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Embouteillages et immobilier sous tension : quand les métropoles de l’Ouest peinent à absorber l’impact (et la nature) de leur croissance démographique
©Wikimedia/Marc Ryckaert

Parisien, rentre dans ton pays

Alain Juppé a condamné dans un tweet les attaques contre les gens qui viennent s'installer à Bordeaux. Le développement urbain et l'arrivée de ces personnes en provenance de Paris pose problème, sur l'immobilier entre autre chose.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico : Les grandes villes de l’ouest de la France subissent une vague de migration interne au pays, dont Bordeaux est devenue l'emblème, notamment avec l'ouverture de la LGV. Quels ont été les effets de ces migrations sur la vie locale ? Des prix de l'immobilier à la circulation routière, quels sont les "inconvénients" de cette situation ? 

Laurent Chalard : Les grandes métropoles de l’ouest de la France ont vu leur croissance démographique s’accélérer depuis le milieu des années 1990, du fait d’une attractivité migratoire renforcée, partiellement liée à l’arrivée du TGV Atlantique en 1990. Ces dernières années, elles figureraient même désormais parmi les métropoles les plus dynamiques du pays, Bordeaux faisant, par exemple, presque jeu égal avec Toulouse, ce qui n’était plus le cas depuis des décennies. De même, Nantes est désormais sensiblement plus dynamique que Toulon. Si, traditionnellement, les métropoles de l’ouest de la France exerçaient une attractivité certaine sur leur arrière-pays rural, qui leur a fourni par le passé de gros contingents d’immigrants, la principale nouveauté de ces dernières années concerne l’origine des nouveaux arrivants, qui sont désormais de plus en plus parisiens et plutôt diplômés.

L’attractivité migratoire a consécutivement quatre principaux effets positifs. Le premier est le boom de la construction, en particulier de logements, ce qui contribue à dynamiser fortement l’économie locale. Le deuxième effet est le développement de l’emploi tertiaire supérieur, les nouveaux arrivants, plus diplômés que la moyenne, occupant des emplois plus qualifiés, que ne pouvaient pourvoir la main d’œuvre locale, et créant eux-mêmes des emplois qualifiés lorsqu’ils sont des entrepreneurs. Un troisième effet porte sur la diversification de l’offre culturelle. En effet, les métropoles de l’ouest, qui se présentaient auparavant comme de« belles endormies », avec une offre très « classique » réservée à une bourgeoisie un peu désuète, proposent désormais une offre culturelle innovante et diversifiée, que l’on peut retrouver dans toute autre métropole européenne. Un quatrième effet tient au renforcement de l’attractivité commerciale, en particulier des centres historiques, qui sont grandement redynamisés, avec l’arrivée de commerces plus rares, qui peuvent s’épanouir grâce à l’arrivée d’une nouvelle clientèle.

Cependant, revers de la médaille, l’attractivité migratoire a aussi des effets négatifs de plusieurs ordres, qui touchent essentiellement les populations locales.

Sur le plan de l’immobilier, qui dit forte demande et solvabilité plus importante des nouveaux arrivants, dit hausse des prix de l’immobilier, en particulier dans les quartiers centraux recherchés. En conséquence, les locaux peuvent se sentir exclus de la nouvelle dynamique, les nouveaux arrivants s’appropriant les quartiers les plus agréables et les transformant à leurs goûts.

Sur le plan des transports, qui dit hausse démographique importante, dit mécaniquement hausse de la mobilité, d’autant plus que nous sommes dans des métropoles relativement peu densément peuplées, qui se caractérisent par un fort étalement urbain. En conséquence, les embouteillages ont tendance à augmenter, du fait du décalage traditionnel entre croissance de la mobilité et ouverture de nouvelles infrastructures de transports.

Sur le plan de l’emploi, la métropolisation consécutive de l’attractivité migratoire, conduit à l’émergence d’un marché du travail à deux vitesses, avec d’un côté les emplois très qualifiés, occupés par des cadres originaires d’ailleurs, souvent de région parisienne, et de l’autre, les emplois moins qualifiés, réservés aux locaux moins diplômés. Il peut s’ensuivre des tensions sociales entre les deux populations.

Sur les plans commercial et culturel, l’attractivité migratoire conduit à un processus  d’homogénéisation des villes. On retrouve des offres identiques dans toutes les grandes métropoles, qui s’adressent exclusivement à une clientèle spécifique, que l’on dénomme communément « bobo ». En conséquence, il existe un risque de perte d’identité régionale, le caractère breton ou aquitain pouvant se dissoudre dans un caractère « bobo urbain mondialisé ».

Dans quelle mesure les pouvoirs publics locaux peuvent-ils être tenus pour responsables d'une situation, par faute d'anticipation ? 

Les pouvoirs locaux ne peuvent être jugés responsables des dysfonctionnements consécutifs d’un excès d’attractivité de leur territoire, car, par définition, un bon élu local est un élu qui réussit à renforcer l’attractivité territoriale de son territoire, cette dernière ayant forcément aussi ses mauvais côtés. En effet, dans les métropoles de l’ouest, les municipalités ont fait de gros efforts pour la mise en place de transports en commun efficaces et elles mènent toutes une politique active de construction de logements. Ce seraient donc injustes de les accuser d’avoir manqué d’anticipation.

Quelles sont les principales villes touchées ? Peut-on considérer que le phénomène va se prolonger dans le temps ? D'autres tendances sont-elles actuellement à l'oeuvre sur le territoire ? 

Les villes touchées sont en nombre très limitées, c’est-à-dire seulement trois : Bordeaux, Nantes et Rennes. Ce sont tout simplement les trois métropoles régionales les plus peuplées de l’ouest de la France.

Le phénomène d’attractivité de ces agglomérations va se maintenir à court terme car l’effet « ouverture de la LGV » n’est que tout récent, cependant, il est difficile de savoir si cette attractivité sera pérenne. En effet, l’effet TGV est parfois assez temporaire. Par exemple, si Marseille a connu un regain de croissance au début des années 2000, suite à l’ouverture de la LGV Méditerranée, la dynamique est retombée depuis.

Concernant les tendances structurelles des dynamiques territoriales hexagonales, elles laissent à penser que l’attractivité de ces trois métropoles devrait se poursuivre pour deux principales raisons. La première est l’accentuation du mouvement de métropolisation à l’échelle nationale du fait de la réforme territoriale et de la mondialisation. La seconde est le basculement progressif de l’emploi et de la population à l’ouest d’une ligne Le Havre-Marseille, qui se constate depuis les années 1990.

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