Education nationale : la sauvegarde de l'école de la République, un enjeu vital selon Natacha Polony <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Education
L'animatrice et écrivaine française Natacha Polony lors d'une séance photo pour l'AFP.
L'animatrice et écrivaine française Natacha Polony lors d'une séance photo pour l'AFP.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Bonnes feuilles

Gérard Bardy publie « Les combattantes de l'info Ces voix qui osent » aux éditions Télémaque. Une nouvelle génération de journalistes est apparue. Toutes sont des femmes dont le visage nous est devenu familier. Elles prennent le contrepied de la pensée dominante qui règne sans partage depuis plusieurs décennies dans les médias. Extrait 2/2.

Gérard Bardy

Gérard Bardy

Reporter, correspondant militaire puis rédacteur en chef adjoint à l'AFP pendant quinze ans, Gérard Bardy a ensuite pris la tête de plusieurs rédactions du groupe Bayard (dont Le Pèlerin Magazine). Il a collaboré huit ans au Monde. L'ensemble de ses écrits lui a valu de recevoir la Grande médaille d'or 2020 de l'Académie des Arts, Sciences et Lettres.

Voir la bio »

Tout en continuant à donner des cours de culture générale au sein du département « Culture et Communication » de l'Institut Léonard-de-Vinci, un établissement d'enseignement technique supérieur lié au Pôle universitaire privé Léonard-de-Vinci, la fameuse « fac Pasqua » créée dans les Hauts-de-Seine par le truculent gaulliste, Natacha Polony se tourne résolument vers le journalisme et entre à Marianne pour prendre en charge la rubrique… éducation, s'imposant très vite comme une spécialiste exigeante et caustique dans ce secteur politiquement très sensible !

Après sept années passées à Marianne, elle est engagée pour tenir la même rubrique au Figaro avec, parallèlement, la tenue d'un blog intitulé « Éloge de la transmission » sur le site du quotidien conservateur. Des rouages très compliqués du ministère de l'Éducation nationale aux budgets colossaux en passant par les syndicats d'enseignants et les associations de parents d'élèves, elle maîtrise le sujet beaucoup mieux que les ministres qui se succèdent sans vision globale, doublement prisonniers des puissants lobbys syndicaux et des contraintes budgétaires.

Au cours des conférences de presse au ministère de la rue de Grenelle, c'est toujours elle qui pose les questions les plus embarrassantes ou qui corrige les erreurs et approximations du ministre en place. Luc Ferry et François Fillon la redoutent. Xavier Darcos l'admire. Luc Chatel la craint et l'évite… Il est vrai que les résultats calamiteux de l'Éducation nationale, premier budget de la nation, sont de plus en plus difficiles à justifier.

C'est que la politique, Natacha Polony aime ça, et passionnément ! Ce qui l'attire depuis toujours, ce n'est pas la politique partisane qui conduit à s'affronter camp contre camp, à coups d'insultes, de mensonges et d'anathèmes, mais le débat des idées qui conduit à trouver le meilleur chemin, entre volonté et pragmatisme, pour parvenir à des décisions ambitieuses pour le pays et justes socialement.

À Lire Aussi

Les combattantes de l’info : Sonia Mabrouk, la passion de la France

Toute référence au gaullisme social ne peut que la séduire, particulièrement pour les valeurs souverainistes qu'il induit. Car, pour elle, c'est bien là que se situe l'essentiel de tout projet politique et que se joue le destin de la France. Son premier engagement fut au sein du Mouvement des Citoyens (MDC) de Jean-Pierre Chevènement. Elle avait 25 ans. Une année après, figure montante du parti, elle en devenait la Secrétaire nationale chargée des questions d'éducation.

En 2002, quand le MDC se transforme en Pôle républicain pour soutenir la candidature de Chevènement à l'élection présidentielle, regroupant des républicains « des deux rives » mais aussi des royalistes et quelques amis de Charles Pasqua, Natacha Polony est chargée du Droit des femmes. Elle se donne à fond dans la campagne et se trouve fort déçue quand son champion se fait éliminer dès le premier tour avec seulement 5,33 % des voix, contribuant à l'élimination de Lionel Jospin et à la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour.

