Emmanuel, Sandrine et les autres : l’Instagram pol ou la démocratie transformée en spectacle déconnecté de la réalité<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron avec Kylian Mbappé lors de la remise du trophée.
Emmanuel Macron avec Kylian Mbappé lors de la remise du trophée.
©ADRIAN DENNIS / AFP

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Après la finale de la Coupe du monde entre la France et l'Argentine, Emmanuel Macron a été critiqué pour sa mise en scène auprès des Bleus.

Stéphane Rozès

Stéphane Rozès

Stéphane Rozès est président de Cap, enseignant à Sciences-Po Paris et auteur de "Chaos, essai sur les imaginaires des peuples", entretiens avec Arnaud Benedetti.

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Atlantico : On a abondamment reproché à Emmanuel Macron sa mise en scène auprès des joueurs de l’équipe de France, après la finale du mondial. Dans quelle mesure la communication est devenue prépondérante voire écrasante en politique ? Est-ce une manière de dissimuler le vide ?

Stéphane Rozes : Oui cela vient de ce qu’ Emmanuel Macron  communique en surfant sur la symbolique des Bleus mais sans s’ancrer dans la nation car son action est à l’inverse de son imaginaire, sa façon d’être et de faire.

Le succès des Bleus dans l’Opinion repose sur une double symbolique. Cette équipe réussit car sa composition et jeu résultent de ce que le talent individuel est au service du collectif. Chacun est jugé, non sur ses origines, mais sur son apport. Deschamps, comme hier Jacquet, a su écarter des joueurs individuellement talentueux mais sans esprit collectif. Le football est ainsi à l’image de ce que devrait être la France, comme par exemple le « jeu à la nantaise » illustre l’esprit nantais. En outre au fond du trou, les Bleus ont su se ressaisir dans des gestes de « sursaut » ancrés dans la mémoire de notre peuple, notre inconscient collectif, incarnés hier par des figures comme Vercingétorix, Jeanne d’Arc ou de Gaulle ...

Au contraire Emmanuel Macron « gère » le pays en surplomb. Non seulement il promeut des « premiers de cordées », mais il pense que son second septennat aura un sens s’il arrive à discipliner les français  au travers de réformes structurelles, comme les retraites, en respectant des disciplines économiques devant s’imposer de l’extérieur. Il doit alors communiquer, faire de la pédagogie. Or chez nous, les règles du jeu sont inverses. La réforme n’est pas une finalité, une imposition de l’Etat sur la nation, mais un moyen. La réforme requiert au préalable de savoir où doit aller la France. Pour avoir esquivé cet enjeu existentiel lors de la présidentielle et les législatives, il n’a plus de majorité à l’Assemblée, suscite de suite la défiance et la France s’affaisse dans tous les domaines. 

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Comment la démocratie s’est-elle transformée en ce spectacle déconnecté de la réalité ?

La démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple. Elle prend une forme différente selon les pays et certains n’y recourent pas. Chez nous la souveraineté nationale, le fait que nous soyons maitre de notre destin est la condition de la souveraineté populaire, la prise des gouvernés sur les gouvernants, du bon fonctionnement des institutions et de la vie démocratique. Or la souveraineté nationale est contournée par les institutions européennes néolibérales. Cela tarit la souveraineté populaire et sa modalité démocratique, chez nous la République. Notre imaginaire est projectif et universaliste. Pour nous assembler et déploier notre génie nous devons construire politiquement notre avenir en nous projetant dans le monde soit l’inverse de ce qui se passe aujourd’hui.

Jusqu'où faut-il faire remonter pour trouver les racines de ce mal ? Les nouveaux moyens de communication et le narcissime médiatique n’y ont pas leur part ? Comment nous en sortir ?

Le livre d’entretien avec Arnaud Benedetti revient précisément sur ces questions décisives. L’espace public numérique amplifie mais n’est pas à la racine du mal qui est de nature politico-culturelle. Avec l’Acte unique européen, le Traité de Maastricht puis Constitutionnel européen refusé par la France ; nos gouvernants, le sommet de l’Etat et classes dirigeantes ont mis en place des gouvernances, technostructures et politiques néolibérales qui substituent l’administration des choses, des intérêts au sein des marchés au gouvernement des hommes. On assiste à des simulacres démocratiques dans les institutions et au parlement européen dont la légitimité n’est indexée sur les us, coutumes et intérêts des nations européennes.

Toutes les civilisation et peuples voient à leurs imaginaires déstabilisés par la globalisation néolibérale et en réactions se replient. Mais l’Occident est plus déstabilisé, en particulier l’Europe et la France la plus pessimiste au monde est, du fait de son imaginaire,  l’œil du cyclone. Déjà pointent les dissensions internes aux peuples qui se résolvent par des guerres. Pour éviter le pire, il faut redonner aux peuples la maitrise de leurs destins en restaurant la souveraineté de leurs nations plutôt que celle des marchés. Alors chaque peuple pourra jouer collectivement et chacun exceller dans la complémentarité et le respect de tous. Il faut refaire de la politique pour construire un avenir commun. Les crises climatiques, de la biodiversité, sanitaires ou migratoires le requièrent sinon ce sera le chaos.

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