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Drogue, cigarettes et autres denrées… Ces trafics vers l’Europe sur lesquels l’Etat islamique se repose pour continuer la guerre
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Meilleur ennemi

Alors que les différentes frappes militaires ont permis de diminuer les revenus liés au pétrole pour l'Etat islamique, l'organisation terroriste peut toujours compter sur de lucratifs trafics pour financer son fonctionnement.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Les différentes interventions militaires en Irak et en Syrie ont permis de diminuer les possibilités de production et d'exportation de pétrole par l'Etat islamique. Qu'en est-il des différents trafics ? Combien cette voie de financement pourrait-elle rapporter à l'organisation terroriste ?

Frédéric Encel : Grâce notamment à la pression de la France après le massacre islamiste du Bataclan en novembre 2015, Américains et Russes ont en effet frappé davantage le "nerf de la guerre" de l'Etat califal islamique, à savoir les convois routiers de transports de brut vers la Turquie duplice. Du coup, les barbares de Daesh, comme le font tous les régimes criminels, ont multiplié les trafics, y compris en encourageant la fabrication locale de produits de contrebande : cigarettes, produits alimentaires, coton, et - bien entendu - armes et drogues.

Il est extrêmement difficile de savoir combien cela a déjà rapporté à Daesh et à leurs complices, mais on est dans l'ordre des centaines de millions de dollars au bas mot. Autant de gagné pour les terroristes, autant de perdu pour nos économies...

Comment la France et l'Europe pourraient-ils contrer l'Etat islamique dans ce domaine ? Les autorités ont-elles conscience de ce phénomène ?

Deux réponses possibles et sans doute complémentaires.

D'abord, agir bien entendu en amont, sur le terrain, en traquant les filières d'approvisionnement chez nos alliés réels ou prétendus ; réels (bien que pas toujours efficaces) avec les États d'Europe centrale et orientale et même des pays arabes amis tel que le Maroc, prétendus s'agissant d'une Turquie depuis plusieurs années complaisante avec les groupes islamistes radicaux de Syrie et d'Irak. Sur ce dernier point, je renvoie au scandale du trafic du pétrole brut de contrebande de Daesh en 2014 et 2015.

Ensuite, en aval, c'est-à-dire chez nous, les autorités doivent, me semble-t-il, redoubler de vigilance et de fermeté ; après tout, non seulement ces trafics en provenance du Proche-Orient ou de Libye coûtent très cher à l'économie française, mais ils menacent directement la vie des Français. Pensez que pour le seul département de la Seine-Saint-Denis, les revenus des trafics (de cigarettes en particulier) atteignent 350 millions d'euros ! C'est absolument considérable en termes de manque à gagner pour nos entreprises. Et quand je parle de menaces sur nos vies, je pense naturellement - au mieux - à l'accroissement de l'insécurité liée aux "petits" trafics et autres ventes à la sauvette dans Paris par exemple, et - au pire - à l'approvisionnement en argent noir qui permettrait de financer des terroristes.

Par ailleurs, cela pourrait-il suffire à assécher les revenus de l'Etat Islamique ? Quelles sont les autres perspectives possibles ?

A la fin des fins, c'est par la confiscation par la force militaire de sa zone d'activité criminelle qu'on assèchera Daesh. Problème : l'hydre a déjà établi d'autres points d'attache, en Libye, au Sahel, et peut-être dans le Caucase. Et dans chaque cas, c'est par les trafics et la contrebande (en plus des pillages, extorsions et spoliations bien sûr), que les djihadistes chercheront à monter en force. 

Si vous voulez, je dirais c'est un peu la face cachée et mal connue de la guerre, mais nous devons pour autant la combattre avec force et vigueur. 

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