Eoliennes : le vent de la corruption<!-- --> | Atlantico.fr
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Photos prise le 5 octobre 2009 de quatre éoliennes installées sur la commune de Xambes, proches du tracé de la future ligne de TGV-Angoulème-Poitiers.
Photos prise le 5 octobre 2009 de quatre éoliennes installées sur la commune de Xambes, proches du tracé de la future ligne de TGV-Angoulème-Poitiers.
©JEAN-PIERRE MULLER / AFP

Bonnes feuilles

Fabien Bouglé publie « Eoliennes : la face noire de la transition écologique » aux éditions du Rocher. Elles sont partout, incarnant le symbole de la transition écologique. Les éoliennes ont envahi les campagnes et les littoraux et sont devenues dans le monde entier, par une propagande systématique, le symbole de l'écologie et de la lutte pour le climat. Extrait 2/2.

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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En juin 2019, le maire d’un village du Pas-de-Calais en France a été condamné par la cour d’appel de Douai à une amende de trente mille euros pour prise illégale d’intérêts, pour avoir voté en faveur d’un projet d’éoliennes installées sur ses propres terres. L’arrêt mentionne que l’élu avait touché en contrepartie de cette installation, et ce jusqu’en 2015, plus de quatre cent mille euros de loyer.

Loin d’être un cas isolé, cette affaire illustre la mécanique de conflits d’intérêts ou de corruption à l’œuvre dans de nombreux pays. Si elle semble à première vue périphérique, la corruption est en réalité très fréquemment liée au processus d’installation des éoliennes. Celui-ci conduit à un repérage des territoires géographiques sous la tutelle de maires potentiellement accueillants aux aérogénérateurs en contrepartie d’un intéressement financier. Bien souvent sont mis en valeur les bénéfices fiscaux retirés par la commune de ces opérations, mais l’argument masque parfois le profit retiré par les élus à titre personnel. Encore ne connaît-on probablement que la face émergée de l’iceberg de ce qui apparaît comme un phénomène d’ampleur.

En France, c’est en 2011, dans un village du département de l’Orne en Basse-Normandie, que commence la découverte d’une collusion très forte impliquant les propriétaires de terres destinées à recevoir des éoliennes, et des agriculteurs en charge de leur exploitation, l’exploitant étant également maire ou élu du village. A priori banale, l’affaire est aux prémisses du scandale de la corruption dans le secteur éolien, cette fois étendu à l’ensemble de l’Hexagone, selon un procédé toujours analogue, et caractéristique sur le plan pénal du délit de prise illégale d’intérêt prévu à l’article 432-12 du Code pénal.

La prise illégale d’intérêt est une forme de corruption, et s’intègre à ce titre dans la catégorie des infractions d’atteintes à la probité, comme peuvent l’être la corruption active et passive ou le trafic d’influences. Bien mise en évidence dans un ouvrage intitulé La prise illégale d’intérêt… et comment s’en prémunir par deux avocats pénalistes, Philippe Petit et Levent Saban, l’infraction est analysée dans le but de dresser un état des lieux d’une infraction non intentionnelle. Les auteurs de l’ouvrage considèrent qu’elle peut « facilement se prévenir » de manière à éviter les « risques encourus […], outre les sanctions pénales possibles (emprisonnement et/ ou amende), des peines d’inéligibilité ». L’objectif assumé de l’ouvrage est ainsi de donner aux élus les clefs d’une infraction, dont les auteurs déplorent « qu’elle [soit] la moins identifiée en pratique par les élus et les agents ».

En réalité, le délit de prise illégale d’intérêt est constitué par le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de tirer un intérêt direct ou indirect, quelconque, d’une opération dont il a la charge. Rapporté à l’éolien, c’est le fait pour un élu de participer au vote d’un projet concernant cette énergie ou à une délibération en lien avec ce projet, alors qu’il en retire un intérêt ou qu’un membre de sa famille est financièrement intéressé. L’intérêt peut ainsi être constitué à partir du moment où l’on accepte l’installation d’un mât de mesure, le passage de câbles, l’installation d’éoliennes sur ses terres en tant que propriétaire ou agriculteur exploitant, en contre-partie d’une rémunération ou d’un avantage. À titre d’information, l’installation d’éoliennes sur un terrain agricole rapporte entre cinq mille et dix mille euros par mât, somme répartie entre le propriétaire et l’agriculteur qui exploite la parcelle lorsqu’il s’agit de personnes différentes.

