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Elle rajeunit de 20 ans : non ce n’est pas un titre de magazine féminin, c’est le résultat de la toute première expérience des thérapies géniques sur un être humain
©Reuters

Immortels

Elizabeth Parrish, 44 ans et directrice de la société Bioviva, affirme avoir rajeuni biologiquement de 20 ans après avoir subi une thérapie génique. Même si l'ampleur de la réussite scientifique est contestée, il s'agit du premier succès mondial de rallongement des télomères via une thérapie génique sur un humain (la thérapie génique a déjà été utilisée pour rallonger des télomères dans des cellules cultivées et sur des souris).

Olivier  Nérot

Olivier Nérot

Président de AFT Technoprog.

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Roland Moreau

Roland Moreau

Roland Moreau est biophysicien et inspecteur général des Affaires sociales.

Il a notamment écrit L'immortalité est pour demain (Bourin Editeur, 2010). 

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Atlantico : Pouvez-vous expliquer en quoi consiste une thérapie génique ?

Roland Moreau : La thérapie génique consiste à utiliser de l'ADN pour traiter des maladies ou empêcher leur apparition. Les méthodes utilisées sont différentes en fonction des pathologies.

Pour les maladies monogéniques (dues à un dysfonctionnement d'un seul gène), on remplace un gène "malade " par un gène "sain". On peut aussi introduire dans l'ADN un gène ayant une fonction thérapeutique. C'est ainsi qu'en cancérologie, on utilise un gène codant pour une protéine active dans la reconnaissance des cellules tumorales ou dans leur destruction (antigènes tumoraux, enzymes suicides...).

Une autre technique, très prometteuse, consiste à remplacer de façon "nano-chirurgicale" le gène défectueux directement au sein du noyau de la cellule. Cette méthode repose sur l'utilisation d'enzymes, les nucléases, qui ont la propriété de "repérer" des séquences particulières d'ADN de part et d'autre du gène défectueux et de couper le chromosome en "exfiltrant" le gène altéré. L'ingénierie de la cellule permet alors de réparer l'ADN en incorporant un gène fonctionnel.

Quelles que soient les techniques utilisées, la thérapie génique consiste toujours, in fine, à modifier le génome des cellules du patient, de façon définitive ou transitoire.

Elizabeth Parrish, PDG de l'entreprise américaine BioViva, assure avoir fait rajeunir de 20 ans certaines de ses cellules grâce à une thérapie génique qu'elle a testée sur elle-même. En quoi a consisté son traitement ?

Olivier Nérot : Elizabeth Parrish a reçu deux thérapies géniques expérimentales développées par sa société : une pour se protéger contre la perte de la masse musculaire avec l’âge, et une autre pour combattre l’appauvrissement des cellules souches responsables de diverses maladies et infirmités liées à l’âge.

En quoi cette cette expérience est-elle innovante ?

Olivier Nérot : La première innovation de cette expérience consiste simplement dans le fait qu'Elizabeth Parrish a expérimenté deux thérapies géniques sur elle-même, donc sur un être humain, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant. 

Ensuite, c’est aussi le premier succès mondial de rallongement des télomères via une thérapie génique sur un humain. La thérapie génique avait déjà été utilisée pour rallonger des télomères dans des cellules cultivées et sur des souris, mais ce n’était jamais arrivé sur un humain.

Après, les résultats de l'expérience font débat car le rallongement des télomères n'est certainement pas le seul facteur de vieillissement de notre corps.

Ces résultats sont-ils définitifs ou faudra-t-il les surveiller pendant plusieurs mois/années ?

Roland Moreau : Ces résultats se limitent pour l'instant à une augmentation de la taille des télomères sur des leucocytes qu'elle a prélevés sur son propre sang.

