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Efficace ou pas, ce que la science nous dit des remèdes de grands-mères contre le rhume
©NICOLAS ASFOURI / AFP

La vérité

L'hiver venu, chacun s'essaye pour lutter contre le froid à suivre certains remèdes de grand-mère à la raison d'être venue de temps immémoriaux.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Pour des yeux de scientifiques, ces remèdes fonctionnent-ils effectivement ? Certains sont-ils plus efficaces que les autres ?

Stéphane Gayet : On se méfie de plus en plus des médicaments, car ils incarnent dans l'esprit commun la chimie, les effets secondaires liés à une toxicité systématique et plus ou moins cachée, ainsi que les profits que réalisent les laboratoires, les grossistes en médicaments et les officines pharmaceutiques. La méfiance vis-à-vis des médicaments est pleinement dans l'air du temps ; elle est entretenue par différentes affaires médiatiques et judiciaires concernant certaines spécialités. Or, il faut savoir que la plupart des clients de la médecine libérale acceptent assez facilement les ordonnances même longues de médicaments - qui ne leur coûtent rien ou presque -, sachant que, de retour à domicile, ils feront le tri de ces médicaments et décideront, sur des critères qui leur sont personnels, ceux qu'ils prendront et ceux qu'ils conserveront intacts dans leur petite réserve domestique de médicaments.

Pas étonnant dès lors que la phytothérapie, la nutrithérapie, les huiles essentielles, l'homéopathie – qui présente l'avantage de ne pas être toxique, du moins quand elle est exclusive – et l'ensemble des médecines douces non conventionnelles soient en vogue aujourd'hui.

Les remèdes dits de grand-mère s'apparentent à ces méthodes, mais en étant complètement informels : non seulement ils excluent toute la pharmacopée, mais aussi les produits de parapharmacie.

Le statut de grand-mère est à l’honneur depuis longtemps : il évoque l’expérience, la sagesse, les bons conseils, la tolérance, l’écoute, la douceur. Il est amusant de souligner une sorte de paradoxe entre cette valorisation moderne de l’héritage et de la culture de nos grand-mères et une actuelle tendance au jeunisme. Toujours est-il que l’image de la grand-mère ou bonne maman est exploitée commercialement : marque de café, marque de gâteaux en tous genres… On parle souvent de recettes de grand-mère et c’est un concept qui suscite toujours de l’intérêt, car il évoque les ingrédients de qualité, le savoir-faire et la saveur, pour ne pas dire la gourmandise.

Il y a aussi les trucs et astuces de grand-mère dans le domaine des choses à faire au quotidien dans une maison.

Et puis nous en arrivons à la notion de remèdes de grand-mère, c’est-à-dire de produits et de méthodes qui ont pour but la préservation et, si le cas advient, la restauration de la santé.

Résultats d’une étude conduite dans l’agglomération de Grenoble

Les remèdes de grand-mère (RGM) sont effectivement souvent utilisés par les personnes qui souffrent de maux très variés. Une étude a été conduite en 2017 par Anne Bonifacio auprès de médecins généralistes exerçant dans l’agglomération de Grenoble. Cette enquête a montré que ces médecins généralistes prescrivaient de façon non rare – chez près de 11 % de leurs patients – des RGM.

Voici les remèdes de grand-mère qui ont été retenus pour cette étude :

Pour soigner la fatigue : ingérer des aliments riches en vitamine C.

Pour soigner l'excès de poids : prendre un chien et effectuer régulièrement des promenades avec lui.

Pour soigner la dépression mentale (ou nerveuse) : consommer du chocolat.

Pour soigner la migraine : pratiquer des techniques de relaxation de soi-même (sans thérapeute).

Pour soigner l'insuffisance rénale : boire beaucoup, mais sans excès (de l'ordre d'un litre et demi par jour par exemple).

Pour soigner les sensations vertigineuses en position debout : prendre des bouillons salés ; ingérer régulièrement et d'une seule traite un grand verre d'eau.

Pour soigner le mal de mer ou le mal des transports : consommer du gingembre.

Pour soigner les chutes répétées chez une personne âgée : faire des exercices avec un pédalier seul (sans vélo) ou avec un vélo d'appartement complet.

Pour soigner une constipation : utiliser un tabouret pour surélever ses pieds aux toilettes, ce qui revient à une position accroupie pendant la défécation.

Pour soigner un prurit (démangeaison) de l’anus : se doucher l'anus à l'eau après chaque selle.

Pour soigner une colite chronique (côlon irritable) : faire un régime sans lactose ; effectuer des irrigations coliques à l'eau à l'aide d'une canule enfoncée dans le rectum (hydrothérapie du côlon).

Pour soigner une diarrhée : adopter un régime alimentaire constipant.

Pour soigner les douleurs articulaires : appliquer des cataplasmes de feuilles de chou.

Pour soigner les douleurs lombaires (lombalgies) : pratiquer la natation (crawl ou dos crawlé, plutôt que la brasse) ; effectuer des exercices de musculation ou des étirements.

Pour soigner les douleurs des genoux (arthrose) : pratiquer le vélo d'appartement.

Pour soigner les douleurs de la rotule (syndrome fémoro-patellaire) : pratiquer des exercices de musculation de la cuisse (quadriceps) ; pratiquer le vélo.

Pour soigner les douleurs musculaires (myalgies) : chauffer les muscles au sèche-cheveux (ou autre source de chaleur).

Pour soigner les crampes des membres inférieurs : pratiquer des exercices d'étirement ; placer du savon de Marseille dans le lit ou simplement sous le lit.

Pour soigner les douleurs de la plante des pieds : masser les pieds avec une balle.

Pour soigner une infection virale : consommer du vinaigre de cidre ; consommer des aliments riches en vitamine C.

Pour soigner une inflammation des voies aériennes supérieures (ORL) : humidifier l'air de la pièce ; boire beaucoup, mais sans excès (de l'ordre d'un litre et demi par jour par exemple).

Pour soigner un rhume : instiller de l'eau salée par les narines.

Pour soigner les douleurs de la gorge : ingérer du thé au citron (avec ou sans miel, avec ou sans lait) ; respirer à travers un support humide (compresse ou mouchoir en tissu).

Pour soigner les poussées dentaires douloureuses chez les jeunes enfants : porter un collier en ambre.

Pour soigner une candidose buccale : faire un bain de bouche au bicarbonate de sodium.

Pour soigner une toux : consommer du miel.

Pour soigner une brûlure : appliquer du beurre ou quelque chose de froid ; faire appel à un coupe-feu ou un guérisseur.

Pour soigner une verrue : se répéter régulièrement - à voix haute ou non - que la verrue va disparaître (autosuggestion).

Pour soigner les nausées pendant la grossesse : consommer du gingembre.

Pour soigner un engorgement mammaire en cas d'allaitement au sein : appliquer des cataplasmes avec du persil ou des feuilles de chou.

Cette enquête a montré que les RGM les plus souvent utilisés sont l’instillation d’eau salée dans les narines lors d’un rhume (souvent prescrit pour environ 75 % des médecins), puis les exercices de mobilisation ou d’étirement pour les lombalgies (près de 70 %) et le bain de bouche au bicarbonate pour les candidoses buccales (un peu plus de 60 %).

Les RGM les plus efficaces sont l’utilisation d’un tabouret remonte-pieds de toilettes pour la constipation (près de 90 %), l’application de froid pour les brûlures cutanées (un peu plus de 85 %) et le renforcement du quadriceps pour le syndrome fémoro-patellaire (un peu moins de 80 %).

A cette période de l'année, est-il justifié de ressentir le besoin de compter sur les compléments alimentaires pour se maintenir en bonne santé ? En quoi aident-ils notre système immunitaire ?

