Droit de vote : Aymeric Caron prend-il les Français pour des animaux ? <!-- --> | Atlantico.fr
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En 2017, sur le plateau de l'émission C à vous, Aymeric Caron avait évoqué l’idée d’un « permis de voter ».
En 2017, sur le plateau de l'émission C à vous, Aymeric Caron avait évoqué l’idée d’un « permis de voter ».
©JOEL SAGET / AFP

Permis de voter

En 2017, le militant écologique avait évoqué, dans un essai, l’idée d’un « permis de voter ». Aymeric Caron a précisé qu’il ne défendra pas cette proposition en juin prochain lors des élections législatives au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Aymeric Caron et Jean-Luc Mélenchon n’ont pas toujours été les meilleurs amis du monde. En 2014, quand il était chroniqueur dans l’émission On n’est pas couché, le premier reprochait au second de passer son temps à glander sur les bancs du Parlement européen et le second l’accusait en retour d’être un « branleur » agitant n’importe quelle rumeur pour faire son show.

En 2017, timide rapprochement. Le patron de la France insoumise ayant reconnu le caractère « révolutionnaire » du véganisme, Caron lui accorde le bénéfice du doute mais garde ses distances. Il faut dire que le journaliste est non seulement végan, luttant à ce titre contre « la mort imposée dans les assiettes », mais furieusement antispéciste, ce qui signifie qu’il milite avec acharnement pour la « libération animale » et la reconnaissance de l’égalité entre l’homme et l’animal. Dans ces conditions, impossible d’emboîter le pas à qui ne dénonce pas franchement la souffrance animale dans toutes ses modalités : 

« Le refus de Mélenchon de condamner la corrida et la présence d’animaux dans les cirques m’a définitivement convaincu de m’abstenir de lui donner ma voix. »

.
En janvier 2022, nouveau son de cloche. Ainsi va la vie en politique. Aymeric Caron en est venu à considérer que la radicalité écologique qu’il appelle de ses vœux n’est plus du tout du côté des Verts format Jadot, trop mous, trop Medef, trop croissants à son goût – une simple écologie d’ajustements, alors qu’il faudrait « tout repenser ». Dorénavant, la seule candidature « porteuse d’espoir » à ses yeux se situe chez Mélenchon. D’où ralliement, flagornerie… et ferme intention de se présenter aux législatives de juin.

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Mission accomplie : depuis cette semaine, Aymeric Caron est officiellement candidat de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale dans la 18è circonscription de Paris. Une Union populaire dont l’aspect unioniste consiste à absorber les petits débris de la gauche comme le PCF, le PS et les Verts dans l’orbite de la France insoumise. Ces mêmes Verts qu’il jugeait écologiquement timorés mais qui se retrouvent finalement sous la même bannière que lui. Mais peut-être faudrait-il plutôt parler de gamelle commune.

Toujours est-il que M. Caron va effectivement se soumettre au vote d’une bonne partie de ses concitoyens.

A-t-il conscience que s’il est élu, ce sera peut-être aussi grâce aux voix d’individus « incultes et irresponsables » ? À moins qu’il ne considère que seuls les votants les plus éveillés à la justice sociale mélenchonienne, à l’écologie radicale et aux droits des animaux lui accorderont leurs suffrages conscientisés et responsables, tandis que les autres, en bons déficients mentaux qu’ils sont, iront tout naturellement, tout bêtement, vers les candidats des partis de droite et d’extrême-droite ? (Et pour lui, la droite commence à LREM, bien évidemment).

Il faut dire que l’annonce de sa candidature a fait remonter à la surface des propos qu’il avait tenus en 2017 à propos du droit de vote. Tout comme il existe un permis de conduire, tout comme il faut réussir des concours ou des examens pour devenir médecin ou avocat, Aymeric Caron préconise d’instaurer un « permis de voter » sous la forme d’un petit QCM destiné à vérifier à chaque scrutin que nous possédons bien les connaissances liées à l’enjeu du moment :

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Le parallèle entre le citoyen qui vote et l’expert de tel ou tel champ de connaissance, ce parallèle qui semble rendre le permis de voter complètement naturel dans notre société, relève d’une fausse logique. Oui, il faut s’instruire pour devenir médecin, avocat, ingénieur, etc. Oui, il faut acquérir des savoirs et du savoir-faire. Mais en démocratie, autant l’on ne naît pas médecin, autant l’on naît citoyen d’un lieu ou d’un autre. Il n’est pas interdit de s’intéresser à la politique et aux sujets de société du moment, mais c’est le simple fait de vivre dans ladite société qui nous donne voix au chapitre, indépendamment de notre position sur l’échelle des connaissances.

Dieu sait que M. Caron n’est jamais le dernier à dénoncer et débusquer le fascisme partout où il se trouve, au nom de la liberté et de la démocratie. On le suivrait volontiers s’il n’était évident qu’il est une liberté qui lui répugne particulièrement, celle des idées et des opinions. Ce n’est pas tant le niveau culturel et éducatif des votants qui le préoccupe – niveau dont on pensait d’ailleurs qu’il relevait au départ de notre fabuleuse Éducation nationale et de ses brillants diplômes largement répandus dans la société. C’est plutôt le désir impérieux de voir tout le monde se rallier à ses idées qui motive ses curieuses envies de sélection.

Oh, bien sûr, interrogé à ce sujet hier matin au micro de Sud Radio, Aymeric Caron s’est empressé de faire savoir que la plateforme programmatique qui le liait dorénavant à l’Union populaire n’incluait pas son petit examen d’accès au droit de vote. Mais, a-t-il ajouté, ce système existe déjà puisqu’il faut avoir dix-huit ans pour voter. Or que signifie le critère de l’âge si ce n’est l’accès à un certain niveau de maturité et de connaissances ? Un jour, il faudra repenser tout cela, voilà tout. Nous sommes prévenus.

En réalité, nous savons depuis un bon moment que l’apostolat antispéciste d’Aymeric Caron vire non pas à l’aimable utopie, mais à l’absurdie la plus inquiétante. L’ancien journaliste milite en effet pour la constitution d’une « biodémocratie » dans laquelle, à côté de l’Assemblée nationale, le Sénat serait remplacé par une « Assemblée naturelle » où siégeraient des experts du règne animal afin de représenter les intérêts des animaux.

Dans cette perspective, le permis de voter n’est jamais qu’un moyen de calibrer le corps électoral afin d’obtenir in fine une Assemblée nationale d’experts représentant les intérêts des humains, en parfaite harmonie avec son idéologie délirante et autoritaire. Car bien sûr, comme leurs congénères animaux, la plupart des humains sauf lui-même et quelques heureux élus triés sur le volet n’ont pas les ressources intellectuelles suffisantes pour savoir ce qui est bon pour eux.

Manifestement obnubilé par une forme aggravée de biomimétisme politique, à moins qu’il ne s’agisse d’animalocentrisme sociétal, Aymeric Caron nous prend assurément pour de pauvres petits animaux sans défense et se verrait bien berger. Ça promet.

Cet article a été publié initialement sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI

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