Et au classement du pentathlon économique européen de The Economist, la France se classe…<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron derrière des drapeaux européens, photo d'illustration AFP
Emmanuel Macron derrière des drapeaux européens, photo d'illustration AFP
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bientôt sur le podium ?

The Economist vient de publier un classement basé sur les performances économiques des 27 pays membres de l'Union européenne. La France ne s'en sort pas trop mal... explications.

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne est professeur titulaire de la Chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Il a également été membre du Conseil d'Analyse économique de 2004 à juin 2012.

Il est également l'auteur de La fin de l'euro (François Bourin Editeur, mars 2011).

 

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Atlantico : The Economist a calculé les performances économiques de 27 États membres de l’UE. Comment ce classement a été réalisé, quels sont les critères retenus ? Que dire du concept ? 

Christian Saint-Etienne : Le premier critère, c’est le critère de l’inflation relative, par rapport à la moyenne de la zone euro. La France, la Finlande et l’Italie, sur la période août 2020 à août 2023, sur ces 3 années, ont eu une inflation inférieure à celle de la moyenne de la zone euro. Donc sur ce premier critère, la France est bien placée. Si on ne prend que les grands pays de l’Europe, ce sont les pays, France, Italie, Espagne qui sont les mieux placés sur ce critère.

Sur le deuxième critère, le coût du service de la dette, pas seulement du gouvernement, mais des trois grands acteurs de l’économie, ce sont les entreprises, l'État - l’administration publique et les ménages.

Quand on prend le service de la dette des 3 grands acteurs économiques d’un pays, on observe que, et cela est mesuré en % du PIB, la France a un coût de service de la dette pour l’ensemble des acteurs économiques d’un pays autour de 9 points de PIB. L'Espagne est à 8,5 points de PIB, l’Allemagne à 7 points, en revanche l’Italie est à 11 points de PIB. Certains pays comme l’Irlande sont beaucoup plus loin, mais cela ne veut rien dire, car elle enregistre la dette de grands groupes internationaux qui ont leur siège social en Irlande. Donc sur ce critère, en revanche, si on compare la France à l’Allemagne, on n’est pas très bien placé puisque la France a un coût global à sept et l’Allemagne à neuf. Cela signifie que la montée des taux d’intérêt frappe davantage la France que l’Allemagne, une grande partie de l’écart se fait sur la dette publique, or la dette allemande est beaucoup plus faible que la dette française.

La démographie, c’est la différence entre la proportion de la population âgée de 60 à 64 ans et de celle âgée de 15 à 19. On constate que les deux populations sont égales en France. Mais par exemple, et cela est mesuré en pourcentage de population active, en Italie, en Pologne et plus fortement encore en Allemagne, la population de 60 à 64 ans est beaucoup plus élevée que celle de 15 à 19 ans. C’est donc que la population active de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne est beaucoup plus âgée que la population active française. Cela, nous le savions. Il manque aussi l’indice sur la décarbonation, « greening transport and heating » le tableau n’est pas très clair, alors je lis le texte pour essayer de comprendre le tableau. Cet indice est la consommation d’électricité et de gaz par l’industrie, en million de PIB. En tout cas, ce que l’on voit, c’est que la France, comparée à l’Allemagne, a, sur ce critère, un avantage. En effet, la France est à 100 sur leur tableau avec une Allemagne à 135, sans parler d’une Espagne également à 135, et une Belgique à 180. Donc la France à un avantage sur la route de la décarbonation. Le dernier critère est le découplage, c’est-à-dire à quel point on dépend en terme import-export des autocraties, c’est-à-dire des régimes totalitaires. Cela concerne essentiellement la Russie et la Chine. Il y a toutefois d’autres régimes totalitaires avec lesquels, nous avons un commerce très limité. Donc, nous voyons qu'en pourcentage du PIB, la totalité du commerce de la France avec les dictatures s’élève, en import plus export, à 4.5 % du PIB. En Italie, c'est 7 % du PIB. C’est amusant parce qu’ils mettent l'Allemagne avec les Pays-Bas. C’est compréhensible puisque c’est au Pays-Bas que l'on retrouve les ports de l’Allemagne, puisque Rotterdam c’est le port de l’Allemagne. Donc Allemagne et Pays-Bas, sont à 9.5 % du PIB, ce qui fait le double de la France, qui est ainsi 2 fois moins engagée dans son commerce que l’Allemagne et les Pays-Bas.

