Erdogan, nouveau leader du monde arabe : pourquoi on n’en a pas fini avec la Turquie<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Le président turc mène une bonne politique étrangère pour une grande partie du monde arabe.
Le président turc mène une bonne politique étrangère pour une grande partie du monde arabe.
©Adem ALTAN / AFP

Popularité

Une note du site Arab Barometer montre que le président turc Recep Tayyip Erdogan est jugé comme menant une bonne politique étrangère par une part importante des sondés originaires des pays arabes.

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Voir la bio »

Une note très intéressante vient d’être publiée par le site Arab Barometer. Ce site peu connu a pour spécialité de réaliser des sondages dans les pays arabes, avec le soutien d’universités américaines et de l’agence américaine pour le développement.

La dernière note, rédigée par un jeune chercheur marocain titulaire d’un doctorat aux Etats-Unis, concerne l’image de trois leaders musulmans : le président turc Recep Tayyip Erdogan, le prince saoudien Mohamed Ben Salman et le Guide suprême iranien Ali Khamenei. Les données ont été collectées en juillet 2020 dans six pays : Maroc, Algérie, Jordanie, Tunisie, Liban et Libye.

Les résultats sont spectaculaires. Erdogan l’emporte haut-la-main : en moyenne, 42% des répondants jugent qu’il mène une bonne politique étrangère, contre 28% pour Mohamed Ben Salman et 16% pour le président iranien. Le succès d’Erdogan est particulièrement marqué au Maroc (57%), en Jordanie (54%) et en Algérie (52%).

D’où vient ce succès d’Erdogan ? L’auteur de la note avance trois explications. Premièrement, Erdogan bénéficie d’une forte légitimité sur le plan électoral (il est élu avec une forte participation). Aucun autre leader arabe ne peut se targuer d’une telle légitimité.

Deuxièmement, le président turc a facilité la circulation entre les pays arabes et la Turquie en supprimant les visas pour les résidents de nombreux pays arabes (donc cinq des six pays concernés par l’enquête). Cette décision a contribué à accroître les échanges commerciaux, culturels et touristiques avec la Turquie.

À Lire Aussi

Millî Görüş : après la gigantesque mosquée de Strasbourg, la plus gigantesque encore école coranique d'Albertville...

Troisièmement, Erdogan entend attribuer à la nation musulmane (la « oumma ») un objectif de leadership collectif, ce qui est un objectif que l’on ne retrouve chez aucun autre leader arabe. Cet objectif s’est traduit par le fait que, sous Erdogan, la Turquie a réactivé l’imaginaire de l’empire ottoman. Cette réactualisation de l’héritage impérial est certes contestée en Turquie, mais elle est bien reçue dans le monde arabe où elle permet d’échapper à la crise du leadership. Erdogan est d’autant plus crédible en tant que leader qu’il peut se prévaloir de ses origines modestes, ce qui lui donne une meilleure légitimité pour prendre la tête du monde musulman. L’auteur de la note complète par un autre élément : les interventions militaires de la Turquie s’avèrent moins problématiques, aux yeux des opinions arabes, que celles que mènent l’Arabie saoudite et l’Iran (au Yémen pour la première, en Syrie pour le second).

L’intérêt de ces résultats est donc d’élargir notre regard sur l’islamisme car on a tendance à se polariser sur la seule situation en France. Or, les enjeux sont bien plus vastes. Deux polémiques récentes l’ont d’ailleurs montré : d’une part la subvention que voulait accorder la mairie de Strasbourg au financement d’une mosquée ; d’autre part l’ouverture d’une école privée hors contrat à Albertville, sur un parking jouxtant la mosquée. Dans les deux cas, c’est le mouvement turco-islamiste Millî Görüs qui s’est trouvé concerné, ce qui pose la question de la stratégie du gouvernement français : peut-on prétendre lutter contre le séparatisme islamiste tout en laissant s’implanter un mouvement aussi problématique que celui-ci ?

Mais au-delà de ce débat, on doit surtout s’inquiéter devant le succès que rencontre la Turquie dans les opinions arabes, dont la tentative d’OPA sur le leadership musulman semble rencontrer un certain succès. Une réussite de cette OPA ne pourrait qu’avoir des répercussions fortes sur l’islam en France. On voit déjà que le projet de régulation de l’islam de France est dans une impasse en raison du refus des fédérations turques (dont le Millî Görüs) de ratifier la charte de l’islam. Qu’en sera-t-il demain si Erdogan devient le nouveau mentor du monde musulman ?

À Lire Aussi

Ecoles sous influences étrangères : la menace et l’emprise de la Turquie sur le sol français

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !