Envie de vacances insolites en France ? Tout sur les points extrêmes de l’hexagone<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Histoire
Envie de vacances insolites en France ? Tout sur les points extrêmes de l’hexagone
©Reuters

Exotismes Français

Le plus au nord ? Le plus chaud ? Le point le plus élevé ? Le point le plus à l'Est ? Découvrir les limites de la France est un bon moyen de comprendre comment se forme un pays, et à quel point la diversité peut faire l'unité.

Jean-Claude  Barreau

Jean-Claude Barreau

Jean-Claude Barreau est essayiste. 

Il est conseiller de François Mitterrand sur les questions d'immigration, puis de Charles Pasqua. En 1989, il devient président de l’Office des migrations internationales et président du conseil d'administration de l’Institut national d’études démographiques.

Il est l"auteur de "Liberté, égalité, immigration ?" (éditions de L'Artilleur) et a également publié "Sur la route de Kandahar" (François Bourin, en avril 2014).

 

Voir la bio »

Atlantico : La France est un pré-carré selon la conception de Louis XVI, et comme pour tout pré-carré il faut quatre coins, dont il est possible de visiter les points "extrêmes". Tout d'abord, le Nord. Que nous dit le point le plus septentrional de notre pays ?

Jean-Claude Barreau : Tout au nord se trouve la petite commune de Bray-Dunes, sur le rivage sablonneux de la Mer du Nord et à la frontière de la Belgique. Mais alors qu'on est en France, il faut savoir que ce territoire est originellement flamand, comme l'étaient Bruges et Gand. A l'origine, on ne parlait pas français à Bray-Dunes, comme c'était le cas dans d'autres villes du Nord. La francisation est principalement venue avec Louis XIV qui a étendu son territoire jusqu'à ces limites septentrionales. La ville principale de cette région est Lille et le port est Dunkerque. Quelques rares personnes encore y parlent flamand, des  paysans principalement. Mais même si la langue originelle est souvent oubliée, il y a une unité assez forte sur ce territoire. C'est un des cent et quelques pays dont est composé la France aujourd'hui, le pays flamand.

Nous partons désormais à l'extrême-est de la France, à quelques pas de la frontière allemande … 

Nous sommes maintenant à la frontière allemande, à Lauterbourg, en pleine ancienne Lotharingie, qui donna ensuite son nom au duché de Lorraine. C'est une zone qui a eu longtemps une certaine autonomie entre la France et le monde germanique. C'est après la guerre de Trente ans que s'est dessiné une nouvelle frontière avec l'annexion des provinces autour de Toul, Metz et Nancy, villes du Roy. C'est Louis XIV, encore lui, qui a annexé l'Alsace en 1683. Cet endroit est un espace d'affrontement fréquent avec un ennemi puissant, qu'il soit l'Empereur germanique, autrichien ou la Coalition pendant la Révolution. C'est donc une zone de friction entre le monde germanique et le monde francophone. Cet espace à été rapidement francisé, mais est resté une zone frontière jusqu'en 1945. Quand j'étais jeune, les gens parlaient encore l'alsacien et avait un fort accent, ce qui a tendance à disparaître aujourd'hui. C'est une disparition qui ne se limite pas à l'Alsace. Charles Pasqua a été le dernier homme politique avec accent. 

Pendant un certain temps, il faut reconnaître que l'Alsace a été tournée vers l'Allemagne et la Loraine vers Paris. Ce n'est plus le cas : le Rhin est devenu une vraie frontière. Les Alsaciens ont choisi d'être français. On dit souvent, et c'est flatteur, que les Alsaciens sont des germaniques qui ont gardé les qualités allemandes et se sont emparés des qualités françaises. On le remarque à un détail important. Quand on est à Strasbourg, on peut manger admirablement bien, comme partout en France d'ailleurs. Mais il suffit qu'on traverse le Rhin pour se rendre compte que cette qualité n'est pas inhérente à la culture germanique !

Maintenant cap sur l'Ouest, et la pointe de la Bretagne qui plonge dans l'Océan Atlantique… 

C'est à la pointe de Corsen que se termine la France continentale, faisant face aux îles du Ponant, derniers remparts avant l'Océan.  La Bretagne est un peu le Pays de Galles français : il faut savoir que toute la France était bretonne avant la conquête romaine. Les langues de la France d'alors étaient bretonnes, gaéliques. Il faut savoir que la Bretagne a été intégralement romanisée : c'était même, n'en déplaise à Astérix et consorts, une des provinces romaines les plus latinisée.  C'est au Ve-VIe siècles, que la Bretagne a été en quelque sorte "re-celtisée", avec l'arrivée de nombreux Bretons de Grande Bretagne chassés par les envahisseurs Angles et Saxons. La Bretagne culturelle telle qu'on la décrit aujourd'hui est donc exagérée : on n'a jamais parlé gaélique à Rennes ou Nantes. A Rennes on était breton gallo, c'est-à-dire breton non-celte. La Bretagne a gardé une forte unité qu'elle revendique toujours aujourd'hui, même si elle est plus moderne et composite qu'elle ne le croit. 

C'est dans cette terre celte et latine que se situe le bout occidental de notre territoire. Il faut savoir que ces espaces littoraux ont longtemps été ignorés par les Français. Les Anciens n'aimaient pas cette mer, ni la mer en général d'ailleurs. Il n'y avait que les marins et les soldats pour habiter à proximité d'endroits aussi inhospitaliers : les marins parce que c'était leur métier, et les soldats pour se prévenir des invasions. A l'époque, le beau pays était la Beauce, ces terres fertiles qui font dire à Rabelais dans Gargantua que l'étymologie est nécessairement liée à cette beauté ("Je trouve beau ce" dit le géant), pas la nature déchainée du littoral breton.

Au bout de ces caps, le vent souffle depuis toujours, "à décorner les bœufs". Les maisons de vacances qu'on construit aujourd'hui ont d'ailleurs des espérances de vie très limitées, une dizaine d'année tout au plus. Car les grands courants marins et venteux de l'Atlantique propulsent leurs flux salés sur cette pointe de terre de toutes leurs puissances. La pierre est marquée par la force des éléments, c'est un endroit toujours très spectaculaire, cette fin de la terre qui donne son nom au département : le Finistère. 

Désormais, nous nous dirigeons vers le point le plus méridional de la France continentale…

 C'est au Puig de Coma Negra, nom catalan qui signifie le Mont de la Combe Noire que se situe l'extrême-sud du territoire français. Dans ce pays qu'on nomme le Roussillon, qu'il faut distinguer du Languedoc se trouve cette montagne. Nommé aussi Catalogne du Nord, cette Catalogne proprement française est aujourd'hui délimitée par un département, les Pyrénées-Orientales avec pour chef-lieu la ville de Perpignan. C'est une province qui là encore a été annexée par Louis XIV, qui correspond d'ailleurs à un des angles du pré-carré voulu par le Roi-Soleil. La France était très forte après cette annexion, plus que sous Napoléon. Contrairement à l'empereur, Louis XIV n'aurait jamais pensé envahir l'Espagne ou l'Allemagne. Il y voyait la limite naturelle de son "champ". Et comme en plus il avait placé sa famille sur le trône espagnole (les Bourbons d'Espagne sont toujours Rois de France), cette zone n'a plus connu de graves conflits par la suite. C'est une terre de caractère, d'indépendance, tournée ni vers Montpellier ni vers Toulouse.

Maintenant que les points cardinaux ont été présentés, pouvez-vous nous parler du sommet de la France, son point le plus haut ?

Il s'agit bien entendu du Mont-Blanc avec ses 4809 mètres ! C'est le sommet du massif des Alpes. Ce que généralement on ne sait pas, c'est que les Alpes sont l'excroissance d'un seul et gigantesque massif qui va de l'Himalaya jusqu'aux Pyrénées. Mais contrairement à l'Himalaya, qui donne sur le Tibet, une terre peu fertile, les Alpes sont une barrière qui finalement a toujours généré beaucoup de passage, ne serait-ce qu'entre la France et l'Italie. Au Moyen-âge, le climat était beaucoup plus doux qu'aujourd'hui et on pouvait passer les hauts-cols sans difficulté, même en hiver.  Globalement, c'est une montagne qui a toujours été plutôt facile à passer, du fait de la forme de ses vallées. C'est ainsi qu'Hannibal a réussi à franchir le massif avec des éléphants. Pendant 1000 ans, il y a eu un royaume des deux côtés des Alpes constitué de la Savoie et du Piémont : la capitale était Chambéry, et ne fut transférée à Turin qu'au début du XIXe siècle. La Savoie a toujours parlé français ; le Piémont parle encore presque le français. Il s'agissait d'un seul royaume. Le rattachement de la Savoie à la France est le fait de Napoléon III en 1860 à la suite du Traité de Turin. Mais il vient surtout du fait que les Princes de Savoie italiens se soient détournés de la Savoie Française pour se tourner vers l'Italie (ne serait-ce que pour l'unifier !). C'est dans le même élan qu'une ville italienne comme Nice va rentrer dans le territoire français. 

