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Entrée dans l'OMC : douloureux mais nécessaire pour la Russie
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Commerce

En rejoignant l'Organisation mondiale du commerce, la Russie prend le risque de sacrifier un pan de son industrie. Serait-ce le prix à payer pour créer de la croissance et de l'emploi en relançant son activité manufacturière ?

Mikaa Mered

Mikaa Mered

Mikaa Mered est professeur de géopolitique des pôles Arctique et Antarctique à l’Institut Libre d’Étude des Relations Internationales (ILERI) à Paris. Son ouvrage Les Mondes polaires (PUF, 2019) sortira en librairie le 16 octobre.

 

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Après 18 ans de négociations, la Fédération de Russie — représentant 2,8% de l'économie mondiale avec son PIB de 1,900 milliards de dollars US — est aujourd'hui le 154ème pays à rejoindre l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dont les dispositions régissent 97% des échanges commerciaux mondiaux. Si Moscou pèsera désormais de tout son poids pour que dans son sillage suivent Minsk et Alger, entre autres, l'entrée dans l'OMC ne vise évidemment pas qu'à entériner un retour politique sur la scène internationale.

Dans un premier temps, le respect des règles de l'OMC obligera les entreprises à vocation internationale à opérer de profonds remaniements internes pour dégager des gains de productivité et accentuer la transparence. En effet, l'OMC étant une source de contrôle instaurant une sécurité de l'investissement, les peu recommandables systèmes juridique et politique russes ne pèseront pas lourd face aux enjeux de développement que représente l'ouverture. In fine, en Russie comme ailleurs, l'adhésion à l'OMC induit un dégraissage bureaucratique conduisant à une certaine diminution des pratiques de corruption intermédiaire.

De plus, les oligarques russes se frottent déjà les mains dans l'optique de bâtir rapidement, légalement et à bas coût, de larges conglomérats à fort potentiel tout en servant la stratégie internationale agressive forgée par M. Poutine depuis 2000 et dont cette entrée par la grande porte dans la communauté libérale mondiale est le second pilier. La bien surnommée "doctrine Poutine" souffrait d'un cruel défaut : la faiblesse de l'industrie manufacturière, moteur d'une économie.

Engendrant une perspective de Dutch Disease [1] à l'horizon 2020 — par sa volonté initiale de privilégier les immenses réserves de pétrole (les 8ème mondiales) et surtout de gaz (les 1ères mondiales) — la "doctrine" avait ses limites que seule une libéralisation des échanges extérieurs pouvait atténuer. L'ouverture permet la dilution de l'apport massif de devises dues aux exportations de matières premières et évite au pays un transfert économique total vers la seule industrie florissante.

Dans cette optique, si les PME-TPE russes à faible valeur ajoutée perdront en compétitivité par la baisse des droits de douane, et même si les géants des industries d'extraction redoutent que l'ouverture ne facilite l'arrivée des géants occidentaux, le développement de nouveaux pans industriels entiers par la diversification et la modernisation du secteur manufacturier apportera très vite des gains de productivité, une réduction du chômage et de meilleures infrastructures.

Faire comprendre et organiser cette opportunité économique stratégique aux électeurs sera l'une des clés du scrutin présidentiel du 4 mars prochain. Au-delà du cas russe, voilà une stratégie qui ferait bien d'être exportée pour le scrutin français du 6 mai 2012 : créer de la croissance et de l'emploi à moyen terme, et éviter une crise structurelle à long terme, valent bien le sacrifice à court terme de quelques industries perdantes, si importantes soient-elles. L'Allemagne l'a bien compris, pourquoi pas nous?



[1] Dutch Disease (Maladie Hollandaise): se dit d'états souffrant d'une surévaluation de leur taux de change suite à la trop grande prépondérance des exportations de matières premières par rapport aux industries manufacturières ou agricoles. Ce déséquilibre, qui conduit à une trop grosse entrée de devises, pénalise gravement tout le reste de l'économie en poussant le pays à se spécialiser encore davantage sur son secteur phare.

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