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La stratégie d’Emmanuel Macron semble payante à l’heure actuelle. Avec ses déclarations, il a réussi à déporter Valérie Pécresse sur les terres d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen.
La stratégie d’Emmanuel Macron semble payante à l’heure actuelle. Avec ses déclarations, il a réussi à déporter Valérie Pécresse sur les terres d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen.
©Sebastien NOGIER / POOL / AFP

Stratégie du chef de l'Etat

Alors qu’un Président sortant cherche à rassembler pour se faire réélire, Emmanuel Macron choisit de cliver pour mieux régner une seconde fois.

William Thay

William Thay

William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Emeric  Guisset

Emeric Guisset

Emeric Guisset est secrétaire général adjoint du think-tank Le Millénaire.

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Le président de la République s’est illustré lors d’une dernière interview où il assume de discriminer les Français entre deux catégories : les vaccinés et les non-vaccinés. Si Emmanuel Macron est un habitué des petites phrases, ses propos ont cette fois-ci pris une autre ampleur en raison d’un choix assumé de gouverner contre une partie de la population et de les “emmerder jusqu’au bout”. Alors qu’un Président sortant cherche habituellement à rassembler pour se faire réélire, Emmanuel Macron choisit de cliver pour mieux régner une seconde fois.

Une campagne à l’heure du Covid-19

Le comportement électoral lors des élections intermédiaires avec la crise sanitaire a révélé une prime aux sortants et davantage d’abstention. Cet avantage aux sortants s’explique notamment par une abstention différenciée. Ainsi, l’électorat de la majorité au pouvoir se mobilise davantage que l’électorat de l’opposition. De plus, cette abstention différenciée frappe inégalement les catégories de la population, en touchant davantage les jeunes que les retraités, les classes populaires et intermédiaires que les cadres.

À ce titre, la crise sanitaire renforce cette abstention puisqu’un sondage IFOP souligne la comparaison des intérêts pour les élections régionales de 2015 et de 2021. Cette enquête a permis de souligner un écart de 17 points d’intérêts entre ces deux élections (42% d’intéressés en 2015 contre 24% en 2021). Or, l’écart de participation entre ces deux élections se retrouve de 16,6 points. Ainsi, en prenant la comparaison entre deux sondages d’IPSOS de décembre 2016 et décembre 2021, nous retrouvons un écart de 14 points d’intérêts (81% en 2016 contre 67% en 2021) soit potentiellement autant d'abstentionnistes.

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Il faut ajouter que le contexte de crise sanitaire ne permet pas de répondre à ce manque d’intérêt. D’une part, les candidats sont dans une presque impossibilité d’organiser des réunions politiques qui sont légales mais peuvent être jugées comme irresponsables pour une partie de l’électorat. D’autre part, la crise impose la thématique sanitaire au centre des préoccupations et des sujets de discussion. Ainsi, excepté quelques polémiques, il est difficile d’avoir un débat portant sur une autre thématique malgré que les Français souhaiteraient voir des réponses à leurs préoccupations sur le pouvoir d’achat, la sécurité, l’écologie etc.

Le clivage comme assurance-vie

Dans ce contexte, le président de la République dispose d’un socle électoral important mais minoritaire. Emmanuel Macron occupait une position centrale en 2017, avec un électeur moyen qui votait pour lui. Ainsi, si Emmanuel Macron gagnait dans presque toutes les configurations de second tour en 2017, ce n’est plus le cas en 2022. D’une part, il se retrouve désormais dans la position de sortant qui conduit à un développement mécanique de rejet. D’autre part, l’évolution de la société a placé davantage le barycentre de la société plus à droite. Par conséquent, il est probable que si le Président sortant se retrouvait face à un candidat jugé extrême comme Éric Zemmour ou Marine Le Pen, il l’emporterait avec un moins grand écart qu’en 2017. Cependant, sa réélection n’est pas du tout assurée s’il se retrouvait face à Valérie Pécresse, dont les sondages de second tour sont tous dans la marge d’erreur depuis sa désignation comme candidate des LR.

