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Droitisation ou recentrage : 
que paye aujourd’hui 
Nicolas Sarkozy dans les sondages ?
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Trou d'air

Alors qu'il avait réussi ces dernières semaines à passer devant François Hollande dans les intentions de vote pour le 1er tour selon plusieurs instituts de sondage, le président-candidat a été placé en deuxième position par une enquête publiée mercredi par CSA. Paye-t-il sa position plus centriste, lui qui a évoqué cette semaine la possibilité d'un François Bayrou Premier ministre ?

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier est député de Loir-et-Cher et vice-président délégué des Républicains. Il a été professeur d'histoire-géographie, chef d'entreprise et porte-parole de Nicolas Sarkozy.

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Atlantico : Depuis un peu plus d’un mois – précisément le 14 mars, si l'on se réfère à un sondage CSA - les courbes d’intentions de vote entre Nicolas Sarkozy et François Hollande s’étaient inversées : le candidat UMP devançait le candidat PS dans les enquêtes d’opinion pour le 1er tour. Mais cette semaine, Nicolas Sarkozy est repassé derrière François Hollande dans certaines enquêtes, et même de manière brutale dans le sondage CSA pour BFMTV, RMC et 20 Minutes qui le place 5 points derrière son concurrent au 1er tour. Comment expliquez-vous cette chute ?

Guillaume Peltier : Tout d’abord, les sondages sont contradictoires. Beaucoup de commentateurs s’appuient sur l’enquête de l’institut CSA pour BFMTV, RMC et 20 Minutes, mais d’autres instituts donnent Nicolas Sarkozy devant François Hollande, comme le dernier sondage Ifop/Paris-Match de ce mercredi qui place Nicolas Sarkozy à 27,5% devant François Hollande à 26%.

Par ailleurs, et surtout, au moins 12 millions de Français sont encore indécis (il s’agit là de la moyenne du taux d’indécision des différents instituts, soit 25 à 35% du corps électoral, soit 44 millions d’électeurs inscrits) : l’élection n’est donc pas jouée, et de loin. Tout reste possible.

Comment expliquez-vous alors la baisse des derniers jours pour certains instituts ?

Prenons un peu de hauteur de vue : Nicolas Sarkozy est entré en campagne le 15 février à un moment où, depuis janvier, il oscillait entre 22% et 24% des intentions de vote au premier tour. Il a gagné de six à huit points jusqu’à début avril (NDLR : voir le graphique ci-dessous : dans le rolling quotidien Ifop, il était à 22% le 27 janvier et monta jusqu’à 29% le 6 avril), où il atteint son record, suite au discours de Villepinte, en flirtant avec la barre des 30% d’intentions de vote au 1er tour, selon plusieurs instituts de sondage.

Il a ainsi connu une progression constante, réelle, sur des thématiques claires et populaires : réformer l’Europe, le patriotisme économique européen, la renégociation de Schengen, la question des frontières, l’idée de diviser par deux l’immigration légale, la réforme de l’éducation, le recours aux référendums... Tout cela fut confirmé par les rapports de force au second tour puisque, dans le rolling quotidien de l’Ifop, Nicolas Sarkozy atteignait 42% le 31 janvier avant d’atteindre 47% le 6 avril.

(Cliquez sur l'image sur l'agrandir)

Par la suite, il a connu un ressac qui peut s’expliquer par deux éléments. Premièrement, l’égalité stricte du temps de parole et du temps d’antenne, mise en œuvre à compter du lundi 9 avril, ne lui offre plus que 10% du temps de parole, ce qui a « congelé » notre dynamique et favorisé les candidats de l’inaction comme François Hollande. Deuxièmement, l’évocation, à plusieurs reprises, à compter de la première semaine d’avril, de l’idée d’un gouvernement dirigé par François Bayrou a rendu plus opaque la cohérence de ce que proposait Nicolas Sarkozy.

Vous faites donc le lien entre cette possibilité évoquée par Nicolas Sarkozy d’un François Bayrou Premier ministre et sa chute dans les sondages ?

Je récuse le terme « chute ». Mais ce flottement s’explique, selon moi, en partie par le fait que notre électorat ne voit pas la cohérence entre une politique forte, claire et courageuse – un Président fort pour une France forte dans une Europe forte – qui s’appuie sur des convictions solides et l’hypothèse évoquée d’un François Bayrou à Matignon qui pourrait appliquer ce type de projet.

