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Entre le “tous pourris” couplé à l’envie de laver plus que blanc et le berluscono-pasquiao-tapisme, quel est le plus grand danger pour nos démocratie ?
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Colère à tous les étages

L'affaire Pénélope Fillon a le mérite de mettre en lumière les réactions des électeurs. Soit les Français adhèrent à la thèse du "tous pourris" et réclament une transparence politique totale, soit ils se désintéressent totalement de la vie et des acteurs politiques. Les deux cas ne présagent rien de bon pour la démocratie française.

Dimitri  Casali

Dimitri Casali

Dimitri Casali est Historien, spécialiste du 1er Empire et ancien professeur d’Histoire en ZEP, il collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio et la télévision. Il est auteur d’une quarantaine d’ouvrages notamment : La France Napoléonienne (Albin Michel 2021), le Grand Procès de l’Histoire de France, lauréat du prix des écrivains combattants 2020 (Robert Laffont 2019), du Nouveau Manuel d’Histoire préface de J-P Chevènement (La Martinière 2016), de l'Altermanuel d'Histoire de France (Perrin), lauréat du prix du Guesclin 2011 ; l'Histoire de France Interdite (Lattès 2012). Par ailleurs, il est le compositeur du « Napoléon l’Opéra rock » et de l’« l’Histoire de France l’Opéra rock », spectacles musicaux historiques et éducatifs.

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Atlantico : La tourmente dans laquelle se situe François Fillon et les "affaires" en politique de manière générale en France poussent les électeurs à deux type de comportement. La première réaction c'est l'adhésion à la thèse du "tous pourris" qui mène à demander une transparence totale. Mais cette idée à une limite et présente des dangers, quels sont-ils et sur quel exemple historique pourrait-on se baser pour le démontrer ?

Dimitri Casali : D'abord, le principal problème des Français et des médias c'est qu'ils ne replacent pas les affaires dans le contexte de l'époque. 2002 c'était il y a 15 ans, soit une éternité à l'échelle de l'immédiateté de l'Histoire actuelle. En l'occurrence dans l'affaire Fillon, les faits remontent à 2002 et placer un proche en collaborateur était et est toujours monnaie courante. Ensuite cette exigence de transparence qui n'existait pas avant relève de l'influence des pays nordiques sur la vie politique de la France. Cette influence est contraire à la culture politique française. Gambetta, Clémenceau, Napoléon ou même François Mitterrand ont toujours eu une certaine liberté de manœuvre. On le voit bien dans l'histoire de François Mitterrand et de l'affaire de sa fille, Mazarine, élevée pendant 2 septennats au frais de l'Elysée. A l'époque, l'affaire n'avait pas fait scandale. Tout le monde savait mais personne ne disait rien. Aujourd'hui les hommes politiques doivent composer avec cette nouvelle règle de transparence totale alors qu'un homme politique par essence ne peut pas être complètement transparent. La probité des hommes politiques n'existent pas. Tout homme d'Etat a forcément un côté lumineux et un côté sombre. Aucun homme politique n'est irréprochable dans l'Histoire. Rien n'est blanc ou noir, tout est gris et c'est cette complexité qui rend l'Histoire et les hommes passionnants. Gambetta disait que "pour gouverner les Français il faut un discours violent et des actes modérés." Cette exigence de transparence est dangereuse pour la démocratie et en plus une telle transparence ne prouverait aucunement  la qualité de la politique conduite par la suite.

La deuxième réaction fait écho à Charles Pasqua qui déclarait : "Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien." La multiplicité des affaires peut aussi conduire à un désintéressement total de la part du citoyen qui est désillusionné.  Là encore quels dangers cela peut-il représenter pour la démocratie et sur quels exemples peut-on se baser ?

Cette réaction découle d'une construction historique. Elle s'explique par le problème de la perte de confiance envers nos hommes politiques depuis une vingtaine d'années. Cette perte de confiance s'explique d'abord par l'absence d'un Homme fort à la tête de l'Etat depuis longtemps. Nous n'avons plus de Napoléon, de Clémenceau ou de Gambetta… Aujourd'hui la France a les hommes politiques qu'elle mérite. Ensuite, cette perte de confiance s'explique aussi par les successions d'affaires qui ont frappé les hommes politiques dans l'histoire immédiate. Prenons l'exemple de Mitterrand toujours et de sa fille Mazarine, puis Jacques Chirac et l'affaire des emplois fictifs ou des billets d'avion pour l'île Maurice. Puis Nicolas Sarkozy et toutes les affaires que l'on connaît et celles qui sont encore devant la justice. Ces hommes auraient dû donner l'exemple et quand l'exemple ne vient plus d'en haut les Français ne respectent plus rien. Enfin, il faut noter  que de manière générale, les Français sont plus ignorants de leur Histoire à une époque où les hommes politiques sont de plus en plus honnêtes du fait des lois sur la transparence de la vie politique. C'est un paradoxe.

Au final est-ce que la réaction la plus judicieuse dans ce type d'affaire n'est pas celle qu'a eu François Fillon lui-même en décidant de s'en remettre à la justice ?

C'est une question complexe et les deux phénomènes sont évidemment complémentaires. Je pense quand même que c'est ce besoin de transparence totale.  Elle a bon dos, mais même si Macron est élu on trouvera bien des affaires. Ca rejoint cette nécessité de bienpensance et ce besoin de politiquement correct qu'ont les Français aujourd'hui. Il faut ramener les Français sur terre te leur montrer qu'il y a des situations très conflictuelles à gérer et très difficile. Il faut arrêter d'idéaliser les hommes politiques avant toute chose. Les Français ne comprennent pas car ils n'ont plus la compétence et la culture pour comprendre ce qu'il se passe autour d'eux. Quand on leur fait des promesses intenables comme le fait Benoît Hamon, ils foncent dedans, c'est insupportable. Les Français d'il y a 20 ans 30 as étaient plus responsables mais le monde lui-même était différent. Aujourd'hui l'immédiateté de l'information, la violence des réseaux sociaux font que, pour l'affaire Fillon, on assiste à une véritable curée. On l'accuse avant même que la justice ne tranche. C'est ça aussi, la menace qui pèse sur la démocratie.

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