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Egalité homme-femme dans les CA : ces femmes qui au nom de l'égalité refusent la représentativité
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Le mauvais chiffre

Viviane Reding, Commissaire européenne à la Justice, vient d'affirmer mercredi que son institution avait validé sa proposition de loi visant à instaurer un minimum de 40% de femmes dans les conseils d'administration des entreprises. Ces mesures sont loins de faire l'unanimité, y compris chez les autres femmes commissaires de la commission, ces dernières considérant qu'elle abîme l'image des femmes dans l'entreprise.

Sabine Fillias

Sabine Fillias

Sabine Fillias travaille pour Chausson Finance, société spécialisée dans la levée de fonds.

Elle a de nombreuses fois défendu "l'alterféminisme", qui souhaite défendre la condition des femmes à travers la politique de l'exemple plutôt que par l'assistance législative.

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Atlantico : Les quotas féminins dans les conseils d'administrations représentent-ils une réelle avancée ? 

Sabine Fillias : On peut déjà selon moi s’interroger sur la légitimité de la Commission Européenne sur une telle question.  Ainsi les neufs pays qui se sont opposés à l’amendement de Mme Reding se sont interrogé sur la possibilité d’imposer depuis une instance aussi distante que Bruxelles une loi qui s’appliquera à l’ensemble des pays de l’Union, dont la disparité législative et administrative n’est plus à démontrer. Sur ces neufs pays, il est intéressant de voir que six d’entre eux (Estonie, Lituanie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et République Tchèque) ont une histoire particulière qui leur a appris, pour reprendre le proverbe, que « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ». On peut se permettre néanmoins de mettre en doute l’application d’une législation qui remet en cause le pur principe de compétence, qui comme chacun sait est absolument incontournable dans le monde de l’entreprise.

Les quotas, malgré leurs bonnes intentions, provoquent de plus un effet pervers, puisque les femmes placées dans les conseils d’administration par quotas sont souvent soupçonnées d’incompétence. Il y a aussi un problème de conception du rôle de l’entreprise, qui est la propriété de ses dirigeants et non celle de la sphère publique. Cette ingérence des structures européennes publiques dans la gouvernance des structures privée semble faire peu de cas des réalités et des besoins de l’entreprise dont les emplois et la réussite dépendent de l’efficacité des cadres qui la dirigent. Le monde du travail porte certes une responsabilité morale, mais imposer des lois où des objectifs revient justement à nier cet aspect.  

Il ne s’agit donc pas d’une réelle avancée pour les femmes, d’autant plus que ces dernières prouvent très bien qu’elles peuvent briser le fameux « plafond de verre » en surpassant leurs handicaps supposés. L’exemple de Marissa Meyer, actuelle PDG de Yahoo, est assez éloquent dans la matière : c’est une femme, jeune et enceinte et ces trois freins ne l’ont pas empêché de se retrouver à un poste de décision important sans qu’aucun quota ne soit venu l’aider.

A terme une telle mesure ne risque-t-elle pas de basculer dans l'obsession de la représentativité, avec par exemple l’instauration de quotas générationnels ou ethniques ?

Il s’agit effectivement d’un vrai risque, puisqu’à terme cela revient à contraindre de manière arbitraire les choix de des cadres et des dirigeants. Ces politiques du quota ont de plus l’ambition de se vouloir représentative de l’ensemble de la société, mais l’on oublie un peu vite de dire qu’ils ne pourront pas être représentatifs de la réalité particulière des entreprises, dont l’ambition et les populations ne sauraient être exactement les mêmes que l’ensemble social. La gestion d’une entreprise high-tech ne se fait pas de la même manière que celle d’un cabinet de conseil ou d’une structure publique (le système de quotas s’inspirant largement de ces dernières NDLR). Ces erreurs de considération pourraient même à terme avoir des conséquences en termes d’emploi, puisque le recrutement de la masse salariale deviendra un véritable casse-tête chinois.

Quelles mesures pourraient faciliter l'insertion des femmes sans recourir à la discrimination positive ?

Je commencerai par dire que personne ne s’oppose aujourd’hui à une présence accrue des femmes dans les conseils d’administration, à fortiori lorsque l’on sait, d’après plusieurs études, que les entreprises dirigées par des femmes se portent plutôt bien en général. Les sociétés qui comptent de nombreuses femmes-cadres voir même les sociétés dirigées par des femmes résistent plutôt bien à la crise et sont moins sensibles au phénomène de turn-over, ce qui renforce la cohésion des employés.

Je crois aux vertus des corps intermédiaires et de la société civile plutôt qu’à celles de la loi sur le sujet. On peut ainsi compter sur les associations et les ONG pour mener, comme cela a déjà été le cas, des campagnes de sensibilisation dont l’impact est autrement plus positif sur les mentalités qu’une législation contraignante et difficilement réalisable qui fait passer les femmes pour des potiches en mal de protection. Nous devons sortir du syndrome de la femme-décor pour promouvoir de manière concrète et apaisée l’émergence de la femme compétente et légitime.

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