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Donald Trump, héritier improbable d'Aristote ? La formule magique du président américain pour "régner" sur Twitter
©NICHOLAS KAMM / AFP

Bonnes feuilles

Tout oppose Emmanuel Macron et Donald Trump : leur parcours, leur personnalité, leur idéologie. Pourtant, ils ont tous deux réussi à remporter leur élection, déjouant les augures qui leur prédisaient une victoire impossible. Ils sont les transgressifs par excellence. Extrait du livre "Les transgressifs au pouvoir" d'Olivier Piton, aux éditions Plon (1/2).

Olivier Piton

Olivier Piton

Olivier Piton est avocat spécialisé en droit public français, européen et américain. Il a collaboré auprès de trois ambassadeurs de France aux Etats-Unis sur les questions liées aux affaires publiques et aux relations gouvernementales. Il a créé et dirigé la cellule de stratégie d’influence de l’ambassade de France à Washington DC de 2005 à 2010. Il est le président de la Commission des Lois à l’Assemblée des Français de l’Etranger. Il est l'auteur de La nouvelle révolution américaine : la présidentielle américaine à la lumière de l'histoire (Plon, mai 2016).

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La stratégie du bison

Si Barack Obama était l’homme de Facebook, Donald Trump est celui de Twitter1 . Ce média semble avoir été créé pour lui : un nombre de signes limité à 140 qui favorise les phrases courtes et une diffusion instantanée à ses 6 millions de «followers» (ils sont 33 millions aujourd’hui) lui permettant de contourner les médias traditionnels en vue de distiller «sa » vérité en vrac et sans filtre. Cependant, sa stratégie payante sur Twitter tient surtout à son utilisation aristotélicienne. Logos, ethos, pathos y sont présents dans la quasi-totalité de ses tweets.

Durant la campagne électorale, le candidat républicain a fait exactement l’inverse de ce que font les  politiques quand ils utilisent Twitter. Rien de consensuel, de général ou de tiède. Ses tweets sont, au contraire, colériques, souvent insultants, presque toujours polémiques. Et ça marche : pratiquement toutes ses productions Twitter sont commentées1 . Petit détail technique, la plupart du temps, il dicte ses messages à son équipe.

C’est le magazine Slate qui, le premier, démontre que les tweets de Donald Trump sont décrits comme des modèles de persuasion, rédigés sous une forme classique tels qu’énoncés par Aristote2 . Avec une infinie ironie et comparaison mise à part, celui qui fut le précepteur du jeune Alexandre le Grand a semblé retrouver un élève, deux mille cinq cents ans plus tard.

À l’examen, 80 % des tweets de Donald Trump sont construits de la même manière. Il n’est, dès lors, plus question de parler de hasard. Le candidat insère, en 140 signes, trois séquences divisées en trois phrases. Logos (appel à la logique), ethos (appel à la crédibilité) et pathos (appel à l’émotion). L’article prend cet exemple :

«Un kamikaze a tué des militaires américains en  Afghanistan. Quand est-ce que nos leaders vont devenir durs et intelligents? On nous mène à l’abattoir.»

«Un kamikaze a tué des militaires américains en Afghanistan (le logos, le scripteur énonce un fait incontestable). Quand est-ce que nos leaders vont devenir durs et intelligents (l’ethos, le scripteur veut «crédibiliser» la phrase précédente par des «valeurs» ou une «opinion» qui seraient naturellement partagées avec le lecteur)? On nous mène à l’abattoir» (le pathos, la dernière phrase se situe dans le registre émotionnel et doit générer la colère du lecteur, son désarroi ou encore sa peine).»

Un énoncé factuel, une critique légitime, une bouffée d’émotion. C’est la formule rhétorique parfaite pour obtenir l’approbation des internautes. Bien entendu, c’est surtout la stratégie du pathos qui domine ses tweets, même si l’usage des trois séquences consécutives est soigneusement privilé- gié. Il en fait des «minibombes». Il y jette des remarques et des idées provocantes et transgressives au possible. Si cela devient viral, il est certain d’être le centre de l’attention médiatique pendant quelques heures.

Le New York Times a analysé la sémantique de ses tweets : il cherche systématiquement à diviser le monde entre « bons» et « méchants» : utilisation fréquente du «nous» contre le «ils» (les musulmans, les  migrants, les démocrates, etc.). Il fait appel à des images fortes : «Combien d’aigles américains les éoliennes vont-elles tuer aujourd’hui? Elles sont un désastre environnemental et esthétique » (tweet de RealDonaldTrump du 24  août 2012). Il s’attaque aux failles intimes de ses adversaires  : «Jeb Bush n’utilise jamais son nom dans les publicités. A-t-il honte de son nom BUSH? Une situation bien triste » (tweet de RealDonaldTrump du 24  août 2015). Pour augmenter son audience, il recourt volontiers aux commérages  : «Je refuse d’appeler bimbo la journaliste Megyn Kelly parce que cela ne  serait pas politiquement correct» (tweet de RealDonaldTrump du 27 janvier 2016).

Le vocabulaire est simple et répétitif. Sa rhétorique aristotélicienne est à ce prix. Cette constance a d’ailleurs permis la création d’un compte, par un chercheur du Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui génère grâce à un algorithme des tweets «trumpesques» très crédibles.

Extrait du livre "Les transgressifs au pouvoir" d'Olivier Piton, aux éditions Plon

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