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Pour assurer sa réélection, Emmanuel Macron peut soit élargir son socle électoral pour creuser l’écart avec Valérie Pécresse, soit tenter de la faire descendre pour l’empêcher de se qualifier au second tour. Sur la première hypothèse, on observe que les intentions de vote en faveur du président sortant restent relativement stables qu’importe les évolutions de sa côte de popularité. C’est d’une part une caractéristique qu’il l’avantage puisqu’en cas de perte de popularité il parvient à rester stable et maintenir son bloc électoral. Mais ceci présente aussi l’inconvénient de ne pas pouvoir tirer profit en cas de hausse de popularité comme dernièrement en temps de gestion de crise. Sur la seconde hypothèse, plutôt que d’aller conquérir l’électorat de sa rivale qui l’obligerait à quitter son positionnement du “en même temps”, il privilégie le clivage pour écarteler la candidate de LR entre lui et Éric Zemmour/Marine Le Pen.

Une stratégie fonctionnelle ?

Emmanuel Macron répond avec ses dernières polémiques à deux enjeux : instaurer un clivage pour écarteler Valérie Pécresse et se remettre dans une position centrale. Pour cela, il dispose de deux atouts : la crise sanitaire et la présidence française de l’Union européenne. Alors qu’il semblait plutôt en décalage avec les préoccupations des Français, il semble tenir une ligne politique sur les questions européennes et sanitaires plébiscitée par les Français. De plus, ce clivage conduit la candidate de LR à être tiraillée entre adopter un discours similaire à celui du président sortant, et en même temps tenir un discours critique pour attirer à elle l’électorat tenté par Éric Zemmour ou Marine Le Pen. Le clivage entre pro-européen et nationaliste a déjà fait ses preuves lors des élections européennes 2019 qui ont conduit la droite à enregistrer son plus faible score de son histoire, incapable de tracer une troisième voie.

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Or, l’opposition LR semble tomber une nouvelle fois dans le piège tendu par Emmanuel Macron. Sur la question du drapeau, il est parvenu à conduire Valérie Pécresse à suivre le positionnement d’Éric Zemmour et Marine Le Pen, pour capitaliser sur l’électorat pro-européen du centre-droit. Sur la question sanitaire, l’électorat de Valérie Pécresse est plus âgé que la moyenne des Français. Or, selon un sondage IPSOS, Fractures françaises de 2021, 75% des retraités souhaitent que les contraintes sanitaires pèsent avant tout sur les non-vaccinées. Ce point souligne l’efficacité de la stratégie d’Emmanuel Macron sur la séquence médiatique de la semaine. L’opposition du groupe LR à l’Assemblée nationale sur l’introduction du pass vaccinal peut être jugée en décalage avec l’inquiétude sur le front sanitaire. De plus, la volonté de discriminer les non-vaccinés peut à la fois apparaître comme une position courageuse de la part du président de la République auprès de son électorat cible.

La stratégie d’Emmanuel Macron semble payante à l’heure actuelle parce qu’il a réussi à déporter Valérie Pécresse davantage sur les terres d’Éric Zemmour et Marine Le Pen que sur les siennes. Toutefois, il existe plusieurs incertitudes comme sur l’état d’esprit des Français à la sortie de la crise sanitaire et les thématiques qui peuvent émerger dans l’après-crise. Le président sortant redevient le maître des Horloges tant qu’au moins deux conditions ne viennent pas contrecarrer ses plans. Un sursaut démocratique pourrait provenir des électeurs tentés par l’abstention de revenir aux urnes. Les oppositions pourraient également imposer un débat démocratique porté sur le bilan du quinquennat et introduire d’autres thématiques que la question sanitaire.

William Thay, président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques

Émeric Guisset, secrétaire général adjoint du Millénaire

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