Dans quelle mesure François Bayrou peut-il perturber une partie de l’électorat potentiel de Nicolas Sarkozy ?

Parce que, jusque-là, François Bayrou n’apparaît pas aux yeux de l’électorat de droite comme étant le plus légitime pour mettre en œuvre le projet sur lequel Nicolas Sarkozy sera élu. Et puis personne ne peut s’arroger le droit d’évoquer le nom du futur locataire de Matignon avant que les Français n’aient fait leur choix et avant que le Président ne le décide.

La stratégie plus consensuelle exprimée par Nicolas Sarkozy ces derniers jours constitue donc une erreur ?

Non. Etre consensuel et rassembleur n’est jamais une erreur. Mais il faut l’être sur nos convictions. Nicolas Sarkozy n’a lui-même pas de doute. C’est dans notre majorité que peuvent s’exprimer des sensibilités différentes. En ce qui me concerne, je pense qu’il faut proposer une politique claire : quand on prétend mener la politique des autres, on perd un certain nombre des nôtres.

Vous voulez dire que la stratégie menée actuellement par Nicolas Sarkozy n’est pas claire ? 

Elle est parfaitement claire depuis le début de campagne. Mais depuis une dizaine de jours, il y a eu, autour de Nicolas Sarkozy et sans son accord, des prises de positons divergentes qui ont brouillé notre message.

Des "prises de positions divergentes" ? A qui pensez-vous ? A Alain Juppé ou Valérie Pécresse qui ont évoqué publiquement ces derniers jours l'hypothèse d'un François Bayrou Premier ministre ? A d'autres personnalités de droite ?

Peu importe.

La ligne de "campagne au peuple" inspirée par Patrick Buisson a été mise en cause par certains autres membres de l'équipe de campagne UMP qui lui reproche une trop grande droitisation : croyez-vous que Nicolas Sarkozy paie aujourd'hui cette droitisation ou son recentrage ?

Il n’est pas question de « droitisation » ! Cessons avec cet inintelligent réflexe de Pavlov.

Avec Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson a considéré qu’il fallait prioritairement s’adresser au peuple français et non pas aux élites, qu’il fallait parler à la majorité silencieuse et tourner la page de la pensée unique et du politiquement correct, qu’il fallait mener et gagner la bataille des idées. Prenons un exemple : beaucoup de commentateurs prétendent que l’idée de Nicolas Sarkozy de diviser par deux l’immigration légale est « droitière ». C’est faux ! Plusieurs sondages l’ont bien montré : 64% des Français (Sofres/Itélé) sont favorables à cette idée. Si elle était « droitière », ce chiffre ne serait pas aussi élevé. Encore une fois, notre stratégie est populaire.

Cette stratégie a permis à notre famille politique de revenir dans le jeu de la présidentielle, de passer en tête au 1er tour (de 22% fin janvier à 30% début avril, je le rappelle) et de considérablement resserrer les écarts au second (de 42% à 47%). La politique du « brouillage » depuis une dizaine de jours, doublée de l’égalité des temps de parole, a abîmé notre dynamique.

Nicolas Sarkozy est-il en train de se tromper en menant une stratégie de rassemblement consensuelle de 2nd tour au lieu de privilégier l’échéance du 1er tour ?

Nicolas Sarkozy, non. Mais, effectivement, certains ont oublié qu’avant le second tour, il y avait le premier. On ferait bien de se souvenir que l’élection présidentielle n’appartient ni aux stratèges, ni aux sondeurs, ni aux commentateurs, elle appartient au peuple français. C’est à l’issue du choix du peuple français au premier tour que le candidat pourra porter des compléments à son programme.

Comment expliquer les difficultés de la droite à assumer ses valeurs ? La droite serait-elle masochiste ?

Quand la droite est complexée, elle fait le jeu de la gauche.

Mais comment expliquer qu’elle soit aussi complexée ? Pourquoi peine-t-elle à assumer des valeurs de droite ?

