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Election présidentielle 2017 : les trois piliers d'une incertitude qui ouvre fortement le jeu
©Reuters

Prévision 2017

Alors que l'année 2016 touche à sa fin, Atlantico propose à ses lecteurs une série de prévisions pour le millésime 2017. Selon Jean Petaux, l'année 2017 est avant tout celle d'une élection présidentielle très incertaine.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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La grande inconnue, pour ce qui concerne la vie politique française, à la veille de la nouvelle année 2017, réside bien évidemment dans l’issue de l’élection présidentielle. Deux dates vont être régulièrement citées et répétées tels des marqueurs majeurs : le 23 avril et le 7 mai. Le second dimanche peut, sans que l’on soit en mesure de retenir une hypothèse ou une autre, aussi bien être une formalité qu’un enjeu politique primordial. 

Une formalité. C’est le deuxième tour neutralisé : le "cas 2002". Qualifiée pour le second tour, la présidente du Front national "tue le match" en quelque sorte. Les médias, les "intellectuels", les "grandes consciences morales", la classe politique quasi-unanime (hormis bien entendu le FN), se dressent fièrement contre le péril "bleu marine". La mobilisation des abstentionnistes du premier tour s’opère sous le signe de la honte frappant toutes celles et tous ceux qui avaient juré le 23 avril "qu’on ne les aurait plus et qu’ils ne voteront plus jamais" et qui vont, la mine grise, voter le 7 mai pour un candidat qui n’est surtout pas le leur "juste pour faire obstacle au fascisme qui menace".

Dans cette hypothèse, peu importe celui (étant entendu qu’il y a peu de chance qu’une femme autre que Marine Le Pen soit qualifiée pour le second tour) qui sera opposé à la présidente du FN. Peu importe son étiquette politique : il sera élu président de la République. Si Nicolas Sarkozy ou François Hollande avaient pu se qualifier et/ou se présenter, le haut niveau de rejet que l’un et l’autre inspiraient dans le camp d’en face pouvait laisser planer un doute sur la mobilisation générale contre le FN. Sortis l’un et l’autre de la compétition, on peut considérer que tous les candidats à même de figurer au second tour de la présidentielle seront élus face à Marine Le Pen. Même Hamon … et même Montebourg devraient y parvenir. Et même Peillon à condition qu’il n’ait traité tous les électeurs d’idiots d’ici le 7 mai et qu’il n’ait pas proposé de vendre le "chichon" à l’entrée des collèges. Même Mélenchon, tout à sa folie et à son égo surdimensionné, peut se calmer le temps de construire une simili-union sacrée contre la fille Le Pen en jurant sur les "Constitutions d’Anderson" de ne pas pendre le premier des patrons avec les tripes du dernier curé.

Enjeu politique primordial. C’est la configuration politique classique de la Cinquième république surtout depuis cette erreur constitutionnelle qu’a représenté le passage du septennat au quinquennat. Si Marine Le Pen est éliminée dès le 23 avril au soir, le second tour redevient un "vrai" second tour, ouvert et concurrentiel, ce qui n’empêchera pas la présence d’un favori et d’un challenger, à moins que les deux finalistes soient aussi peu enthousiasmant et mobilisateurs l’un que l’autre et que tout le monde s’ennuie au théâtre présidentiel.

Toujours est-il que le 7 mai, dans cette configuration, les Français se la joueront encore une fois "grand exercice démocratique". Et communieront, laïquement, aux vertus du suffrage universel. Peu importe que la voix du redoutable ignare cognant ses enfants pèse autant que celle de l’électeur sérieux et réfléchi, abonné à Atlantico ( !...), qui aura lu dix fois et dans les deux sens toutes les professions de foi des candidats (et les aura compris…). Magie et mystère de la démocratie : les "électeurs" auront tranché au soir du 7 mai. Et, hormis quelques grincheux et mauvais perdants, nul ne remettra en cause cette onction électorale plus sacrée que le contenu de la "Sainte ampoule" transformant, jadis, le prince héritier en roi de France dans la cathédrale de Reims.

Le président de la République, clef de voute des institutions, concentre sur lui tous les pouvoirs, non seulement il préside mais il gouverne, non seulement il est censé protéger mais il doit aussi attaquer, commander et conduire l’ensemble du char de l’Etat. Peu importe que le carburant (du char) soit stocké à Bruxelles, que les pièces de rechange soient fabriquées en Chine et que la "grande révision" du véhicule en question dure aussi longtemps que celle du seul et unique porte-avions français (18 mois…) : le 7 mai, la France change de roi. "Le président n’est plus, vive le président".

