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Environnement : trop de réglementations ?
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Trop vert

Entre le principe de précaution devenu droit constitutionnel, et l’avalanche de lois et règlements déversés par Bruxelles dans notre droit national, l’abondance de lois environnementales est-elle contre-productive ?

La protection de l’environnement est à juste titre devenue un impératif pris en compte dans les politiques publiques. Toutefois, les réglementations se sont multipliées : leur prolifération menace ainsi aujourd’hui le niveau de vie des citoyens, et au-delà leurs libertés individuelles et collectives.

Toujours plus de réglementations

Cette « folie réglementaire », selon l’heureuse expression du sociologue Michel Crozier, a plusieurs causes :

●        L’environnement constitue le domaine idéal pour la multiplication des règlements dans la mesure où l’on considère que ni le marché ni les droits de propriété ne sont capables de contrebalancer les effets pervers des activités humaines (ce que les économistes désignent sous le terme d’externalités).

●        Tout comme la santé, l’environnement, devenu un impératif moral, « n’a pas de prix ».

●        Le pouvoir politique, qui trop souvent échange des avantages contre des votes, voit ses marges d’action contraintes par l’impossibilité de dépasser la limite des prélèvements obligatoires au-delà de 50 % : la multiplication des réglementations permet ainsi de poursuivre à bon compte les avantages du « marché politique ».

●        Les administrations trouvent dans l’élaboration, la mise en œuvre et le contrôle des réglementations une justification à leur croissance et leur pouvoir

●        Les responsables économiques, à savoir les très grandes entreprises, ont compris depuis longtemps que les réglementations, sous réserve d’en contrôler le contenu, étaient le meilleur moyen de limiter la concurrence et de s’assurer un monopole de fait.

●        Les associations de protection de l’environnement escomptent un rôle accru dans la mesure où leurs actions pourront être portées devant la justice et qu’éventuellement elles puissent jouer un rôle de médiateur leur assurant une influence, voire même des financements de complaisance...

Aussi utiles qu’elles puissent être, ces réglementations ont toujours un coût qui va peser essentiellement sur les petites entreprises, les collectivités locales et au final sur les ménages. Mais, à la différence d’autres politiques telles que les subventions, la fiscalité ou l’embauche de fonctionnaires, ces réglementations échappent à tout contrôle budgétaire.

Protéger l’environnement : à quel prix ?

Ces coûts réglementaires cachés sont considérables et commencent à être estimés par des think-tanks américains. Ceux-ci constatent que le nombre et le coût des réglementations croissent d’une façon quasi exponentielle et peuvent être estimées à 40 % du budget fédéral dérogeant ainsi au principe de contrôle de la fiscalité par les élus selon la règle d’or « no taxation without representation » (« pas d’impôt sans représentation »). Ce slogan anglais du XVIIIème siècle précise que les citoyens ne paieront comme impôts que ceux votés par leurs représentants parlementaires. Dans le cas des réglementations environnementales, ce principe est violé dans la mesure où les réglementations entraînent des prélèvements obligatoires sur les citoyens. Ainsi on estime que les coûts des réglementations environnementales, santé et sécurité excèdent 200 milliards de dollars…. soit l’équivalent du budget du Mexique[1].

Les exemples de telles réglementations, pas toujours efficaces mais toujours coûteuses, ne manquent pas en France  En voici quelques unes :

●        obligation des lampes à basse consommation ;

●        normes de plus en plus strictes en matière d’eau potable ;

●        contraintes sur l’assainissement individuel au profit des stations d’épuration ;

●         remplacement des canalisations en plomb y compris dans les régions calcaires ;

●        normes d’isolation dans l’habitat et obligation de multiples constats techniques préalables à la location et à la vente d’immeuble ;

●        contrôle voire interdiction de défrichement et de coupes d’arbres dans les espaces privés ;

●        protection d’espèces nuisibles tels le cormoran, le loup, la martre….

●        assurance et indemnisation quasi-automatique des habitations construites en zones inondables ;

●        taxation de l’enlèvement des ordures ménagères indépendante des quantités produites ;

●        définition des zones AOC entraînant le défrichement  de zone forestières pour obtenir des droits de production supplémentaires;

●        Obligation d’additif de biocarburant dans l’essence ;

●        Obligation de recourir au service d’un architecte pour des maisons excédant une superficie de 150 m2 ;

●        Statut du fermage, contrôle des structures, intervention des SAFER aboutissant à l’extension des friches, 

●        Multiplication des autorisations pour créer une exploitation aquacole aboutissant à une interdiction de fait,

●        Mise en œuvre inconsidéré du principe de précaution….

Outre leurs coûts, ces réglementions compliquent la vie des citoyens, limitent leur liberté, bloquent l’innovation et entraînent une multiplication des contrôles et de la paperasserie tant il est vrai que « le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier » (selon les termes d’Alexis de Tocqueville).

Quelques pistes pour changer la donne

Que faire ? Une voie serait d’étendre le champ de l’étude d’impact aux décisions politiques sous la forme de « l’étude d’impact réglementaire » analogue au « Regulatory Impact Analysis  » rendu obligatoire aux Etats-Unis en 1992 par laquelle les administrations doivent présenter un rapport démontrant que les avantages attendus sont plus importants que leurs coûts et que toutes les solutions alternatives.

On pourrait aussi exiger du Parlement français la présentation d’un « Budget de la réglementation » sous forme d’une analyse coût/bénéfice parallèle au budget traditionnel. Cette disposition compléterait les obligations de la Loi organique du 15 avril 2009 qui oblige à accompagner les projets de loi d’une étude d’impact et l’étendrait à la mise en œuvre concrète des milliers de dispositions réglementaires.

Finalement, le mot d’ordre « pas de  taxation sans représentation » devrait être complété ainsi : « pas de réglementation sans représentation » et sans analyse préalable des rapports coûts/bénéfices.



[1] Voir  notamment

●        « Ten Thousand Commandments , an annual snapshot of the Federal regulatory state » par Clyde Wayne Crews, www.cei.org

●        “La nouvelle politique environnementale aux Etats-Unis “ Max Falque 2001, DGAD, Ministèere de l’Envieonnement, 121 p. et annexes

●        « Calculating the costs of environmental regulation » Pizer and Kopp, Resources for the Future, 2001 www.rff.org

●        “L’analyse d’impact de la réglementation: un outil au service de la réglementation” OCDE, 2009 www.oecd.org/document

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