Estelle Youssouffa : "Pourquoi certains refusent-ils aux citoyens français de Mayotte le droit à l’ordre républicain ?"<!-- --> | Atlantico.fr
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La députée française Estelle Youssouffa s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 19 juillet 2022.
La députée française Estelle Youssouffa s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 19 juillet 2022.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Opération Wuambushu

Le tribunal judiciaire de Mamoudzou, à Mayotte, a suspendu l'opération de destruction du bidonville Talus 2 du quartier de Majicavo, dans la commune de Koungou. Estelle Youssouffa, députée Liot de la 1ère circonscription de Mayotte, analyse la situation liée à l’opération Wuambushu.

Estelle Youssouffa

Estelle Youssouffa

Estelle Youssouffa est députée Liot de Mayotte et Présidente du Collectif des Citoyens de Mayotte.

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Atlantico : L'opération Wuambushu, lancée par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer connait des revers.  Dans la soirée de lundi, le tribunal judiciaire de Mamoudzou a suspendu la destruction du bidonville Talus 2 prévue ce mardi 25 avril. L’opération est-elle celle dont Mayotte a besoin, est-elle à la hauteur des enjeux ? Quelle est la part de communication ?

Estelle Youssouffa : Pour Mayotte, c’est l’opération de la dernière chance. Elle se fait à la demande des élus et de la population. Qu’elle soit mal engagée, je n’en disconviens pas. Nous sommes consternés de la manière dont elle commence, mais ce n’est pas non plus surprenant. La position des Comores comme la décision du tribunal administratif sur la contestation des démolitions étaient prévisibles. J’en avais d’ailleurs alerté le gouvernement. De la même manière que les intimidations, représailles et menaces que subissent la population étaient prévisibles. Je ne pense pas qu’il faille, pour autant, enterrer l'opération après 24h. Ce serait aller dans le sens d’un narratif construit par les anti-Wuambushu depuis la fuite du projet qui ont pour vocation à condamner l’opération. Cela fait trois semaines que certains tapent sur l’opération alors qu’elle n’a pas encore eu lieu. Cette opération est prévue sur plusieurs mois, elle doit se mettre en place, c’est un peu poussif mais nous en avons besoin. Bien évidemment, il y a une part de communication, mais ce n’est rien de surprenant. L’opération n’a pas encore pris toute son ampleur donc il est encore trop tôt pour savoir si elle sera à la hauteur.

Les Comores ont déclaré et réaffirmé ne pas avoir l'intention d'"accueillir des expulsés issus de l'opération". Faudrait-il faire pression sur eux ? Si oui, par quels moyens ? Pourrait-on faire pression via le biais de l’aide au développement ?

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Je pense que le quai d’Orsay dispose des leviers nécessaires pour forcer les Comores à reprendre leurs ressortissants. Ce qui en soi est scandaleux. Mais il est important de rappeler que de nombreux membres du gouvernement sont détenteurs de passeports français, que leurs enfants bénéficient de visas pour venir en France, tout comme de nombreux comoriens. Suspendre les visas comme cela a déjà été le cas précédemment est un levier. Par ailleurs, les Comores sont totalement dépendantes de l’aide française des transferts de fonds venant de l’Hexagone. Mais il ne faut pas croire que c’est une crise inédite. Il y en a déjà eu et les Comores ont plié.

Vous avez dénoncé, dans une vidéo, certains politiques qui viennent à Mayotte pour leur agenda politique pendant que la situation concrète à Mayotte, ce sont des enfants agressés sur le chemin de l’école, insécurité, pauvreté, etc. Au-delà de l’opération Wuambushu que faire pour que Mayotte soit traitée au même titre que tout le territoire français et sorte de la crise sécuritaire et sociale ?

Ce qui n’est pas compréhensible, c’est le discours d’auto-impuissance, qui s’interdit de réussir à Mayotte. On s’interdit de gouverner un département qui fait 375 km2 et compte moins de 500 000 habitants. Si la France, puissance mondiale, n’arrive pas à gérer un territoire aussi petit et aussi peu peuplé, elle doit changer de métier. Il faut arrêter de me dire qu’il n’est pas possible d’améliorer les choses à Mayotte. Qu’on ne veuille pas, c’est autre chose. Le problème, ce sont quelques centaines de fauteurs de troubles, quelques milliers de migrants en situation irrégulière venant d’un pays qui dépend largement de l’aide française, donc il ne devrait rien avoir d’ingérable. C’est une question de volonté politique. Mais une partie de l’establishment politique à Paris considère que faire de Mayotte un département français a été une erreur et, pour cela, condamne Mayotte au chaos, à l’inertie au niveau de l’égalité sociale. Mais les Mahorais ont le droit à l’ordre républicain et à plus d’égalité sociale. Sans cela, on prépare l’explosion qui deviendra inévitable si l’opération Wuambushu n’est pas un succès. De nombreuses personnes comprennent, heureusement, que le choix qu’à fait Mayotte de rester un département français est fondamental pour la République. Mayotte est comme n’importe quel autre département, inscrit dans la constitution. Et Mayotte est aussi une zone stratégique pour notre pays, avec des réserves de gaz essentielles pour la sécurité énergétique de l’Europe (des ressources exploitées par Total dans le canal du Mozambique). Un échec ou un abandon de Mayotte, cela ouvrirait la boîte de Pandore des indépendances pour les Calédoniens, les Corses, etc. Et cela met en jeu la position de la France par rapport à notre positionnement européen vis-à-vis des régionalismes en Catalogne ou en Ecosse.

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