Il existe un microcosme et un système politique, médiatique, qui s’auto-reproduit depuis des années, qui méconnait les aspirations et les angoisses du peuple. Heureusement, Nicolas Sarkozy a su briser les tabous dans laquelle la société française – et la droite en particulier – s’étaient enfermées depuis 30 ans. Il a su nous rendre fiers des valeurs qui sont les nôtres. Nous sommes fiers d’être Français, fiers d’être républicains, fiers d’être de droite. Il faut poursuivre dans cette ligne populaire qui consiste à contourner certains corps intermédiaires trop enfermés dans le conservatisme et l’immobilisme pour s’adresser directement au peuple français. 

De quel peuple parlez-vous précisément ? Jean-Luc Mélenchon se réfère sans cesse au peuple, Marine Le Pen également. Le peuple ne finit-il pas par être une immense boîte noire dans lequel on peut mettre tout et n’importe quoi ?

Le peuple, ce ne sont pas les élites parisiennes. Le peuple, c’est le bon sens de la France silencieuse, cette France qui travaille et qui met le mérite, l’autorité, la liberté, le respect, la laïcité, la France, au-dessus de tout. Ce sont les ouvriers, les employés de la classe moyenne qu’on entend finalement très peu dans les médias. Malheureusement, depuis une vingtaine d’année, le système politique n’accepte pas d’écouter le peuple français.

Justement, comment expliquez-vous que les personnalités politiques les plus populaires soient Nicolas Hulot, François Bayrou, Jacques Chirac ou Bertrand Delanoë qui peinent finalement à occuper des rôles de premier plan ou à faire de bons scores dans les urnes ?

Tout simplement, parce que la popularité est une illusion entretenue par le microcosme. La popularité ne constitue jamais un élément clé de la crédibilité. La popularité se pose en « j’apprécie », « je trouve sympathique », etc. L’enjeu d’une élection présidentielle ne consiste pas à savoir avec qui l’on souhaiterait passer ses vacances, mais plutôt qui est le plus capable pour gouverner la France.

A l’occasion de cette campagne, le peuple français ne semble-t-il pas, selon vous, opter plutôt pour la radicalité, pour des candidats tels que Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen ?

Les Français n’en peuvent plus de cette « social-démocratie » molle qui les a menés en bateau depuis trente ans. Ils veulent une politique fondée à la fois sur l’autorité et la liberté, la République et la Justice. Les poussées des populismes de droite comme de gauche sont le symptôme d’un besoin d’incarnation forte.

En 2007, Nicolas Sarkozy a tourné la page de cette lâche politique de l’esquive. On a malheureusement, collectivement, parfois manqué d’audace, de pédagogie et d’énergie dans la défense et la promotion de notre bilan dont nous devons être fiers : réforme des retraites, autonomie des universités, service minimum, interdiction de la burqua, peines planchers, auto-entrepreneurs, défiscalisation des heures supplémentaires,... Reste qu’en cinq ans, on ne peut pas d’un simple coup de baguette magique effacer trente ans de politiques absurdes. Surtout en période de crises…

Demeurez-vous optimiste quant à la réélection de Nicolas Sarkozy ? De quel réservoir de voix dispose-t-il pour être réélu ?

Oui, tout reste possible. Face à l’arrogance du PS qui commence déjà à se répartir les places et les postes, nous sommes sereins et confiants dans ce peuple français libre, souverain et frondeur. Nicolas Sarkozy peut l’emporter car il dispose d’un bilan solide, d’un projet courageux et de valeurs fortes : il a l’étoffe, la stature, la carrure, l’autorité dont la France a besoin aujourd’hui et demain. La gauche à la tête du pays en période de croissance, c’est déjà difficile ; mais la gauche en période de crise, c’est une folie.

Nicolas Sarkozy dispose t-il de réserves de voix suffisantes pour le second tour ?

Attendons les résultats du premier tour. Mais, pour ce qui est des réserves de voix, elles sont considérables à la fois chez l’électorat de François Bayrou, celui de Marine Le Pen et chez les abstentionnistes. La victoire est tout à fait accessible. Tout dépendra de la dynamique de l’entre deux tours et du total du bloc droite/gauche le soir du 22 avril. Cette élection ne se sera pas jouée dans le dernier mois ou la dernière semaine, mais elle va se cristalliser dans la dernière seconde : 12 millions d’indécis, au moins… C’est le chiffre-clé !

 Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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