Reste que l’incertitude n’a jamais été grande quant à l’issue de la compétition présidentielle à venir. Pour quelles raisons ? Trois principales s’imposent. La première réside dans le fait que le président sortant ne se représente pas (sauf changement de décision de la part de François Hollande qu’il convient de ne pas exclure du tout). Ce n’est pas la première fois que cela survient depuis 1965. Le cas s’est produit déjà quatre fois : de Gaulle (1969), Pompidou (1974), Mitterrand (1995) et Chirac (2007). Dans les deux premiers cas (mort politique pour le Général, décès pour son successeur) il n’y a eu aucune volonté d’intervenir dans l’élection qui a suivi.

Pendant toute la campagne présidentielle de 1969, Charles de Gaulle s’en alla même ostensiblement marcher dans la lande irlandaise pour bien signifier que tout cela n’était pas son affaire. Dans les deux derniers cas, seul Mitterrand parvint à peser, un tant soit peu, sur le choix en faveur de son successeur : il conseilla Chirac, pris un soin malin à dézinguer Balladur et fit en sorte de ne pas aider d’un pouce Jospin. Pour ce qui concerne sa succession, le président Chirac fit tout ce qu’il pouvait pour "écraser le nain" mais parfaitement en vain. Le fait qu’il ait fait le reproche à Alain Juppé de se rallier trop tôt, début janvier 2007, à Nicolas Sarkozy alors qu’il pensait encore que ce dernier allait exploser en vol d’ici le mois de mars et qu’alors commencerait le "moment Juppé" montre bien que Chirac avait perdu la main à la fin de sa présidence. Dans les quatre situations citées sur neuf élections présidentielles (après 2017 ce sera cinq contre cinq encore une fois si François Hollande maintient son choix) l’incertitude a été grande quant au choix des Français. Ce fut même en 1974 que l’écart a été le plus infime entre les deux finalistes, Giscard et Mitterrand, sans parler du combat de la primaire entre ce même Giscard et Chaban. En 1995, si l’issue électorale finale paru vite aller dans le sens d’une victoire de Chirac contre Jospin, comment oublier la formidable partie de gifles que les deux tenants de la droite, Chirac et Balladur, jouèrent au premier tour ? On dira qu’en 2007 Sarkozy ne fit qu’une bouchée de la "Princesse Royal" tellement celle-ci était perchée dans une autre dimension, entre X-Files et Sœur Sourire. Mais c’est oublier qu’elle fit illusion jusqu’en janvier, tellement les meetings de "Désir d’Avenir" apparaissaient comme "différents" et surtout (bien plus inquiétant pour Sarkozy) ne pas se souvenir combien François Bayrou est revenu vite, dans la dernière ligne droite avant le premier tour, sur Ségolène Royal.

La deuxième raison est liée au "casting" de la future présidentielle. Il est surprenant : personne n’attendait Fillon comme candidat investi par "la droite et le centre" ; beaucoup s’interrogent sur la durabilité du "cas Macron" ; nul ne peut dire enfin quel lapin va sortir du "chapeau BAP"… Il est aussi médiocre : il n’y aucune "bête de scène" dans ce qui se profile comme candidat potentiel. Il n’y a surtout aucun homme d’Etat potentiel à même de se révéler. Au moins échappe-t-on en France à un Trump, à un Beppe Grillo ou à un Boris Johnson : les "charlots" semblent aux abonnés absents de 2017. Mais quand même : quelle affligeante "normalité" !

La troisième raison qui explique l’incertitude est sans doute la plus grave. Elle tient au contexte. Celle d’une France, comme d’autres Etats en Europe, sous la menace constante d’un épisode terroriste spectaculaire, marquant terriblement les esprits, fracturant la société française. Un événement capable d’impacter, pour peu qu’il ait été programmé au "bon moment", sur la "bonne cible", fortement le sort des urnes. La conjoncture prendra alors le pas sur l’enjeu présidentiel et la faiblesse de la structure politique française y concourra largement. 

Voilà l’issue potentiellement tragique de l’année présidentielle à venir : ne rien traiter au fond des enjeux qui se posent à la France ; fracturer davantage une société où plus de 10 millions d’électeurs auront voté pour Marine Le Pen sans retrouver de députés frontistes un mois plus tard pour les représenter à la hauteur du score présidentiel obtenu (hormis, peut-être, deux réélus : une jeune divorcée et un avocat opportuniste qui voulait se présenter à Vichy sous l’étiquette PS il y a vingt ans…) ; installer à l’Elysée un président sans grands moyens, soutenu par une majorité parlementaire dont l’obsession de la moitié de ses membres sera de savoir comment gérer la loi interdisant le "cumul des mandats" qu’ils devront appliquer, contre leur gré. Vivement après-demain !

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