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Dans les coulisses de l'UMP, on ne croyait pas à la victoire de Nicolas Sarkozy
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Mauvaises ondes

Entrez dans les coulisses d’une élection hors norme, ultime combat d’un homme qui se croyait imbattable. Dans "Le Naufragé", nourri de dizaines de rencontres, Jérôme Chapuis et Benjamin Sportouch lèvent le voile sur les conversations secrètes, les rivalités entre conseillers de l’ombre et les doutes de la majorité qui ont émaillé la campagne de Nicolas Sarkozy (Extrait 1/2).

Jérôme  Chapuis et Benjamin Sportouch

Jérôme Chapuis et Benjamin Sportouch

Jérôme Chapuis (RTL) et Benjamin Sportouch (L’Express) ont suivi au quotidien la campagne de Nicolas Sarkozy.

Voir la bio »

À droite, l’ambiance est quelque peu plombée. Même chez les plus gradés. « Tu sous-estimes Marine Le Pen. Mon épouse Isabelle me dit qu’elle fait des dégâts terribles dans le public féminin », lui lance un jour Alain Juppé.

Une autre fois, c’est Jean-Pierre Raffarin qui y va de ses critiques : « Tes voyages en province, ce sont des émissions de télé. Tu aimes la politique mais tu ne dis pas aux Français que tu les aimes. » On a connu plus d’entrain dans l’entourage du chef de l’État.

Le maire de Nice, Christian Estrosi, est inquiet, lui aussi. Quand il entend le 31 décembre Nicolas Sarkozy mettre son va-tout sur la table avec la création d’une TVA sociale – que l’Élysée tente de baptiser en vain « taxe anti-délocalisation » –, son sang ne fait qu’un tour. Selon lui, le président fait fausse route en oubliant le porte-monnaie des Français et, accessoirement, futurs électeurs.

Mi-janvier, Nicolas Sarkozy le reçoit avec de jeunes parlementaires. Le député des Alpes-Maritimes en profite pour lui faire une suggestion : « Il faut que les entreprises dont l’État est actionnaire montrent l’exemple et profitent de la baisse des charges patronales pour baisser leurs prix », plaide-t-il. En vain. « La mesure est trop compliquée », tranche le président.

Christian Estrosi encaisse. Il n’est pas dupe des égards élyséens de ces derniers mois. Il sait que s’il est invité régulièrement à l’Élysée aux côtés des valeurs montantes de la majorité, c’est surtout pour éviter qu’il ne se désolidarise publiquement de l’action gouvernementale.

L’élu du Sud, fidèle d’entre les fidèles, a été viré du ministère de l’Industrie en novembre 2010. Il est peu de dire qu’il ne l’a pas bien pris. D’autant qu’à sa place, Nicolas Sarkozy lui a préféré Éric Besson, un ancien socialiste.

Depuis, Christian Estrosi traîne son amertume, qui s’accompagne d’un vrai décalage sur les idées. Il n’est pas le seul à s’interroger.

« On gagne, tant mieux. On perd, on fera autre chose. » Au petit matin du 27 janvier 2012, devant quelques fruits et viennoiseries, qui tient donc ce discours peu combatif, pour ne pas dire défaitiste, trois mois tout juste avant le premier tour de la présidentielle ? Un parlementaire inquiet, un secrétaire d’État en mal de promotion ? Non, un ministre, et pas des moindres, l’un des ténors du gouvernement : Bruno Le Maire. Le ministre de l’Agriculture, qui a passé le second semestre 2011 à préparer le projet de l’UMP, ne se fait pas beaucoup prier pour se livrer en petit comité.

Il plaide pour que la majorité et le chef de l’État en premier lieu reconnaissent les erreurs de fond qui ont été commises depuis 2007. Le germanophile qu’il est regrette le décrochage de la France par rapport à l’Allemagne.

Il le met sur le compte d’une mauvaise hiérarchie des priorités. « On aurait dû se consacrer d’abord à l’équilibre de nos finances publiques. On a préféré le pouvoir d’achat », critique-t-il. « Reporter l’apurement de nos dettes à 2017, ajoute l’ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin, ce n’est pas Churchillien du tout[1]. » Cette allusion à l’attitude courageuse de l’ancien Premier ministre britannique vise directement Nicolas Sarkozy. En demandant de nouveaux sacrifices aux Français à quelques mois de l’élection, le président-candidat veut enfiler les habits du sauveur. Mais, à entendre le ministre de l’Agriculture, ces décisions arrivent trop tard. « Il faut faire preuve d’une vraie humilité sur notre bilan », insiste le quadragénaire.

Ses collègues du gouvernement Alain Juppé, Benoist Apparu et Pierre Lellouche partagent sa vision, pessimiste, des choses. « La stratégie du cuirassé Potemkine : j’ai raison, les autres se rendront à ma raison, je n’y crois pas », explique Bruno Le Maire.

Le bateau est visiblement en train de couler et le capitaine regarde ailleurs. L’effondrement de François Hollande n’aura pas lieu, selon le ministre, qui parie tout au plus sur un « effritement ». Il reproche aussi au président de ne plus écouter que quelques conseillers élyséens ou visiteurs du soir. Selon Bruno Le Maire, l’une des tâches les plus compliquées du futur candidat est de reconquérir la sympathie des Français. « Il n’est plus dans leur cœur. Il doit leur dire “je vous aime”, sinon ça ne passera pas. » La confiance s’étiole. Nicolas Sarkozy surveille ses équipes et leur met la pression.

Le 25 janvier, en Conseil des ministres, il les informe qu’il tient à jour le décompte précis de leurs déplacements de terrain dans cette pré-campagne.


[1] Entretien avec l’un des auteurs, 27 janvier 2012.

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Extrait de Le naufragé - L'histoire secrète d'une descente aux enfers,FLAMMARION (11 mai 2012)

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