Les (vrais) scientifiques qui sont à l'origine de ces résultats (Blackburn, Szostak et Greider) ont obtenu le prix Nobel de médecine en 2009. Ils ont montré que les télomères, composés d'ADN situés à l'extrémité des chromosomes ont la particularité de raccourcir à chaque division cellulaire. Lorsque leur taille devient insuffisante, la cellule cesse de se diviser et meurt. La télomérase, une enzyme découverte par ces chercheurs, possède la propriété d'empêcher ce raccourcissement des télomères à l'origine du vieillissement cellulaire. Auraient-ils donc découvert l'élixir de jouvence comme l'a annoncé la presse à cette époque ? Pas si simple, hélas, car la télomérase possède également la propriété d'être cancérogène.

Les "résultats" obtenus sur les globules blancs d'Elizabeth Parrish ne sont donc ni une découverte ni une voie d'avenir en raison du risque de cancer. Il faudra assurément qu'elle soit médicalement surveillée pendant de très nombreuses années pour effectuer des dépistages de cancer.


Si les résultats d'Elizabeth Parrish ont été en partie vérifiés, l'expérience a été accueillie froidement par certains milieux scientifiques. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Roland Moreau : Ces résultats sont doublement transgressifs.

Il s'agit d'abord d'une transgression vis-à-vis des lois qui définissent, dans tous les pays du monde, les protocoles de recherche et d'expérimentation des nouveaux traitements. L'expérimentation humaine se déroule sur plusieurs années et selon des phases successives visant à rechercher l'éventuelle toxicité du produit testé, ainsi que son efficacité thérapeutique.

La seconde transgression relève de l'éthique. Avec le développement de la thérapie génique, un débat devra s'instaurer pour établir clairement la différence entre la thérapie génique à des fins médicales et les manipulations génétiques pour convenance personnelle. La première est non seulement licite, mais elle doit être développée pour lutter contre les maladies génétiques, dégénératives ou contre le cancer. La convenance personnelle (qui inclut le désir de ralentir le vieillissement), en revanche, doit être abordée avec une extrême précaution en raison d'un risque de dérive eugéniste.

Le succès de ce traitement génique ouvre-t-il de plus grandes perspectives scientifiques dans la lutte contre le vieillissement ?

Roland Moreau : Il ne s'agit pas selon moi d'un succès mais d'une escroquerie. Cette fausse recherche est une vraie opération de communication et de publicité pour la société que dirige Elizabeth Parrish, Bio Viva. Par ailleurs, cette voie de recherche sur les télomères ne me semble pas être promise à un grand avenir pour les raisons que je viens d'indiquer.

Mais il ne faudrait pas que cette imposture jette le discrédit sur les recherches contre le vieillissement menées aux Etats-Unis et en Europe. Depuis plus de vingt ans, de nombreux travaux convergent sur les gènes qui interviennent dans le vieillissement. Dès 1993, Cynthia Kenyon réussit à doubler la durée de vie d'un ver en inactivant un gène particulier. Depuis lors, les expériences se sont multipliées avec succès et les chercheurs parviennent aujourd'hui à tripler la durée de vie des souris !  

Pourra-t-on bientôt considérer le vieillissement comme une simple maladie ?

Roland Moreau : Le vieillissement n'est pas une maladie mais un processus physiologique - donc normal - que l'on observe dans l'ensemble du règne animal et végétal. Il faut toutefois souligner que quelques organismes - des hydres et certaines bactéries - sont quasiment immortelles. Inutile de dire que de nombreux laboratoires les étudient avec beaucoup d'intérêt.

Les recherches contre le vieillissement sont promises à un grand avenir. La plupart des chercheurs de ce domaine estiment que les personnes qui atteindront 150 ans sont déjà nées.

Dès à présent, il est certain qu'une fille sur deux qui naît en France sera centenaire.

Il devient urgent de rechercher de nouvelles frontières pour l'éthique, en sortant des sentiers battus d'une éthique de comités nationaux, européens ou de sous-préfecture qui ne visent qu'à normer et à interdire.

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