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Our World in data et The Economist ont tenté de calculer la surmortalité de l’épidémie de Covid-19.
Our World in data et The Economist ont tenté de calculer la surmortalité de l’épidémie de Covid-19.
©Anne-Christine POUJOULAT / AFP

Gestion de la crise sanitaire

Ce classement qui s’intéresse à toutes les causes de mortalité confondues a été établi par Our World in Data, fondé par des scientifiques de l’université d’Oxford. 

Jean-Marie Robine

Jean-Marie Robine

Jean-Marie Robine est directeur de recherche à l’Inserm et directeur d’Etude à l’EPHE. Au sein du laboratoire MMND de l’Université de Montpellier, il dirige l’équipe Longévité & vitalité.

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Atlantico : Dans quelle mesure la surmortalité est-elle une notion difficile à manier ?

Jean-Marie Robine : A l’INED, nous suivons les chiffres dus à la mortalité du Covid et c’est véritablement compliqué. Pour faire les choses correctement, cela demande un lourd travail. La surmortalité demande de prendre quelque chose en référence. C’est la surmortalité par rapport à quoi. Le plus simple est de comparer une année sur l’autre, c’est ce que fait l’INSEE par exemple. Mais si dans une année précédente il y a un super événement, cela peut entraîner des perturbations importantes. Souvent pour éviter cela on prend la moyenne des cinq ou dix années précédentes. Avec le vieillissement de la population, l’augmentation de la taille de la population et la diminution de la mortalité, il y a de multiples effets qui se contrebalancent. Par exemple, les classes creuses de la Première Guerre mondiale se ressentent dans le nombre de centenaires qu’on a connu entre 2015 et 2020. La méthode la plus sophistiquée est de calculer la mortalité attendue, celle qu’on aurait de l’avoir en 2020 ou 2021 selon les évolutions démographiques en cours s’il n’y avait pas eu de pandémie. Mais cela pose des difficultés : les Etats-Unis sont confrontés à une augmentation des morts liées à la désespérance et aux overdoses résultant de la crise des opioïdes. En raison de cette tendance, il est difficile de prédire si l’espérance de vie aux Etats-Unis allaient continuer à augmenter ou pas en l’absence de pandémie. La mortalité attendue est donc assez artificielle.

Our World in data et The Economist ont tenté de calculer la surmortalité de l’épidémie. Que pensez-vous de ces données ?

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Il y a un certain nombre de choses surprenantes. The Economist essaie d’estimer la mortalité à l’échelle mondiale, y compris dans les pays où il y a peu d’informations. Jusqu’en septembre 2021, ils calculent la surmortalité en regardant le nombre de décès constatés par rapport à la moyenne des années d’avant. Et depuis septembre, ils utilisent la mortalité attendue. Il y a un petit groupe de pays ayant des données fiables : l’Europe de l’Ouest et du Nord, l’Amérique du Nord et le Japon notamment. Le reste ce sont des extrapolations. L’une des toutes premières études publiées sur cette question est celle de France Stratégie, publiée en mars 2021. Elle analyse la surmortalité pendant la première année du Covid de fin février 2020 à fin février 2021. Elle dresse un classement pour environ 70 pays dont les pays européens. Et le classement de France Stratégie diffère de celui de The Economist. On ne voit pas ce qui depuis février 2021 aurait pu fondamentalement bouleverser les données, ce qui m’incite à être méfiant envers les données de Our World in data. France Stratégie montre que dans un certain nombre de pays comme la France ou la Belgique, la mortalité due au Covid est supérieure à la surmortalité, ce sont plutôt les pays qui s’en sortent « bien » avec les chiffres et la surveillance sanitaires. A l’inverse, il y a série de pays qui sont « mauvais » pour l’information concernant la mortalité du Covid qui ont d’une part les surmortalités les plus importantes mais surtout dont la mortalité Covid ne représente qu’environ 60% de la surmortalité. C’est notamment le cas de l’Espagne, de l’Italie, des Etats-Unis. Les écarts se creusent encore avec les pays d’Europe de l’Est ou les pays en voie de développement. Sur les pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, le rapport de France Stratégie montre que le pays avec la plus forte surmortalité était le Portugal à 26,5% puis l’Espagne, avec 26%, suivie par l’Italie et les Etats-Unis, à 25%.  Ils se retrouvent également dans le haut du classement de Our World in data mais pas dans le même ordre et pas avec les mêmes écarts (les Etats-Unis sont à 316/100 000 habitants et le Portugal à 239). Dans l’un des classements les pays sont très regroupés, dans l’autre très dispersés. Un peu plus bas, chez France Stratégie, on retrouve le Royaume-Uni avec 21% du surmortalité et la Belgique à 20%. Un troisième groupe est constitué de la Suisse, 16% de surmortalité, et va jusqu’à la France avec 13,4% en passant par la Suède, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Autriche. L’Allemagne n’est qu’à 9%. Dans les données de Our World in data, l’Autriche et les Pays Bas sont bien plus haut et l’Allemagne est moins bonne que la France sur le plan de la surmortalité. On retrouve dans les deux cas, très bas, la Finlande, le Danemark, etc.

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Avec le Covid, on a multiplié les données sur la mortalité. La plupart des pays se contente de comptabiliser les morts à l’hôpital mais certains ont aussi comptabilisé très vite les morts à domicile et dans les maisons de retraite comme la Belgique ou la France. L’INSEE et les instituts nationaux ont assez rapidement pu donner des données de surmortalité. L’autre source, imparable mais plus longue à exploiter, ce sont les certificats de décès. Ils sont standardisés au niveau international, établis par des médecins, et déterminent les causes de décès avec précision. Si les données de Our World in Data sont vraies, la France s’en sort extrêmement bien, elle aurait même mieux fait que l’Allemagne. Mais j’ai de gros doutes.

Faut-il faire la distinction entre la surmortalité pendant le Covid et la mortalité due au Covid ?

C’est effectivement une distinction qu’il faut faire. Aux Etats-Unis, la situation est particulièrement mauvaise et avant la crise due au Covid il y avait déjà la « crise du désespoir » qui se traduisait par une augmentation de la mortalité dans les classes pauvres blanches et la crise des opiacés. La question est de savoir de manière générale, quelles autres mortalités auraient pu se rajouter. En France, Santé publique France et l’INSERM décomptent plus de mortalité directe du Covid que l’INSEE ne décompte de surmortalité car il y a un effet de moisson chez les personnes fragiles. Et des personnes qui seraient mortes quoi qu’il arrive dans l’année meurent du Covid, mais ce n’est pas de la surmortalité, mais de la mort anticipée.

On évoque dans la surmortalité les conséquences de la perte de chance due aux déprogrammations etc. Est-ce que cela compte ?

C’est quelque chose qu’il faudra surveiller mais nous n’avons pas les informations pour le moment. L’INSERM essaie de rattraper son retard sur ses rapports concernant les causes de la mortalité. Elle a plusieurs années de retard. On pourra en revanche le voir dans les statistiques britanniques ou américaines qui n’ont pas ce retard. Cela est recensé sur notre site de l’INED.

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