Epidémie d’inégalité : l’OMS tire la sonnette d’alarme sur les risques d’obésité, d’inactivité et de mauvais régime alimentaire qui pèsent sur les ados des familles défavorisées<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Un récent rapport de l'OMS dresse un constat alarmant concernant la santé des adolescents en Europe, notamment en raison de mauvaises habitudes alimentaire - Photo AFP
Un récent rapport de l'OMS dresse un constat alarmant concernant la santé des adolescents en Europe, notamment en raison de mauvaises habitudes alimentaire - Photo AFP
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Constat alarmant

Un récent rapport de l'OMS dresse un constat alarmant concernant la santé des adolescents en Europe, notamment en raison de mauvaises habitudes alimentaire.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

Voir la bio »

Atlantico : Un nouveau rapport de l'OMS/Europe révèle des disparités alarmantes en matière de santé des adolescents dans la région de l’UE. Quels sont les principaux enseignements de ce rapport sur les mauvaises habitudes alimentaires, les taux de surpoids et d'obésité et les niveaux d'activité physique chez les jeunes ?

Antoine Flahault : Ce rapport du bureau européen de l’OMS se fonde sur une étude réalisée auprès de 44 pays sur les comportements de santé de jeunes d’âge scolaire. Le rapport constate un déclin progressif des bonnes habitudes alimentaires chez les jeunes Européens. Plus de la moitié ne mange ni fruits ni légumes quotidiennement (56% des garçons, 51% des filles de 15 ans). Plus du quart consomme des sucreries et 15% des sodas sucrés tous les jours. La situation a empiré depuis 2018 et l’écart se creuse fortement selon le gradient social : les jeunes des couches défavorisées de la population ont une alimentation moins favorable à leur santé que les jeunes provenant des milieux aisés. On retrouve les mêmes tendances au regard de l’obésité (27% des jeunes défavorisés contre 18% des plus aisés). Également, pour l’activité physique régulière telle que recommandée par l’OMS, qui n’est pratiquée que par 25% des garçons et 15% des filles européennes, avec le même gradient social évoqué plus haut.

Cet état de fait est-il alarmant sur la santé des adolescents en Europe et sur le long cours concernant les maladies cardiovasculaires, le diabète et le cancer ? Sommes-nous en voie d’américanisation ?

Il est préoccupant en effet de voir la détérioration de ces comportements favorables à la santé chez les adolescents européens, car on sait aujourd’hui que l’alimentation et l’activité physique sont des déterminants majeurs de la santé et notamment vis-à-vis des chances d’un vieillissement ultérieur en bonne santé. En adoptant des comportements alimentaires et une sédentarité plus défavorables à leur santé, les jeunes en Europe, plus souvent obèses qu’autrefois, augmentent d’autant leurs risques ultérieurs de développer un diabète, des maladies cardiovasculaires et même certains cancers. À terme, outre l’espérance d’une vie en bonne santé obérée, c’est aussi l’impact social, économique et politique qui pourrait être considérable en l’absence de politiques publiques plus ambitieuses en matière de prévention.

Quelles sont les principales causes de cette dégradation de la santé des adolescents ? Y a-t-il des facteurs sociaux ou économiques en plus des mauvaises habitudes alimentaires ? 

Le gradient social évoqué ci-dessus indique un accès plus difficile à une alimentation saine mais aussi à une activité physique régulière et aux loisirs pour les segments plus pauvres de nos sociétés européennes. Si la nourriture bon marché est défavorable à notre santé, alors il n’est pas étonnant que les plus pauvres y recourent plus fréquemment, au détriment de leur propre santé. Si l’environnement urbain des cités est moins propice à la marche à pied et au vélo, en comparaison avec celui des quartiers aisés, alors il n’est pas surprenant de constater une sédentarité plus élevée chez les jeunes de milieux plus défavorisés. Par ailleurs, les déterminants commerciaux de la santé, et je pense ici en particulier au marketing agressif de l’industrie agroalimentaire pour les plats ultra-transformés, pour promouvoir les sodas, mais aussi une nourriture trop grasse, trop salée et trop sucrée. Ce marketing modifie les comportements des individus et transforme les habitudes culturelles. Les Français avaient, par leur culture, des habitudes alimentaires qui limitaient beaucoup leurs risques d’obésité. Ils ne mangeaient que lors des repas et apprenaient à leurs enfants à ne pas grignoter entre ces repas familiaux. Si de telles habitudes culturelles se perdent, outre le rôle social et éducatif des repas familiaux, il n’est pas étonnant de voir l’obésité augmenter auprès des jeunes.

Est-il possible de redresser cette situation et de permettre aux jeunes de retrouver une meilleure santé ? Les habitudes alimentaires peuvent-elles évoluer en incitant à manger plus de fruits et de légumes ? La pratique d’une activité physique peut-elle également permettre de rester en meilleure santé ?  

En effet, la santé est fortement conditionnée par nos comportements, notamment par quatre d’entre eux : le fait de ne pas fumer, l’absence de consommation problématique d’alcool, l’adoption d’une alimentation saine et d’une activité physique régulière. À tout âge, il est possible et utile de redresser la barre pour espérer vivre plus longtemps en bonne santé. Maintenant, comme nous venons de le voir, tous ces comportements ne sont pas uniquement l’affaire de notre volonté propre. Nous sommes fortement influencés aussi par des déterminants sociaux (nos niveaux de revenus et d’éducation) et par des déterminants commerciaux évoqués plus haut. La puissance publique peut et doit intervenir pour lutter contre les inégalités socioéconomiques et leurs conséquences et pour réglementer l’emprise des déterminants commerciaux sur nos vies et nos comportements.

Quelles sont les recommandations et les propositions de l’OMS pour lutter contre la dégradation des habitudes alimentaires et pour améliorer la santé des adolescents ?

Le bureau OMS de l’Europe sonne l’alarme ici et urge les gouvernements des Etats européens à renforcer leurs politiques publiques pour améliorer l’accès à une alimentation saine et une activité physique régulière des jeunes tant dans l’intérêt sanitaire de la population que pour des raisons économiques et sociales. “La santé des jeunes aujourd’hui est un investissement pour nos sociétés de demain” clame le Dr Hans Kluge, directeur régional de l’OMS-Europe. Il préconise aux gouvernements d’agir pour mieux encadrer la publicité des produits agroalimentaires, l’étiquetage des aliments (pensons au Nutriscore mis à mal aujourd’hui en Europe, notamment par les puissants lobbys du secteur), les taxes sur les produits sucrés, le renforcement des normes sur la teneur en sel des produits alimentaires transformés. Il convient de mieux encadrer l’accès à la junk food auprès des jeunes, et leur favoriser l’accès et la disponibilité d’une nourriture plus saine. L’OMS demande aussi de faciliter l’activité physique des jeunes, notamment dans les quartiers défavorisés, de mieux sécuriser les voies piétonnes et les pistes cyclables, ainsi que les équipements sportifs. Selon l’OMS il s’agit de combiner des politiques publiques audacieuses, à l’échelon de la commune, du département, de la région et de la nation, mais aussi des environnements scolaire, associatif, et familial pour les rendre plus favorables à la santé des jeunes.

Extrait du livre d’Antoine Flahault, « Prévenez-moi ! Une meilleure santé à tout âge », publié aux éditions Robert Laffont

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !