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Donald Trump, le président qui prend le risque de continuer à enrager les médias et le système politique américain
©AFP

Briseur de codes

Lors de sa première conférence de presse depuis son élection, le nouveau président américain a renouvelé ses attaques à l’égard des médias. Un comportement qui relève à la fois de la tactique et du spontané.

Yannick Mireur

Yannick Mireur

Yannick Mireur est l’auteur de deux essais sur la société et la politique américaines (Après Bush: Pourquoi l'Amérique ne changera pas, 2008, préface de Hubert Védrine, Le monde d’Obama, 2011). Il fut le fondateur et rédacteur en chef de Politique Américaine, revue française de référence sur les Etats-Unis, et intervient régulièrement dans les médias sur les questions américaines. Son dernier ouvrage, Hausser le ton !, porte sur le débat public français (2014).

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Au vu de sa prestation pendant la conférence de presse, beaucoup  de sujets ont été abordés et beaucoup de questions ont été soulevées. Que pensez-vous de sa performance tant sur le fond que sur la forme ?

On reste quand même dans l'incertitude quant à ses axes politiques et au style qui sera le sien quand il aura pris la mesure de la fonction. Le ton de cette conférence de presse était encore celui de la campagne. Bien sûr elle a été prise en otage par les dernières révélations concernant la Russie et il demeure beaucoup d'opacité autour de cela. Elle a abordé des thématiques assez sensationnelles comme le mur mexicain, très politiques mais sensationnelles en même temps comme l'abrogation d' "Obamacare", donc elle nous a révélé peu de profondeur. Nous n'avons pas appris grand-chose sur les idées de Donald Trump.

 Il s'était déjà exprimé pendant la campagne et ça a été pour certains de ces sujets là une marque de fabrique. On reste sur sa faim,  il a manqué une certaine hauteur de vue présidentielle qu'il aura peut-être tout le loisir de découvrir dans les jours et les semaines qui vont suivre.

Est-ce que finalement ce n'est pas une stratégie, la plupart des médias s'attendent à voir une métamorphose du candidat Donald Trump pour passer au statut de Donald Trump dans le bureau oval. Faut-il s'attendre à cela ou est-ce une stratégie de sa part ? La question s'est forcément posée au sein de son équipe de campagne et donc à lui-même aussi. Est-ce qu'on peut vraiment espérer quelque chose de ce côté-là ?

Difficile à prévoir puisqu'il n'a aucune expérience du pouvoir et de la politique. Le ressort de son ascension a été de mépriser les codes établis et de taper dans la fourmilière. Il l'a fait sur des sujets comme la politique étrangère avec la Chine avec l'affaire du coup de fil avec la Présidente de Taiwan, ce qui est contraire aux codes qui régissent les relations avec la Chine. Il le fait aussi avec ses relations avec la presse, ce qui sera probablement le trait de sa présidence comme ça l'a été dans sa campagne. On ne peut pas dire qu'il ait systématiquement tort d'ailleurs, il a un style bien à lui, un antagonisme certain avec CNN, donc on reste sur ce registre où il houspille la presse. C'est à la fois tactique, car cela plait à ses électeurs, et spontané. Sur les sujets eux mêmes on reste perplexe devant le manque de fond, sur l'économie, le libre échange et le commerce international qui ont été au cœur de cette campagne, come d'ailleurs du débat public américain depuis une dizaine d'année. C'était le cas quand Obama a été élu il y a huit ans. Par ailleurs on assiste aux mêmes déclarations à l'emporte-pièce comme "je serai le plus grand créateur d'emploi des Etats-Unis". On peut attribuer ce genre de formules à l'humour mais il n'y a pas d'explication des contradictions et des complexités de la transition digitale, cette création destructrice que vivent les USA et les autres économies industrialisées. La reconversion d'emploi dû la transition numérique, les efforts de formation continue, le rôle de l'Etat et des entreprises, tout est évincé par des déclarations ultra simplifiées sur les créations d'emploi, le protectionnisme (largement impraticable) et aucune considérations sur ce que doivent être l'articulation des relations économiques et politiques avec la Chine, par exemple.

Ensuite il y a l'"Obamacare", c'est vrai que la remise en œuvre de cette loi est une question centrale. La loi a subi beaucoup de difficultés dans sa mise en œuvre et suscite beaucoup de réactions. Elle a généré des augmentations de coût qui posent problème aux employeurs. Il y a aussi une opposition frontale des républicains à toute forme d'étatisme. Remettre en cause la couverture universelle de l 'Obamacare est une chose, mais la question de l'efficacité du système de santé aux Etats-Unis n'est pas résolue, peut-être qu'un examen plus pondéré de ce dispositif serait plus raisonnable qu'un déni en bloc de cette loi qui ressemble à ce que fit Romney au Massachusetts. Là encore nous avons affaire à des propos en blanc et noir qui de mon point de vue ne sont pas très présidentiels car ils ne font que jeter de l'huile sur le feu dans un pays déjà très divisé sur cette question de l'Etat et du marché. N'oublions pas que la culture de la protection sociale est très forte aux USA. Aucun politique ne se risquerait à attaquer Medicare, Medicaid ou la Sécurité sociale. En résumé je crains que cette conférence de presse soit un peu la bande annonce d'un film dont on sait que l'on ne sera pas tenté de voir une seconde fois.

Mais justement comment les administrations américaines imaginent-ils l'avenir avec Donald Trump ? Ces derniers sont-ils aussi confus que les médias face à un Donald Trump qui ne se "présidentialise" toujours pas ?

Elles auront d'abord affaire à ceux que Trump nommera. On observe une certaine homogénéité générationnelle notamment, dans les têtes d'affiches, mais des hommes d'expérience au pedigree solide. Peut-on s'avancer à dire que Trump sera assez peu versé dans les détails, mais plutôt dans les grands axes des politiques menées et déléguera volontiers? Il sera sans doute plus investi également dans la communication extérieure, laissant une certaine marge de manœuvre aux ministres et à leurs administrations. On a vu avec l'exemple de Taïwan qu'il avait cassé un code vieux d'une quarantaine d'années, ce qui est positif à mon sens, mais les diplomates auront à gérer les relations sino-américaines au jour le jour. Il sera intéressant de voir, s'il s'avère finalement que Trump aura préféré gagner l'élection qu'exercer le pouvoir présidentiel, quel sera l'influence du VP Pence. Peut-être celui-ci pourra-t-il être comparé à Dick Cheney, le plus puisant VP de l'histoire récente des Etats-Unis?

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