Le Mont Blanc est donc un des plus hauts sommets d'Europe : en son sommet, il y a déjà moitié moins d'oxygène qu'au sol. C'est une des montagnes favorites des alpinistes. Ce n'est pas pour rien que les Alpes ont initié et donne leur nom à cette pratique. C'est qu'il est très facile de vivre à proximité de cette montagne, et très difficile à grimper. C'est pourquoi des milliers de personnes le grimpent tous les ans (il y a même des embouteillages !).

Maintenant parlons du lieu le plus bas de France, un des rares à se trouver en dessous du niveau de la mer.

C'est l'étang de Lavalduc, à Fos-sur-Mer, qui se trouve à 10 mètres en dessous du niveau de la mer. La Méditerranée a un littoral uniforme composé de lagunes et de sortes de fjords. Dans cette région, l'altitude est basse du fait de la multiplication des alluvions du Rhône, qui creuse certains endroits en avançant sur la mer. Cela forme des sortes de digues naturelles. C'est une terre tournée vers la mer, mais qui communique avec le reste de la France par la vallée du Rhône. 

Aujourd'hui, ces endroits ne sont pas menacés par la montée de la mer mais par la technique. Sur le Rhône, il y a une dizaine de grands barrages hydroélectriques qui retiennent les alluvions et empêchent le Rhône d'avancer vers la mer. Et donc à terme on devra certainement construire des digues artificielles comme les Hollandais pour protéger ces terres basses. 

Le climat tempéré de la France n'empêche pas des différences de températures importantes. Quel est le lieu où la température est la plus élevée en France ?

C'est Avignon, la cité des Papes, avec un record au dessus de 40°C et des températures toujours plus chaudes. Cela s'explique par son placement géographique : la remontée des Cévennes la couvre au nord-ouest et elle est à distance suffisante de la mer. C'est une cuvette qui est en plus balayée par des vents sahariens. 

C'est une ville très importante pour comprendre l'histoire du catholicisme en France. Le catholicisme sépare traditionnellement Etat et Eglise, au contraire de l'Islam par exemple. Ce qui fait qu'en France il y a toujours eu cette opposition entre un certain gallicanisme et une vision plus ultramontaine, celle du fidèle à Rome. Sous Philippe Le Bel, alors que la France est très forte, l'Etat rentre en conflit avec la papauté. C'est alors que le Roi s'en prend aux Templiers, ordre religieux et va jusqu'à Rome pour destituer le pape lui-même. C'est l'épisode de la gifle d'Anagni en 1303. Le Roi installe alors la papauté à Avignon en 1309, ce que personne n'ose lui contester, tant le Royaume de France est dominant alors. Cette situation durera jusqu'en 1378. Il y en aura à nouveau dans les années suivantes, avant la fin définitive de la papauté d'Avignon  en 1418. 

C'est cette histoire qui fait qu'Avignon est d'un point de vue architectural tout à fait unique dans cette région. La forte chaleur et surtout les bâtiments uniques et magnifiques de cette ville rappellent plus l'Italie que la Provence.

Et quel est le lieu où la température est la plus froide ?

Il s'agit de la ville de Mouthe, connue pour ses températures glaciales pouvant atteindre les -30°C. Son climat continental, celui de la Franche-Comté, rappelle celui de l'Europe centrale. C'est une terre rude, très élevée (la plupart du pays se trouve au dessus de 1000 mètres. Ce territoire fut un des plus compliqué à envahir, les franc-comtois se défendant fort vaillamment. Mais une fois le territoire pris aux Espagnols, encore une fois par Louis XIV, la région devint une des plus patriotes de France, comme le montre une personne telle que Chevènement encore aujourd'hui !

Tant de diversité et de territoires différents ! Qu'est-ce qui unit la France dans cet environnement et ces influences multiculturelles ?

Et bien c'est l'idée que la France est une union de ces "pays" et donc garante de la mission de coopération européenne. Il y a du scandinave et de l'anglais en Normandie, du celte et de l'irlandais en Bretagne, du fino-hongrois dans le pays basque, de l'espagnol dans le sud-ouest, de l'italien en Savoie, en Corse et en Provence, de l'Allemand en Alsace, et comme un parfum d'Europe centrale en Franche-Comté. C'est cette diversité qui forge la mission européenne de la France, mais aussi son unité dans la volonté de ne pas disperser ses forces. La France se construit avec cette histoire riche, ces territoires riches, et c'est dans l'assemblage méticuleux, lent et complexe de ces composants qu'elle a acquit cette expérience qu'elle a le devoir d'utiliser aujourd'hui, particulièrement dans le cadre européen.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !