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Envie de tenter un mois de janvier sans alcool ? Voilà ce que l’arrêt de la boisson fait vraiment à notre corps
©wikipédia

Bonne résolution ?

La campagne de prévention "Dry January" lancée en 2013 en Grande-Bretagne pousse chaque année des milliers de personnes à s'abstenir de boire de l'alcool pendant un mois et les effets positifs sur la santé sont nombreux.

Mickaël  Naassila

Mickaël Naassila

Mickaël Naassila est professeur de physiologie et de biologie cellulaire dans le Groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

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Atlantico : Dans le cadre de la campagne « Dry January » (un mois sans alcool) des personnes ont arrêté l’alcool pendant 4 semaines, ce qui aurait eu des effets positifs sur le cholestérol et la pression sanguine notamment. Quels sont les effets concrets sur le corps de l’arrêt de la consommation d’alcool ? Quels sont les effets de l’arrêt sur une journée, sur un mois, sur un an ?

Mickaël Naassila : Contrairement aux croyances exagérées sur les effets bénéfiques de l’alcool sur notre système cardiovasculaire (réduction du risque d’athérosclérose) les effets de la consommation régulière d’alcool sont d’élever la pression sanguine et d’après l’OMS 16% du risque à développer une hypertension est attribuable à l’alcool. A partir de 3 verres pour les hommes et 2 verres pour les femmes d’alcool consommé par jour la pression sanguine d’élève de manière linéaire. Un des mécanismes les mieux décrits est une augmentation de l’activité du système nerveux sympathique par l’alcool. Le risque d’avoir des problèmes de santé (hypertrophie ventriculaire, crise cardiaque, AVC, fibrillation, thrombose cérébrale, diabète de type 2, syndrome métabolique, hypertriglycéridémie) augmente encore avec les consommation chroniques et important d’alcool et le binge drinking. L’alcool est donc mauvais pour la pression sanguine et ceci quel que soit le type de boisson alcoolique. L’augmentation de la pression sanguine est d’environ 10 mmHg à chaque verre d’alcool consommé par jour et cette augmentation est réversible dans les 2 à 4 semaines d’abstinence ou de réduction substantielle de la consommation d’alcool.

De la même manière, l’abstinence de 4 semaine entraine une diminution significative du taux de cholestérol. Concernant le foie, la consommation d’au moins 6 verres par jour entraine chez 90% des individus l’infiltration de graisse (« foie gras ») et là encore ceci est complètement réversible avec l’abstinence. L’abstinence est d’ailleurs la pierre angulaire dans la thérapie de la maladie alcoolique du foie. Au total, de nombreuses études ont donc montré les bénéfices à diminuer fortement sa consommation d’alcool voire à s’abstenir pour diminuer l’hypertension, le cholestérol ou les dommages au foie. Ces effets bénéfiques sont observables dès les premiers jours et les premières semaines d’abstinence. Il est essentiel que les médecins généralistes et les pharmaciens rappellent l’existence du lien entre hypertension et consommation d’alcool et que la diminution de la consommation d’alcool est toujours bénéfique. L’alcool est d’ailleurs impliqué de près ou de loin dans pas moins de 200 maladies et c’est une des premières causes d’hospitalisation en France.

Faudrait-il mettre en place en place un tel programme en France, un mois de janvier sans alcool ? Les français sont-ils suffisamment conscients des méfaits de l’alcool sur la santé ?

Quand on connaît tous les effets bénéfiques de la réduction de la consommation d’alcool, la réponse paraît évidente. On peut s’étonner qu’il n’existe pas encore en France de « journée sans alcool » comme c’est le cas pour le tabac. Il faut rappeler que nos autorités de santé recommandent de ne pas boire d’alcool un jour par semaine ce qui équivaut à au moins un mois par an. Il est temps en France de créer une journée sans alcool et envisager une semaine voire un mois d’information sur la problématique de l’alcool comme on peut déjà le voir dans d’autres pays. Les français sont largement insuffisamment informés et donc conscients des méfaits de la consommation excessive d’alcool sur leur santé. Il existe même un gouffre entre les représentations encore « trop » positives sur l’alcool et les réels dommages non seulement pour le consommateur mais aussi pour son entourage et la société. Le coût estimé de l’alcool en France est de 120 milliards par an. C’est énorme ! Il faut non seulement informer les français mais aussi surtout obliger les professionnels à se former et à s’impliquer dans cette problématique dévastatrice. Un tel programme permettrait de faire le point sur sa consommation et aiderait aussi peut être à une prise de conscience de nos décideurs qui manquent sérieusement de courage quand il s’agit de lutter contre la consommation excessive d’alcool et l’alcoolisme.

Qu’est ce qui rend le sevrage/l’abstinence difficile, que l’on soit totalement addict ou simple consommateur ?

 Dans l’inconscient collectif la consommation d’alcool est la norme alors que c’est la sobriété qui devrait être la norme. La non consommation est souvent stigmatisée et mal acceptée socialement. Tout est prévu pour inciter, pousser à consommer dans notre société. La publicité alcool est agressive et ubiquiste et nous rappelle constamment que l’alcool est disponible et pas cher en oubliant de rappeler que c’est  une drogue et un très bon neurotoxique. Et ce n’est pas le détricotage de la loi Evin sur la publicité alcool qui va contribuer, bien au contraire, à lutter contre ce problème majeur de Santé publique. Dans un tel contexte culturel il n’est pas aisé de s’abstenir surtout si l’on est devenu dépendant et esclave de l’alcool. L’addict qui ressent les effets désagréables du sevrage maintient sa consommation pour se soulager de ces effets de manque et comme il a très peu de chance d’être repéré et pris en charge pour sa maladie alcoolique (moins de 10% des malades ont eu une consultation les 12 derniers mois pour leur problème de consommation d’alcool).  Ce n’est pas le sevrage qui est si difficile si il est pris en charge, c’est plutôt de rester abstinent et donc ne pas rechuter dans un environnement qui lui est très addictogène. Le simple consommateur lui a bien souvent peu conscience de son niveau de consommation et il est difficile d’appréhender les seuils de recommandations (moins de 2 à 3 verres par jour, jamais plus de 4 par occasion et une journée sans alcool par semaine). Il est essentiel de communiquer encore plus sur l’alcool qui reste quand même un sujet tabou et de tout faire pour repérer les consommations excessives avant que ne s’installent les premiers dommages et la dépendance. Les croyances, les pressions et les lobbies sont forts et on le voit même dans le cadre de l’alcoolisation fœtale, même si le message zéro alcool dès le désir de grossesse est clair et le seul à être consensuel au niveau international il est remis en question actuellement.

Des études sortent tous les jours sur les bienfaits d’une consommation régulière d’un verre de vin par jour, qu’en est-il ?

Ce ne sont pas les études qui sortent tous les jours mais les médias qui reprennent le peu de résultats en boucle. Il faudrait en faire autant avec les études récentes qui montrent que ces possibles effets bénéfiques s’évaporent si l’on prend bien en compte tous les facteurs de confusion. Les possibles bienfaits sont sans commune mesure avec les dommages qui sont eux certains et quand bien même la prévalence de la maladie coronarienne pourrait être moins importante avec de faibles consommations ce n’est pas le cas des autres maladies mêmes cardiovasculaires et ceci est encore plus vrai avec certains cancers dont le risque augmente dès le premier verre, même pour le vin !

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