La question paraît simple et semble attendre une réponse simple. Il n’en est rien. Il faudrait presque une réponse spéciale pour chaque personne. On a l’habitude de dire et d’écrire, et c’est tout à fait vrai, que, pour une personne qui se nourrit de façon équilibrée et diversifiée, à partir de produits frais, dont la ration alimentaire quotidienne accorde une grande place aux fruits et légumes et qui de surcroît est régulièrement exposée au soleil, tout en pratiquant plusieurs fois par semaine une activité physique suffisamment soutenue, il n’est pas nécessaire de prendre des compléments alimentaires.

Mais honnêtement, cette vision assez idéale du mode de vie sain est, dans l’ensemble, bien éloignée de la réalité de tout un chacun. Car beaucoup d’entre nous n’achètent que peu de produits frais, ne passent que peu de temps à préparer les repas et en fin de compte ont une alimentation non satisfaisante eu égard aux préconisations nutritionnelles actuelles, quand ils ne consomment pas des plats cuisinés qui conjuguent des aliments trop transformés, voire carrément dénaturés, avec une concentration de produits chimiques multiples dont certains peuvent être néfastes.

Par ailleurs et c’est un réel problème, la qualité des compléments alimentaires (non pharmaceutiques) ne présente bien souvent aucune garantie : non seulement leur efficacité peut être faible – c’est un moindre mal -, mais de surcroît certains peuvent se montrer toxiques en raison d’impuretés liées à leur fabrication, leur stockage ou leur conditionnement.

Que sont les compléments alimentaires?

Ce sont des produits à ingérer comme des aliments et qui viennent compléter la ration alimentaire habituelle. Leur but est soit de pallier d’éventuelles insuffisances de cette ration alimentaire, soit d’apporter à l’organisme un supplément de tel ou tel nutriment ou des substances à effet trophique ou énergétique dans le but d’améliorer le fonctionnement du corps. Les compléments alimentaires ne sont pas des médicaments et ne dépendent donc pas de la réglementation qui concerne les médicaments. Ils peuvent être commercialisés sans avoir été expertisés et relèvent simplement de la réglementation concernant l’alimentation. Ils contiennent presque toujours des vitamines, des oligoéléments et des sels minéraux. Selon le cas, ils peuvent contenir également des substances généralement extraites de plantes, telles que du ginseng, du guarana, du curcuma, du gingembre, de la caféine ainsi que des substances produites par les abeilles (miel et surtout gelée royale).

Quand prendre des compléments alimentaires?

Ils ne se justifient que dans certaines circonstances bien définies et seulement pour des périodes limitées. Il faut insister sur le fait que les acheter en pharmacie est une option sage, car on a ainsi plus de garanties quant à leur qualité ; plusieurs cas d’accidents plus ou moins graves ont été rapportés avec des compléments alimentaires commercialisés en dehors de ce réseau pharmaceutique.

Il existe toutefois des situations médicales où des compléments alimentaires se justifient : pendant la grossesse, il y a un risque de carence en vitamines B9 et D ; les régimes alimentaires restrictifs et rigoureux, tels que les régimes végétaliens ; lorsqu’une carence est diagnostiquée (en fer en raison de règles abondantes, en vitamine B12) ; chez les personnes dont le risque d’ostéoporose est élevé (apport de vitamine D et de calcium) ; après une intervention chirurgicale lourde portant sur le tube digestif (apport de polyvitamines).

Mais les compléments alimentaires sont inutiles chez les personnes qui ont une alimentation bien équilibrée et diversifiée, et qui ne souffrent d’aucune carence. Le seul apport vitaminique qui puisse se justifier dans ce cas est celui de vitamine D.

C’est l’occasion de préciser que les vitamines ne nourrissent pas à proprement parler, à la différence des glucides, protides et lipides. Elles sont des molécules indispensables à l’organisme qui est incapable de les synthétiser lui-même (il y a deux exceptions à cela : la vitamine D est synthétisée par la peau sous l’effet des rayons ultraviolets et la vitamine K l’est par des bactéries dans notre intestin). Les vitamines agissent à faible dose (dite physiologique) et n’ont en général pas d’effet utile à forte dose (dite pharmacologique) exception faite de la vitamine C. En revanche, il existe un risque d’hypervitaminose avec plusieurs vitamines ingérées en forte quantité (vitamines A, C et D) https://www.atlantico.fr/node/2818235.

Certes, on pense que, en raison de leur effet antioxydant, soit lipophile (vitamines A et E), soit hydrophile (vitamine C), ces vitamines sont susceptibles d’avoir un effet anti-âge (mais il y a beaucoup d’autres antioxydants). Un effet anticancéreux est également observé pour ces mêmes vitamines, mais uniquement à dose faible chez les personnes présentant une légère carence (non perceptible physiquement) ; mais à dose forte, elles semblent à l’inverse favoriser plusieurs cancers.

Sur le plan immunitaire, la principale vitamine active est la vitamine A (rétinol ou bêta-carotène), qui est encore appelée pour cette raison vitamine anti-infectieuse. Son action anti-infectieuse est plus nette que celle de la vitamine C, pourtant réputée pour cela. La vitamine D également a une action sur l’immunité, mais c’est un effet immunomodulateur.

Quelle est la part d'effet placebo dans ces pratiques ?

L’effet dit placébo est un effet psychosomatique. Il est décrit pour la prise orale d’un médicament neutre sans aucun effet pharmacologique, mais il ne nécessite en fait pas de prise orale. Certaines personnes souffrant d’une douleur dentaire qui les gêne beaucoup déclarent aller mieux après avoir obtenu une date et une heure de rendez-vous chez un dentiste. Chez d’autres personnes, souffrant d’une douleur vive, une amélioration est reconnue par elles lorsqu’elles reçoivent la visite ou même un appel téléphonique d’un être qui leur est cher. Ce sont deux exemples d’effet psychosomatique.

C’est dire que l’effet placebo existe dans tous les cas : il est fonction de la confiance que l’on a en le remède que l’on prend.

L’effet placebo est vraiment à géométrie variable : il est entièrement dépendant du contexte (le crédit que l’on accorde à ce remède, la personne qui nous le recommande, nous le prépare ou nous le donne, l’ambiance dans laquelle cela se déroule). Si l’on compare un remède conseillé par une personne en laquelle nous avons une grande confiance, à un médicament qui est prescrit sans conviction apparente du prescripteur, le premier aura un effet placebo supérieur au second. Mais il n’est pas question de généraliser à propos des remèdes dits de grand-mère : ils ont un effet placebo comme tous les remèdes.

Diriez-vous que la science peut apprendre quelque chose de ces pratiques intuitives et basées sur l'expérience que sont les remèdes de grand-mère ?

Ces remèdes dits de grand-mère sont empiriques. Ils sont issus d’une longue expérience et sont en général transmis d’une génération à l’autre. L’empirisme repose sur des observations, des analyses et des synthèses. Il est trop réducteur d’opposer la science à l’empirisme. Dans une démarche de type empirique, on constate qu’un remède A apaise souvent une maladie B. Dans une démarche de type scientifique, on analyse les circonstances de la prise du remède A, puis on les fait varier pour voir quels sont alors les effets sur la maladie B ; ensuite, on s’efforce de comprendre comment le remède A agit sur la maladie B. Il est clair que la science se nourrit d’empirisme. La science doit s’intéresser aux remèdes empiriques, mais ce n’est pas souvent chose facile, car les remèdes empiriques utilisent en général des produits naturels complexes qui sont à l’opposé des molécules simples constituant les médicaments. Le miel et tous les extraits de plantes sont très complexes : il faut beaucoup de temps pour les analyser en détail et pour comprendre comment ils agissent. Leur secret est bien gardé.

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