Non intentionnelle, l’infraction est constituée par la prise d’intérêt elle-même, que le juge sanctionne, indépendamment de l’intention de l’élu, et ce, de manière à assurer l’automaticité de la sanction. À partir du moment où l’élu a délibéré favorablement, alors qu’il est intéressé, il n’est donc pas nécessaire de démontrer l’intentionnalité des faits comme pour d’autres délits. Les seules preuves de l’intérêt direct ou indirect obtenues dans les dossiers administratifs, comme le numéro de la parcelle cadastrale des éoliennes, rapprochées d’une délibération favorable de l’élu au projet, permettent de porter plainte et d’obtenir une condamnation du tribunal correctionnel compétent, sauf prescription des faits.

Revenons à cette petite commune de Basse-Normandie. Après étude, il ressort de l’analyse de ce projet, engageant également plusieurs autres communes, que sept élus, dont deux maires, sont intéressés, à des titres divers, au sens de l’article 432-12 du Code pénal. Ces informations, vérifiées et contrôlées, furent signalées à une députée (aujourd’hui décédée) qui, en retour, n’hésita pas selon des témoins à proférer des conseils qu’on aurait pu trouver menaçants. Elles furent aussi immédiatement dénoncées au préfet. Ce dernier ainsi que son secrétaire général prirent particulièrement au sérieux la gravité de la situation.

À la même date, en août 2011, paraît dans le journal satirique Charlie Hebdo le premier article en France sur ce cas, donnant l’alerte sur les prises illégales d’intérêt dans ce secteur d’activité. En 2012, l’affaire prend une tournure nationale et s’impose comme un sujet de préoccupation pour les promoteurs éoliens. En mai, le quotidien économique français La Tribune publie un article au titre évocateur : «  Et si des “prises illégales d’intérêts” menaçaient l’essor de l’éolien en France8 ? » Il souligne que les plaintes déposées en 2011 ont été accueillies par le procureur de la République de l’Orne qui a ouvert des enquêtes préliminaires, mais également que cette affaire pourrait concerner l’ensemble des projets de centrales éoliennes et des zones de développement éolien en France.

Il suffit en effet de tirer sur la ficelle des prises illégales d’intérêt pour découvrir qu’elles prolifèrent à l’échelle industrielle dans ce secteur. En effet, à l’époque, tous les projets éoliens devaient être situés dans une ZDE (Zone de développement éolien). Pour créer une ZDE, il fallait des délibérations favorables des communes concernées par de potentielles installations sur leur territoire. L’ensemble des élus qui avaient préalablement signé des accords d’installation d’éoliennes avec les promoteurs ainsi que tous les élus qui avaient des terres dans la zone pouvaient dès lors se trouver en situation de prise illégale d’intérêt s’ils participaient aux délibérations de mise en place de ZDE. Au lieu de s’abstenir du vote et de quitter la salle, les élus ont souhaité au contraire afficher leur soutien, en contradiction avec les règles de déontologie les plus élémentaires.

La situation est alors partiellement connue de fonctionnaires, sur lesquels pèse en principe une obligation de dénoncer au procureur toute infraction dont ils auraient connaissance, en vertu de l’article L. 40 du Code de procédure pénale, en son alinéa 29. Mais ils sont le plus souvent pris en tenaille entre les doctrines de leurs ministères de tutelle respectifs. À l’époque existe en effet sur le sujet une opposition forte entre les juristes du ministère de l’Intérieur, favorables au respect des textes juridiques, et ceux du ministère de l’Écologie, plus laxistes, estimant ces affaires vénielles.

A lire aussi : Les éoliennes : une menace sur l’emploi et le tourisme

Extrait du livre de Fabien Bouglé, « Eoliennes : la face noire de la transition écologique », publié aux éditions du Rocher

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