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Pour qui voteraient les étrangers installés en France ?
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Droit de vote des étrangers

A la demande du Parti socialiste, le Sénat doit examiner le 8 décembre une proposition de loi sur le vote des étrangers résidant en France. Une proposition qualifiée de "hasardeuse" par Nicolas Sarkozy. Selon un sondage du Parisien publié ce lundi, 61% des Français seraient en faveur de la mesure, une proportion en forte hausse depuis 2 ans.

Jean-Luc Richard

Jean-Luc Richard

Jean-Luc Richard, maître de conférences à l’Université de Rennes 1, est démographe et sociologue du politique, spécialiste des comportements électoraux. 

 

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Lire également notre article : Plus de 60% des Français favorables au droit de vote des étrangers.

Atlantico : Droite et gauche s'affrontent autour du droit de vote pour les élections locales des étrangers non originaires de l'Union européenne qui résident en France. Combien sont-ils et combien d'entre eux seraient-ils susceptibles de voter finalement ?

Jean-Luc Richard : Les étrangers qui pourraient voter feraient partie des  2 260 000 étrangers non citoyens de l’Union européenne vivant en France. Seuls 1 600 000 d'entre eux sont majeurs puisqu’il y a environ 660 000 mineurs étrangers en France. Le nombre de ceux qui pourraient prétendre s’inscrire sur les listes électorales serait sensiblement plus faible car seuls ceux ayant plusieurs années de présence en France pourraient demander à être inscrits sur les listes électorales.

Par conséquent, si on retenait dix ans de présence en France, comme il en avait été question naguère dans des discours de Nicolas Sarkozy, cela ferait 1 200 000 personnes. Cela ne concernerait donc effectivement que quelques centaines de milliers d’étrangers car seule une minorité de personnes s’inscrirait. L’expérience de l’inscription des ressortissants de l’Union pour les municipales le montre : 166 000 inscrits en 2001, 200 000 en 2008, alors que 1 million de citoyens de l’Union pouvaient s’inscrire.


Le point de vue de Nicolas Sarkozy sur la question du droit de vote des étrangers

Existe-t-il un "vote étranger", comme il y a un "vote des profs" ?

Actuellement, le seul vote étranger qui existe, c’est celui des citoyens de l’Union aux élections européennes et municipales.

En 2009, pour le scrutin européen, 200 000 citoyens de l’Union étaient inscrits et pouvaient voter aux Européennes, soit environ 20% de leur contingent potentiel, une proportion en hausse à comparer aux 145 000 inscrits en 2004. 1 sur 5 uniquement donc et pourtant, il existe des partis européens (Parti socialiste européen, Parti populaire européen) dont on pourrait imaginer que cela favorise les votes là où il est beaucoup plus difficile d'envisager la la comparaison des partis du pays d’origine et des partis français pour les étrangers extra-communautaires. Ces derniers pourraient ainsi se mobiliser encore moins que les étrangers originaires de l'UE par manque d'adhésion aux clivages partisans français.

Un immigré russe voterait-il comme un immigré marocain ?

L’Histoire peut expliquer que les personnes de telle ou telle origine votent plutôt pour telle ou telle sensibilité mais il n’y a pas de vote ethnique en France. En 2002 au premier tour de la présidentielle, Lionel Jospin avait obtenu environ 30 % des voix des Français issus de l’immigration maghrébine. Jospin était premier dans cette partie de l’électorat mais il n'en demeure pas moins que 70 % des Français issus de l’immigration maghrébine avaient voté pour les autres candidats.

Le vote homogène, en bloc, n’existe pas. Il est vrai qu’un Russe ayant fui l’URSS naguère vote rarement communiste. Mais il peut tout-à-fait se retrouver sur un vote pour une droite républicaine, comme un jeune cadre issu de l’immigration. Cependant, votre question montre comment on a glissé du vote des étrangers au vote des immigrés…

Récemment, lors des élections en Tunisie, les Tunisiens de France ont voté à plus de 30% pour les islamistes. Pensez-vous qu'un tel vote serait possible en France lors d'élections locales ?

Pour ceux qui ont voté, oui, mais même si les islamistes sont arrivés en tête dans le vote des Tunisiens de France, 68 % des Tunisiens ayant voté n'ont pas voté pour Ennahda. De plus, la droite modérée n'a pas fait un bon score alors que la gauche a quatre des 10 sièges, le centre en a obtenu un, et Ennahda quatre. Bien des Tunisiens de France n’ont pas voté aux élections tunisiennes, et s’ils votaient en France, ce ne serait pas pour des islamistes. Un parti islamiste en France aurait du mal à se développer et, par ailleurs, devrait respecter la loi.


Pensez-vous que la gauche en permettant aux étrangers extra-Européens de voter, tente, au-delà du geste politique, de récupérer un réservoir de votes qui pourrait être en sa faveur ?

L’impact de la création du droit de vote des étrangers aux élections municipales serait relativement faible, et même très faible dans de nombreuses communes. Le poids électoral des étrangers pouvant voter ne serait pas important et le poids de ceux voulant voter encore moins. De plus, et il n’y a pas lieu de s'en réjouir, le décrochage social et électoral dans les quartiers populaires atténuerait le poids électoral des étrangers extra-communautaires dans les villes où ils sont plus nombreux justement puisque les Français appartenant aux mêmes catégories sociales sont ceux qui votent le moins.


Enfin, constitutionnellement, un étranger a-t-il vocation à voter ?

Sur le fond, on constate que de nombreux pays associent désormais le droit de vote aux élections locales à la résidence. C’est un mouvement qui contribue à l’intégration sociale et au « vivre-ensemble ». Le seul point sérieux qui doit cependant être évoqué c’est la souveraineté nationale pour les questions constitutionnelles.  Pour les lois ordinaires, il n’y a pas de problème puisque c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot.

Finalement, le seul problème est à la fois marginal, au sens de la fréquence auquel il se pose, mais complexe : le Congrès, réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat, n’est pas exactement l’expression d’un choix de la communauté nationale puisque, même si c’est très indirect, des étrangers, ont contribué à élire des élus locaux français qui ensuite élisent les sénateurs. On constate cependant que cela n’a pas provoqué le moindre débat significatif dans l’opinion publique depuis dix ans.

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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