? Financiers ?

Olivier Sanguy : Le projet de l’agence spatiale japonaise est plus un projet de faisabilité qu’un projet immédiat. Toutes les grandes agences spatiales dans le monde (NASA, ASE (Agence spatiale européenne, ndlr), CNES (Centre national d’études spatiales, ndlr) réfléchissent depuis des années à des stratégies pour réduire le nombre de débris qui tournent autour de la terre. Ces débris ont une origine due à l’activité humaine. Ce sont soit des morceaux de lanceurs qui restent sur orbite, soit des dispositifs d’attaches des satellites qui sont éjectés lorsqu’on largue le satellite. Dans les deux ça fait des débris qui tournent et qui peuvent entrer en collision avec des satellites existants.

Cette démarche se situe au stade de la prévention. Quand un satellite est en fin de vie, le CNES, notamment, amène le satellite soit sur une orbite très haute où il ne va pas gêner, soit sur une orbite très basse où il va tomber dans l’atmosphère et se désagréger. Avec le filet, l’agence spatiale japonaise entame une nouvelle phase qui est celle de nettoyage. On est plus loin que la prévention.

Concrètement le nettoyage, c’est une mission spatiale. On lance des dispositifs avec une fusée et ces dispositifs vont agir. Il y a plusieurs moyens de faire : la solution japonaise avec un filet mais aussi notamment des solutions suisses et belges grâce auxquelles des mini-satellites sont capables de s’accrocher aux gros satellites morts pour les forcer à rentrer dans l’atmosphère.

Ce sont des budgets de recherche, pour le moment. Ces budgets se chiffrent en plusieurs millions de dollars. Une mission spatiale d’exploration du système solaire coute de dizaines de millions de dollars pour les indiens ou les chinois à plusieurs centaines de millions voire un ou deux milliards pour les missions les plus couteuses. Dans ce cas particulier, le test est financé grâce aux comptes de recherche et développement des agences spatiales.

Cette méthode vous semble-t-elle concrètement réalisable ? La lutte contre les débris spatiaux sera-t-elle efficace ?

La difficulté de ce type de mission est de le mettre sur une trajectoire où ça va être efficace, sur une orbite sur laquelle il va suffisamment attraper de débris pour que ça vaille le coup. Surtout, il faut faire attention que ça ne fabrique pas de nouveaux débris. L’enjeu est de ne pas avoir un remède pire que le mal.

C’est une étude sérieuse, menée par l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale qui a sélectionné ce type de démarches. Un test est prévu pour fin février, ce qui explique que ce projet est acté, qu’il dispose d’un budget.

Ce projet japonais est nouveau donc l’enjeu est de voir si ça va marcher. Aucune phase de nettoyage n’a été faite à cette échelle-là. Même un échec serait intéressant car à on comprendrait pourquoi ça n’a pas marché. Ca permettrait de développer des méthodes plus efficaces à l’avenir. Dans le meilleur des cas, si ça fonctionne, on aura franchi une étape supplémentaire dans le fait de nettoyer l’orbite autour de notre planète.

La lutte sera efficace avec plusieurs stratégies. Si on ne fait que la phase de nettoyage, ça ne sera pas efficace. Egalement, si on ne fait que de la prévention, ça ne sera pas suffisant. Il faut concevoir des satellites et des lanceurs qui en eux-mêmes fabriquent moins de débris (phase de prévention). Il faut améliorer la gestion du parc satellites pour mettre un satellite en fin de vie dans des orbites dans lesquelles il n’est plus un danger (phase de gestion). L’agence japonaise ajoute la phase de nettoyage. L’avenir est l’alliance de ces trois stratégies là (phases de prévention, de gestion et de nettoyage, ndlr). Ce n’est pas une seule des trois phases qui sera efficace.

Quelle est l'utilité de cette mesure ? Les débris en orbite présentent-ils un danger ?

On parle de choses sérieuses qui, si elles ne sont pas gérées dans les années qui viennent, vont créer de plus en plus de problèmes. Les défaillances de satellites pour cause de collision avec des débris risquent d’augmenter, ce qui va indéniablement provoquer une hausse du prix des assurances, une hausse du prix des satellites…

L’utilité est d’améliorer l’état de l’espace. Il peut y avoir une disparition naturelle des débris : certains finissent pas rentrer dans l’atmosphère et bruler complètement. Malgré cela, aujourd’hui il y a un vrai problème de pollution spatiale. Il y a déjà eu des cas de satellites abimés. La station spatiale internationale fait de temps en temps des manœuvres d’évitement des débris les plus gros. Les satellites et les vaisseaux spatiaux sont conçus pour pouvoir supporter les chocs des petits débris mais le problème c’est ce qu’il existe entre les gros et les petits débris car ces débris sont trop petits pour être détectés mais suffisamment gros pour causer des dégâts. La solution japonaise est seulement pour des petits débris. Mais un débris spatial peut aussi être un satellite dont on a perdu le contrôle. On le voit car il est gros mais c’est un danger potentiel car il peut avoir des batteries et des réservoirs de carburants encore actifs donc il peut être une source d’explosion.

Ainsi, l’utilité est primordiale : pouvoir continuer à utiliser l’espace. On risque d’atteindre un niveau de risque tel que le cout d’une mission spatiale va augmenter. Les satellites sont au cœur de notre vie quotidienne : télécommunications, observation de la terre, météo GPS, prévention de risques industriels et naturels, gestion des ressources naturelles… Sans politique de réduction des débris et phase de nettoyage, c’est tout ce pan là qui risque de voir ses couts exploser à cause des accidents, des collisions éventuelles.

Clairement, il y a des dangers. Outre ceux déjà vus, il y a des débris qui sont petits donc les vaisseaux sont conçus pour pouvoir être impactés sans qu’il y ait trop de dégât mais il y a des débris plus gros qui peuvent détruire des satellites.

Quelles autres méthodes de lutte contre les débris spatiaux ont déjà été mises en place ? Par qui ? Comment ?

La liste est tellement longue ! Beaucoup d’idées sont proposées mais on ne sait pas ce qui va être le plus efficace. Pour savoir il faut tester.

Il y a eu une première phase de prise de conscience il y a plusieurs années suivie d’une phase de prévention. Aujourd’hui, les agences spatiales font attention à ne plus fabriquer autant de débris que par le passé. Avant l’important était juste que le satellite soit autour de la terre, sans prendre en compte les moyens mis en œuvre pour l’y placer car on ne se rendait pas compte du danger.

De plus, il y a une coordination internationale pour éviter de faire trop de redondances mais chaque équipe fait aussi des projets différents pour ensuite, au moment venu, comparer et voir quelles sont les techniques les plus efficaces puis faire des missions de test pour voir si ça marche. Pour le moment, on n’a pas fait de nettoyage actif de l’espace, on a juste fait concrètement une politique de prévention (lanceurs plus propres, déplacement sur orbites  de satellites en fin de vie, etc.).

Propos recueillis par Marianne Murat 

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