La France se classe 7ᵉ dans ce tableau, est-ce un bon score selon-vous et peut-on apporter du crédit à ce résultat ?

Ce tableau reflète autant la vision du monde par The Economist que la vision du monde de la France. Au fond, ce que The Economist mesure, c'est l'inflation, la dette, la démographie, la transformation écologique, et la distance vis-à-vis des dictatures.

Point intéressant à noter : ils n’ont pas dans leur tableau, ni le déficit en balance courante, ni le poids de l’industrie dans le PIB. Autrement, les performances de la France  auraient été catastrophiques.

C’est un classement qui ne prend pas en compte les problèmes structurels de la France les plus graves. Donc par nature, cela donne un avantage à un certain nombre de pays dont la France. En effet, comme on ne prend pas en compte le poids de l’industrie et du commerce extérieur, qui sont les grands points faibles de la France, elle est avantagée dans cette mesure.

Il y a quelque chose sur les cinq critères qui sont effectivement intéressants.

C’est vrai que la performance de l’inflation en France n’est pas mauvaise, mais c’est parce qu’avec la dette publique, la France a acheté la désinflation. Par conséquent, c’est la dérive des finances publiques qui est préoccupante. Mais le fait que la France soit un peu moins vieille que l’Allemagne et l’Italie est effectivement un critère positif. Le fait que la France soit plus avantagée sur la décarbonation que l’Allemagne ou l’Espagne s'explique par le nucléaire. L’Europe veut nier les avantages comparatifs. Les rares avantages comparatifs de la France concernent le nucléaire et la démographie. Actuellement, The Economist retient ces deux critères et fait apparaître la France sous un jour positif. Enfin, le dernier critère qui est un critère géopolitique, qui est au fond la mesure de l’influence du commerce avec les dictatures, place la France à un bien meilleur niveau que l’Allemagne. Effectivement, l’Allemagne a toujours fait beaucoup de commerce avec les dictatures, avec la Russie pour importer du gaz et du pétrole, et avec la Chine pour vendre ses voitures. Encore une fois, avec les exportations vers les dictatures, c’est un élément de la position très forte de l’Allemagne à l’exportation qui se retrouve dans ce tableau. Comme elle est très exportatrice, l’Allemagne exporte aussi beaucoup plus que la France dans les dictatures. Mais si on avait pris les exportations vers les démocraties, l’Allemagne aurait été devant nous. Donc si on ressort bien classés, c’est aussi du fait de la nature particulière des critères retenus par the Economist.

Revenons sur le classement proposé par The Economist. Comment expliquer que l’Irlande soit première et que Chypre soit classée 3ᵉ ? Comment les Chypriotes font-ils mieux que nous ?

C’est parce que le classement de The Economist ne prend pas en compte des critères clefs comme le déficit extérieur et le poids de l’industrie dans le PIB, des critères qui auraient été dévastateurs pour la France. Le choix de ces critères fait ressortir positivement la France par rapport à sa position naturelle comparée à l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne qui sont deux pays qui ont gardé un poids industriel plus important, d’une part, et puis d’autre part, un commerce extérieur excédentaire.

L’Allemagne est classée 18ème. Est-ce à dire que la France est mieux armée que l’Allemagne dans les objectifs économiques de 2024 ? 

S’il s’agit d’aborder les enjeux économiques de 2024, en dehors du dernier tableau sur le decoupling, il va de soi que le fait que l’Allemagne apparaît moins bien classée dans 3 des 4 autres critères, n’obère pas sa capacité de rebond dans les années qui viennent. En effet, les faiblesses de l’Allemagne sont exagérées. Elle garde une industrie extrêmement puissante et elle mène une politique en Europe qui est d’une dureté compétitive, d’une violence inouïe contre la France, sans réaction de la France à la hauteur de la violence de l’Allemagne, notamment sur le fait que celle-ci continue à vouloir déclasser l’énergie nucléaire au moment même où elle est en train de construire une vingtaine de centrales électriques au gaz. Donc il y a une violence stratégique pour casser la France qui n’est pas du tout analysée en France comme telle. De surcroît, en termes de volontarisme et de capacité structurelle, l’Allemagne est beaucoup plus forte que la France pour affronter les défis des trois prochaines années.

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