Economie : le pari de Donald Trump pour sauver les oubliés de la mondialisation sera probablement plus difficile à gagner que l'élection<!-- --> | Atlantico.fr
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Concernant les sommes en jeu, au-delà d'avoir indiqué qu'il dépenserait deux fois plus que Clinton sur les infrastructures, qui promettait pour sa part un plan de 275 milliards de dollars, soit 550 milliards (3% du PIB du pays).
Concernant les sommes en jeu, au-delà d'avoir indiqué qu'il dépenserait deux fois plus que Clinton sur les infrastructures, qui promettait pour sa part un plan de 275 milliards de dollars, soit 550 milliards (3% du PIB du pays).
©Reuters

Trumponomics

Après avoir mené campagne sur la thématique des oubliés de la mondialisation, Donald Trump va désormais être confronté à la réalité des contre-pouvoirs économiques, pour appliquer un programme de relance aux chiffres mirobolants.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Suite à sa victoire, Donald Trump a pu surprendre en indiquant son souhait de mettre en place un plan de relance massif au travers des infrastructures : "Nous allons reconstruire nos autoroutes, nos ponts, nos aéroports, nos écoles, nos hôpitaux… Nous allons mettre des millions de personnes au travail". Quels peuvent être les effets d'un tel plan sur l'économie américaine ?

Nicolas Goetzmann :La relance par les infrastructures fait partie intégrante du projet préparé par Donald Trump. Son programme économique faisait notamment référence à un autre président Républicain, Dwight Eisenhower, qui est à l'origine de la construction du gigantesque réseau autoroutier du pays. En réalité, cette approche était assez consensuelle aux États-Unis, puisque le camp démocrate prévoyait également une telle relance, mais d'une moindre ampleur. Ce qu'il faut comprendre ici, c'est que ce type d'efforts réalisés par la communauté ont un double impact. D'une part, il s'agit de créer des emplois sur l'ensemble du territoire, ce qui permet de toucher les zones les plus touchées par le manque d'emplois. D'autre part, l'amélioration des infrastructures permet de renforcer la croissance potentielle du pays. Il s'agit donc d'un double effet positif.

Évidemment, la problématique posée ici est celle du coût, notamment de l'emprunt, mais il ne faut pas oublier que les États-Unis, comme les Européens d'ailleurs, bénéficient de taux d'intérêts ultra-bas, qui sont très incitatifs à ce type d'actions. Le FMI a pu mettre en avant l'effet neutre de telles mesures sur les dépenses publiques, le coût étant absorbé par le surcroît de croissance à terme. Mais si un tel résultat reste hypothétique, il est cependant tout à fait pertinent d'agir de la sorte, et ce, pour une raison essentielle : c'est cette fameuse Amérique des oubliés qui pourrait en bénéficier en premier lieu. En effet, le Brookings Institute avait pu, au cours de cette année 2016, dresser un tableau des emplois concernés par la relance de l'infrastructure. Pour 93% d'entre eux, ce sont des emplois de "classes moyennes", qui offrent de bons salaires. Il s'agit donc d'une réponse réelle à un problème réel, qui se pose aux États-Unis, mais également à l'Europe, celui des oubliés de la mondialisation, qui ont subi de plein fouet la désindustrialisation du pays. Celle qui illustre la littérature américaine de ces 30 dernières années.

Concernant les sommes en jeu, au-delà d'avoir indiqué qu'il dépenserait deux fois plus que Clinton sur les infrastructures, qui promettait pour sa part un plan de 275 milliards de dollars, soit 550 milliards (3% du PIB du pays), rien n'a été réellement précisé. Mais il s'agit d'un chiffre colossal s'il venait à être confirmé.

Au-delà de cette annonce faite le jour de son élection, que peut-on anticiper du programme économique de Donald Trump ? Entre les baisses d'impôts et la volonté de blocage de la mondialisation, quels peuvent être les effets sur l'économie américaine et mondiale ?

Il serait bien imprudent de faire des prévisions concernant Donald Trump, qui se caractérise surtout par son imprévisibilité. Ceci étant, au-delà de la relance par les infrastructures, ce qui marque le programme de Trump, ce sont d'abord les baisses d'impôts. Et attention, il s'agit de chiffres énormes. D'une part, l'impôt sur le revenu serait réformé en 3 tranches, contre 7 actuellement, avec des taux en baisse pour tout le monde, mais surtout pour les plus riches, qui verraient leur niveau d'imposition passer de 39,6% à 33% (pour les revenus de moins de 75 000 $, le taux passerait de 15 à 12%). Concernant l'impôt sur les sociétés, le taux passerait de 35 à 15%. Encore une fois, de telles déductions représentent un immense plan de relance, puisque Donald Trump, en contrepartie de tels efforts sur la pression fiscale, ne prévoit aucune réduction des dépenses publiques. Ce qui signifie que le nouveau Président compte se servir de l'endettement pour financer l'intégralité de son plan, et les estimations réalisées pour le moment évoquent un accroissement total de la dette des États-Unis de 5 300 milliards de dollars, soit une augmentation de 25% de l'endettement actuel du pays. La croissance américaine serait une croissance sous stéroïdes.

Au-delà de ces chiffres, qui ne sont que des promesses de campagne, l'enjeu crucial est de savoir ce que fera la Réserve Fédérale des États-Unis. Et sur ce point, la position du candidat Trump a été pour le moins ambiguë. Il a en effet critiqué la présidente de la Fed, Janet Yellen, pour sa politique de taux bas qui "favorisait" Barack Obama, tout en indiquant, par une phrase incroyable, être également favorable à une telle politique : "She is a low interest rate person, she's always been a low interest rate person, and let's be honest, I am a low interest person". Janet Yellen peut choisir de démissionner de son poste à la fin janvier 2017, ce qui obligerait Donald Trump à choisir un nouveau président pour la Fed, et il n'aura pas le droit à l'erreur. S'il nomme un faucon à cette fonction, l'économie américaine peut s'écrouler dès 2017. Il faut donc compter sur la volonté de Janet Yellen, ou d'une autre personnalité favorable à la relance, de prendre les rênes de la Fed.

Les annonces économiques faites par Donald Trump sont-elles réellement en accord avec son discours bâti sur la question des oubliés de la mondialisation ? Ces "oubliés" seront-ils réellement les grands bénéficiaires de ce que propose Donald Trump ?

Le plan de relance par les infrastructures est clairement une bonne réponse à cette problématique. Le tout est de savoir si le parti Républicain, à la Chambre et au Sénat, ne va pas jouer la fronde à cette proposition de Donald Trump. Parce que le Président n'est pas le parti. De plus, les incertitudes sur les questions fiscales, sur la façon dont la Fed va réagir, sont difficilement prévisibles. Il serait sans doute naïf de croire que Donald Trump va amorcer le virage social américain. Si c'est bien cette question qui a porté le candidat à son élection, la sortie de l'ambiguïté que suppose sa prise de fonction nous apportera les réponses. En attendant, il est indispensable de suivre attentivement ce qui va se passer au sein de la Réserve Fédérale, car pour l'instant, c'est bien elle qui dirige l'économie du pays.  

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