Et le meilleur moyen de lutter contre la fraude fiscale... ne fait absolument pas partie du plan de Gabriel Attal <!-- --> | Atlantico.fr
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Gabriel Attal, ministre des Comptes publics, lors d'une visite au service d'enquêtes judiciaires du ministère des Finances, pour présenter son plan de lutte contre la fraude fiscale, le 9 mai 2023.
Gabriel Attal, ministre des Comptes publics, lors d'une visite au service d'enquêtes judiciaires du ministère des Finances, pour présenter son plan de lutte contre la fraude fiscale, le 9 mai 2023.
©BERTRAND GUAY / AFP

Démagogie ?

Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a dévoilé cette semaine un plan de lutte contre la fraude fiscale. Il prévoit notamment une hausse des contrôles des "plus gros patrimoines" et des cent plus grandes capitalisations boursières.

Virginie Pradel

Virginie Pradel

Virginie Pradel est fiscaliste. Elle a fondé en 2018 l'Institut de recherche fiscale et économique Vauban, dont l'objectif est de vulgariser la fiscalité afin de la rendre plus accessible aux Français. Elle publie régulièrement des tribunes dans la presse. Impôts-mania est son premier ouvrage.

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Atlantico : Gabriel Attal a dévoilé son plan de lutte contre la fraude fiscale. Dans quelle mesure celui-ci fait preuve de démagogie au regard de la réalité de la fraude fiscale ?

Virginie Pradel : Personne ne niera que la fraude fiscale existe en France. Il convient toutefois de relativiser son importance. Contrairement à ce qu’ont laissé entendre les derniers gouvernements, la véritable fraude fiscale (hors fraude à la TVA) demeure un phénomène marginal dans notre pays. La réalité est bien éloignée du fantasme entretenu pernicieusement dans le débat public selon lequel la France regorgerait de fraudeurs fiscaux en puissance qu’il conviendrait de sanctionner toujours plus. Il ne faut pas être dupes : l’entretien de ce fantasme a plusieurs objectifs parmi lesquels celui de retarder les réformes structurelles (en laissant penser qu’il existe des dizaines milliards d’euros cachés à récupérer aisément entre les mains de contribuables malhonnêtes !) et celui de renforcer toujours plus l’arsenal répressif de l’administration fiscale, lequel s’avère pourtant de plus en plus inquiétant.

Rappelons-le, la très grande majorité des contribuables, particuliers comme entreprises, remplissent, ou du moins tentent de remplir correctement leurs obligations fiscales. Ces derniers sont toutefois victimes d’une complexité fiscale inouïe qui finit par se retourner contre eux afin de remplir les caisses désespérément vides de l’État.

Les ultras riches que Gabriel Attal veut faire "payer" ne pratiquent pas plus souvent l’optimisation fiscale que la fraude fiscale ?

Bien entendu ! Et rappelons à toutes fins utiles que l’optimisation fiscale est le fruit de la multiplication des niches fiscales (on en recense toujours plusieurs centaines en 2023) qui est elle-même le fruit de l’interventionnisme sans limites de l’État français. Ce dernier est donc le principal responsable du recours à l’optimisation fiscale qui vient réduire les recettes de l’État. Rappelons également que le recours à l’optimisation fiscale est de plus en plus incontournable pour les contribuables compte tenu de la hausse au cours des dernières années de la pression fiscale. Selon l’OCDE et Eurostat, la France a l’un des taux de prélèvement obligatoire le plus élevé de l’UE, ce dernier dépassant 45 % du PIB.

Au vu de ce qu’est la fraude fiscale aujourd’hui, pour lutter contre la fraude ne faudrait-il pas, surtout et avant tout, opérer une simplification radicale de la fiscalité ?

Il y a plus que jamais urgence à entreprendre une véritable remise à plat de notre système fiscal afin de le simplifier drastiquement. Celle-ci ne peut plus être ignorée ou repoussée, comme cela a été fait pendant de trop nombreuses années. Certes, de nombreuses tentatives de simplification ont été entreprises. Mais depuis deux siècles, l’objectif de simplification fiscale s’est, paradoxalement, très souvent traduit par une complexité plus grande. En cause, la multiplication des réformes fiscales. Car ce qu’on appelle souvent réforme fiscale en France consiste, non pas à simplifier, mais à créer de nouveaux impôts, de nouveaux dispositifs, de nouvelles niches fiscales sans, généralement, remettre les choses à plat et sans en supprimer d’autres.

On ne compte malheureusement plus les rapports et les ouvrages qui appellent à une réforme systémique de notre système fiscal afin de le simplifier drastiquement. En novembre 2020, le vice-président du Sénat a encore publié un ouvrage au titre révélateur : « Révolution fiscale : stop au bazar fiscal ». Force est toutefois de constater que nous sommes encore loin du « Grand soir fiscal ». Les dernières lois de finances ne présentent pas de réel objectif de simplification.

La complexité est pourtant loin de s’inscrire comme une fatalité. Preuve en est, de nombreux pays ont entrepris des réformes structurelles de leur fiscalité. Plusieurs dizaines de pays — dont certains pays européens [1] — ont notamment instauré un impôt sur le revenu proportionnel (« flat tax ») afin de remédier à la complexité de l’impôt sur le revenu progressif qui est sans nul doute l’un des impôts les plus complexes du système fiscal français. Ce dernier représente à lui seul près de 800 pages dans le code général des impôts, soit plus d’un tiers de ce dernier. Il concentre ainsi une grande partie des erreurs commises par les contribuables compte tenu de la multiplicité des options fiscales offertes à ces derniers afin de réduire leur taux effectif d’imposition. Près de 800 000 demandes de rectification et de réclamations au fond relatif à ce seul impôt ont été reçues par l’administration fiscale en 2019 [2]. Ce chiffre est en hausse de près de 5 % par rapport à 2018. Il va sans dire que des centaines de milliers d’erreurs pourraient être évitées si le contribuable n’était pas confronté à l’extrême complexité que le législateur a engendrée pour des considérations souvent discutables. La complexité est d’autant moins une fatalité que notre Président actuel a lui-même simplifié la fiscalité du capital en réinstaurant un impôt proportionnel sur le patrimoine pour remédier à l’extrême complexité résultant de la l’instauration d’un impôt progressif sur le capital par François Hollande.


[1] On peut notamment citer la Roumanie, la Hongrie, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie ou encore la Bulgarie.

[2] DGFIP, Rapport annuel 2019, p. 56. On en dénombre précisément 789 026. Plus de 3 millions de demande de rectification et de réclamations au fond ont été reçues en 2019 par l’administration fiscale.

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