Candidate du Pôle républicain aux élections législatives dans la 9e circonscription de Paris, elle est balayée avec seulement 803 voix, soit 2,24 % des suffrages exprimés. Du haut de ses 27 ans, elle assume : « J'ai fait ma campagne et je me suis ramassée, bien sûr, mais j'ai tout de même fait le double du score national du Pôle républicain. Après quoi, j'ai décidé de passer à autre chose. »

De son expérience vécue pendant son passage au sein de l'Éducation nationale puis au Pôle privé Léonard-de-Vinci des Hauts-de-Seine, de ce qu'elle apprend chaque jour grâce à son métier de journaliste des réalités catastrophiques du système éducatif français, elle va en tirer en 2005 un premier livre-réquisitoire, Nos enfants gâtés. Petit traité sur la fracture générationnelle. Cet essai va la faire connaître mais surtout la classer dans le camp des « réacs ».

Elle y pointe la responsabilité de l'idéologie égalitariste et le renversement des valeurs portés par le mouvement contestataire de Mai 68, avec notamment l'abandon de la notion de respect. Elle fustige des méthodes qui tournent le dos à l'effort individuel : il ne faut pas faire redoubler parce que cela décourage, il ne faut pas mettre de mauvaises notes parce que cela traumatise, il ne faut pas faire de classement parce que cela humilie…

Même à Léonard-de-Vinci, elle a constaté le niveau « dramatique » du bachelier français moyen, ce qui illustre le sévère recul de la France dans tous les classements internationaux, notamment celui réalisé par le fameux PISA (Programme international pour le suivi des acquis) de l'OCDE. Pour cacher la poussière sous le tapis et répondre à l'objectif politique de conduire 90 % d'une tranche d'âge au baccalauréat, les consignes de correction du ministère demandent que l'orthographe ne puisse pas conduire à retirer plus de 2 points ; donc ce n'est pas grave si les phrases ne sont pas en français !

Ce que les ministres déplorent sous cape en faisant le constat de leur impuissance, Natacha Polony le porte en pleine lumière, exemples et chiffres à l'appui. Et ça fait mal.

Dans un entretien ultérieurement accordé à Caroline Castets pour Le Nouvel Économiste, celle qui s'était dirigée vers l'enseignement « la tête pleine d'idées sur l'école de la République et les chances qu'elle était censée offrir à tous » raconte avoir eu l'impression d'un « terrible gâchis ». « Le métier que je voulais faire n'existait plus, c'est pour cela que j'ai démissionné. »

Et de dénoncer la « méthode globale » qui pénalise tous les élèves, le « culte de l'immédiateté qui tue le temps long et la forme d'abstraction nécessaires à la lecture », « le culte de la liberté d'expression qui s'exerce au détriment des apprentissages » ou encore « la peur du traumatisme qui interdit toute sanction ». Elle fustige aussi « les diplômes accordés sans efforts et donc obtenus sans fierté ». À ses yeux, notre école crée de l'injustice sociale en entretenant les clivages, « avec pour unique ambition de fabriquer de la bonne employabilité ».

Dans ce même entretien accordé au Nouvel Économiste, elle ajoute : « L'idée que les savoirs puissent nous changer de l'intérieur et nous faire évoluer a disparu, puisque, désormais, tout est devenu utilitaire. Mais l'idéal de la République, ce n'est pas cela. La puissance publique doit l'instruction au peuple car c'est par les savoirs que les individus vont s'émanciper, devenir libres et pouvoir jouer leur rôle de citoyen. Au lieu de tenir cette promesse, nous produisons de l'aliénation, et je trouve effrayant qu'on puisse se satisfaire de cela. » Pour conclure par : « La démocratie sans un peuple éduqué, c'est la tyrannie des imbéciles ! »

Extrait du livre de Gérard Bardy, « Les combattantes de l'info Ces voix qui osent » (216 pages), publié aux éditions Télémaque

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !