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Entre coups bas et lynchage médiatique, les dessous de la guerre Sarkozy-Le Monde sur "l'affaire Bettencourt"
©Reuters

Bonnes feuilles

Côté face, les journalistes écrivent n’importe quoi. Ils vont trop vite. Ne vérifient pas leurs sources. Sont trop politisés. Se prennent pour des stars, croient tout savoir et supportent mal d’être critiqués. Côté pile, les journalistes percent les secrets de la République qui, sans eux, resteraient enfouis. Voir très récemment le compte suisse de Cahuzac ou l’affaire Bettencourt. Au prix d’une enquête fouillée et d’entretiens avec nombre de journalistes français et étrangers, Gilles Gaetner nous offre une plongée déconcertante dans les arcanes d’une profession qui, il y a peu encore, fascinait. Extrait de "Les journalistes ne devraient pas dire ça" de Gilles Gaetner, aux Editions L'Artilleur (2/2).

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Le Monde a une longue réputation dans le domaine de l’investigation. Hier, c’était le tandem Plenel-Marion qui sortait des coups, révélait la face cachée de la Mitterrandie. Aujourd’hui, c’est un autre tandem Lhomme-Davet qui révèle les dérives de la Sarkozie –  Mediapart y prend sa part – et de son chef, l’ancien président de la République, via les différentes informations judiciaires ouvertes au pôle financier… Encore que comme nous l’avons mentionné plus haut, certaines affaires que l’on croyait très gênantes pour Nicolas Sarkozy ont fait, pour reprendre l’expression de Jacques Chirac, « pschitt ». Il n’empêche. Depuis 2008, Lhomme, alors à Mediapart, qui ne rejoindra Davet au Monde qu’en 2011, fait de l’investigation comme on dit, surtout du côté droit, en direction de Patrick Balkany, Claude Guéant, et Nicolas Sarkozy. Bien peu de chose, sinon rien, du côté gauche. C’est ce que ses détracteurs lui reprochent.

Quand les journalistes du Monde se prennent pour James Dean ou Marlon Brando… en photo seulement

Ce duo de choc, la cinquantaine, toujours partant pour une enquête, est désormais connu dans toutes les salles de rédaction, ainsi que dans un large public. Désormais, on les interviewe et ils ont droit –  la consécration  – à leurs portraits à la dernière page de Libération. On les voit tous deux, en blouson de cuir noir, posant à la manière d’un film des années  1950 où tournaient James Dean ou Marlon Brando. Rien à voir par exemple avec le look d’un Robert Redford ou d’un Dustin Hoffman dans Les Hommes du Président, le film de Ian Pakula (1976) qui relate l’affaire du Watergate. Quand ces deux-là parlent, on le sent, ce sont des dingues de l’information. « Je me ferai tuer pour avoir une info », confie Gérard Davet. Qui ajoute  : « J’enrage lorsque je me fais griller par Mediapart… »

Tel est le tandem qui, depuis plusieurs années, traque Nicolas Sarkozy. Même si depuis la défaite de ce dernier à la primaire de la droite et du centre le 20  novembre 2016, cette traque semble s’être essoufflée. Il n’en demeure pas moins que les relations entre Sarkozy et les journalistes du Monde demeurent exécrables. « Pourtant, confie Fabrice Lhomme – que nous avons longuement rencontré en septembre 2016 – dans les années 2008-2011, à l’époque où je travaille pour Mediapart, les relations avec la Sarkozie, même si je ne rencontre pas Nicolas Sarkozy personnellement, sont plutôt bonnes. Je suis reçu par ses conseillers, même les plus proches. Je précise que, lorsque je révèle le piratage de son compte bancaire à la Société générale de Neuilly-sur-Seine, Nicolas Sarkozy ne m’en veut absolument pas. Au contraire. C’est par la suite que nos rapports vont sérieusement se détériorer. »

Cent cinquante mille euros destinés à Éric Woerth ?

La suite ? C’est le séisme de l’affaire Bettencourt dont les fameux enregistrements illégaux vont être divulgués par Fabrice Lhomme, alors à Mediapart. « Puis, le 5  juillet 2010, poursuit Lhomme, quelques heures après que Claire Thibout a été entendue par la police, elle m’accorde une interview qui va être vécue comme une déclaration de guerre par l’ancien Président et ses proches. Que me dit Claire Thibout ? Qu’en mars 2007, Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane, lui aurait demandé d’aller retirer à la banque 150  000  euros en espèces. Une somme destinée à Éric Woerth… qui devait lui-même la remettre à Nicolas Sarkozy pour financer sa campagne présidentielle de mai 2007. » Et Claire Thibout d’ajouter qu’il y avait un défilé d’élus chez la principale actionnaire de l’Oréal. Une bombe, les confidences de l’ex-comptable ! Le 7 juillet, coup de théâtre : à nouveau entendue par la police à la demande du procureur de Nanterre, Philippe Courroye, Claire Thibout semble rétropédaler… Affirmant qu’elle « n’a jamais assisté aux remises d’enveloppes… » Qu’elle n’a « jamais dit que des enveloppes étaient remises régulièrement à Nicolas Sarkozy. » Elle poursuit  : « L’article de Mediapart me fait dire que j’aurais déclaré quelque chose concernant la campagne électorale d’Édouard Balladur. C’est totalement faux. C’est de la romance de Mediapart. »

Avant de se montrer une nouvelle fois catégorique : « Les seules enveloppes que je remettais, c’était toujours à M. ou Mme Bettencourt. » Ce PV d’audition est transmis par un très proche de Nicolas Sarkozy au Figaro. Qui le publie avec ce titre  : « La romance de Mediapart. » « À partir de là, se rappelle Lhomme, les journalistes ne me lâchent pas. Les caméras sont à mes basques. On m’interroge : “Est-ce que vous allez tenir une conférence de presse pour vous excuser ?” Je vous le dis, c’est dur, très dur. Heureusement, je suis soutenu à fond par la rédaction de Mediapart et Edwy Plenel. » Et Fabrice Lhomme de lâcher, comme s’il souhaitait s’excuser : « Avec le recul, je me dis que ça a été une expérience enrichissante d’éprouver ce que vivent certaines personnalités traquées, voire même lynchées publiquement. »

Extrait de "Les journalistes ne devraient pas dire ça" de Gilles Gaetner, aux Editions L'Artilleur 

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