Économie : les entreprises françaises s’attendent à essuyer une tempête sans moyen de s’en protéger<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Atlantico business
Une femme entre dans un surpermarché du géant français de la distribution Carrefour, le 13 janvier 2021 à Saint-Herblain, dans la banlieue de Nantes.
Une femme entre dans un surpermarché du géant français de la distribution Carrefour, le 13 janvier 2021 à Saint-Herblain, dans la banlieue de Nantes.
©©LOIC VENANCE / AFP

Atlantico Business

A priori, tout va bien du côté des résultats, des dividendes et de l’emploi. Mais les prévisions météo sont très mauvaises, alors on ne va pas leur reprocher d'essayer de se protéger contre la tempête annoncée

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Il faut arrêter de pleurer. Les entreprises n’ont pas à se plaindre. A fin août, l’état des lieux était encore plutôt bon. La plupart des entreprises ont dégagé des résultats plantureux avec à la clef, des dividendes globalement historiques. Le « quoi qu’il en coute » leur a permis de protéger tous leurs actifs de production pendant le Covid. Et après les déconfinements, elles ont bénéficié d’un extraordinaire rebond, financé en partie par l’épargne accumulée. Les résultats de ce rebond vont d’ailleurs permettre de financer en recettes fiscales le cout pour l’État de la protection socio-économique. 

Le premier semestre de l’année 2022 a encore profité de l’effet post covid. Les vacances ont été joyeuses. La demande de consommation est restée très soutenue pendant l’été et le secteur du tourisme n’a pas à se plaindre de tout ce qui s’est passé. Leur problème n’aura pas été de chercher des clients, leur problème a été de trouver les moyens en hommes et en femmes pour assurer le service. 

Bref, en ce mois de septembre encore très ensoleillé par l’effet de la reprise, les chefs d’entreprise n’ont pas à se plaindre. Tout va bien ou presque.  

Tout va bien sauf que les entreprises gouvernent en regardant l’avenir. Et l’avenir porte des vraies raisons de s’inquiéter ou d’avoir peur. 

La majorité des signaux d’alerte sont allumés.  

Du côté de la demande, c’est-à-dire du chiffre d’affaires potentiel, les perspectives sont forcément orientées à la baisse. Si la préoccupation majeure des Français et notamment des classes moyennes serait de protéger leur pouvoir d’achat, cette préoccupation se traduira forcément par des restrictions d’achat. Tous les distributeurs qui jouent leur peau sur le chiffre d’affaires au niveau des biens de consommation courants sont sur le pied de guerre pour fidéliser leurs clients. Et on voit bien que les hostilités entre Leclerc, Carrefour et Lidl sont engagées au rayon des pâtes ou des conserves. Les produits d’équipement textile habillement seront également touchés et Zara prépare sa campagne d’hiver, particulièrement agressive. 

Toujours du côté de la demande, l’appareil industriel ne peut pas espérer se rattraper sur les exportations parce qu’on sent qu’elles vont tomber en panne. 

Mais les obstacles les plus sérieux se cachent du côté de l’offre, c’est-à-dire du côté des fonctions de production dont les conditions ont déjà changé. Or, c’est l’offre qui a été le véritable moteur de la survie pendant le Covid et de la reprise après. Or, la guerre en Ukraine et ses résonnances ont provoqué un choc qui a ébranlé l’ensemble des systèmes d’offre. 

D’abord sur l’énergie, les prix vont terriblement augmenter sur le gaz comme sur l’électricité mais les tarifs vont aussi exploser sur beaucoup de matières premières et de composants qui ont déjà plus de difficultés à voyager.

Ensuite sur les frais de personnel, les entreprises n’échapperont pas à la nécessité de relever le montant des salaires et des primes. Ils n’échapperont pas à une modification des conditions de travail et des horaires de façon à fidéliser leurs salariés tentés de changer d’employeurs ou même de ne plus rien faire. C’est la principale préoccupation des patrons aujourd’hui : trouver des salariés compétents et motivés et les payer suffisamment pour les garder. 

Enfin, troisième source de renchérissement de l’offre : les frais financiers. Parce que les taux d’intérêt augmentent, mais surtout parce que les banques vont se protéger des risques de défaillance. D’autant qu’à l’automne, les Assedic vont faire pression pour obtenir la récupération des charges impayées et que les PGE vont devoir être remboursés pour ceux qui ne l’ont pas encore fait. 

Contre toutes ces contractions fortes de l’offre, les entreprises peuvent difficilement se retourner contre l’État. L’Etat ne peut pas arrêter la guerre en Ukraine, il peut difficilement empêcher les banques centrales de relever les taux, ça ne serait d’ailleurs pas souhaitable. L’Etat pourra une fois de plus prolonger le délai de remboursement légal des PGE ou la date de paiement des charges sociales, mais les bénéfices resteraient marginaux. Les entreprises peuvent évidemment demander à l’Etat de respecter ses engagements sur les impôts de production, mais au-delà, elles doivent se débrouiller seules. 

A court terme, elles ont deux leviers. Réduire leur activité si elles n’ont pas de composants parce que leurs fournisseurs leur font défaut ou alors si elles ne trouvent pas de salariés, c’est ce qu’ont déjà commencé à faire beaucoup de restaurateurs. A très court terme, la réaction du chef d’entreprise sera d’allonger les délais de paiement. Beaucoup ont déjà commencé à le faire. Mais c’est évidemment très dangereux pour l’ensemble du système. 

A long terme, il faut évidemment trouver les moyens d’assumer les changements structurels et les grandes mutations. Aucun chef d’entreprise ne s’exonère d’une réflexion portant sur l’investissement à long terme… 

Mais à long terme, comme le disait Keynes, nous serons pour la plupart morts. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !