Et Boum...à quelques jours du Brexit, les britanniques découvrent un énorme gisement de gaz de schiste<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Et Boum...à quelques jours du Brexit, les britanniques découvrent un énorme gisement de gaz de schiste
©Andy Buchanan / AFP

Coup de poker

Le géant de l'énergie INEOS a indiqué avoir fait une découverte de gaz de schiste à l'intérieur des terres britanniques, qui serait suffisant pour alimenter 30 années de consommation du pays.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

Voir la bio »

Atlantico : En quoi la découverte d’INEOS pourrait-elle être importante pour le Royaume Uni, en plein contexte du Brexit ?

Stephan Silvestre : C’est une découverte d’envergure majeure qui a été faite dans la région de Nottingham, puisque le bureau britannique de géologie estime le potentiel de l’ensemble de la région à 436 billions de pieds cubes, soit l’équivalent d’un siècle de consommation britannique. On peut parler de game changer. Pour donner une idée, cela place cette région au-dessus des plus grands bassins américains. Pour Ineos, ce n’est toutefois pas une surprise : la société britannique croit au potentiel de cette région depuis des années et a déjà investi des centaines de millions de livres en prospection. Cette manne permettra de réduire les importations britanniques, qui croissaient depuis le déclin de la production des années 2000. Et cela d’autant plus que la consommation est en hausse sensible depuis quatre ans, c’est-à-dire depuis que le gouvernement a décidé de mettre fin à la consommation de charbon. Mais ce potentiel servira aussi à alimenter les exportations. En effet, cette zone est particulièrement bien placée, dans une région déjà parcourue de gazoducs et non loin de Bacton, le point de départ du gazoduc qui traverse la mer du Nord en direction de l’Europe continentale. 
Cette nouvelle tombe évidemment très bien pour le gouvernement britannique, qui doit faire face au départ de nombreux industriels effrayés par le Brexit (aéronautique, automobile, électroménager…). Le redéveloppement de l’industrie énergétique, qui a toujours été une grande contributrice au PIB britannique, constituerait un bon moyen de compenser ces départs, en particulier dans la région des Midlands, particulièrement ravagée par la désindustrialisation et particulièrement remontée contre l’Europe (elle constituait l’épicentre du rejet de l’UE en 2016). Cependant, il reste un point épineux pour le gouvernement : pour que l’exploitation du gaz puisse se faire à grande échelle, il faudrait assouplir la réglementation sur les tremblements de terre qui limite les marges de manœuvres des exploitants. Mais le gouvernement ne semble pour le moment pas prêt à affronter les associations environnementales. En attendant, cette nouvelle va ragaillardir Theresa May, mais surtout les partisans du hard Brexit, qui vont se persuader que la Grande Bretagne peut s’en sortir seule et qu’elle n’a nul besoin d’un accord félon avec Bruxelles. 

Pourrait-on s'attendre à d'autres découvertes du même type, notamment en mer du Nord ? D'autres pays européens pourraient-ils se retrouver en capacité de trouver des gisements importants ?

Tout à fait. Les géants pétroliers ont relancé la prospection dans cette zone déclinante avec de nouvelles techniques qui permettent de sonder des zones à moindre coût. Par exemple, Total vient d’annoncer successivement deux découvertes de gaz et de condensats en mer du Nord. Ce type de découvertes présente un double intérêt pour les exploitants : premièrement rentabiliser davantage leurs licences d’exploitations déjà acquises et secondement profiter des infrastructures existantes : plateformes et gazoducs/oléoducs. Il s’agit d’un avantage majeur, en particulier pour desservir le marché européen, car les coûts et délais pour déployer de nouveaux pipelines dans les zones encore inexploitées sont souvent rédhibitoires, surtout lorsqu’elles sont très reculées (Arctique, large du Brésil, etc.). Donc oui, on peut s’attendre à d’autres annonces similaires dans les années à venir. Outre le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Norvège en bénéficieront. 

Quelles en seraient les conséquences géopolitiques, notamment dans un contexte de lutte commerciale autour de Nord Stream 2 et de pression américaine ? 

Dans le contexte du bras de fer américano-européen sur les accords commerciaux, cette découverte va servir les Européens, même après la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE. En effet, les Américains exercent une forte pression pour obliger l’Europe à s’approvisionner en gaz naturel liquéfié yankee à la place du gaz russe délivré par le Nord Stream 2. Mais si l’Europe parvient à produire son propre gaz, l’argument tombera et l’administration américaine aura plus de mal à justifier sa politique douanière actuelle. Quant à l’Allemagne, elle ne se désengagera pas pour autant du projet Nord Stream 2 ; mais elle disposera d’un atout supplémentaire pour négocier avec Gazprom le prix et les volumes de son gaz. En tout état de cause, cette abondance de gaz constitue une opportunité pour l’Europe dans sa lutte contre les émissions de CO2 : elle va permettre d’accélérer la substitution du charbon pour la production d’électricité et le chauffage. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !