Donald Trump, c’est le contraire de George W. Bush<!-- --> | Atlantico.fr
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Trump l'anti-Bush

La mort de Qasser Soleimani par un raid américain a sonné comme une trahison pour l'Iran. Le pays a promis de se venger des Etats-Unis mais aussi de toutes les forces impliquées de près ou de loin à la mort du général qu'elle considère comme étant des "terroristes". Que va-t-il se passer entre l'Iran et Donald Trump à présent ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Les erreurs d’analyse de la sphère politico-médiatique occidentale

Depuis la nouvelle de la mort de Soleimani, tué par l’armée américaine, une partie du monde médiatique et politique occidental se montre sous son pire visage. Que n’a-t-on entendu sur l’irresponsabilité du président américain, qui allait déclencher la 3è guerre mondiale! Puis nous avons eu droit à des images de l’enterrement du combattant tué, qui devaient prouver que Donald Trump avait réconcilié tous les Iraniens avec le régime de Téhéran. Puis on nous a annoncé que les troupes américaines allaient quitter l’Irak, qu’il y avait des victimes américaines suite aux tirs de missiles iraniens, que Trump allait bombarder l’Iran en représailles. Enfin, on nous a a assuré que l’Iran ne pouvait rien à l’écrasement d’un avion civil à 60 km de Téhéran; et lorsque le régime a fini par avouer qu’il avait abattu l’avion, c’était bien sûr de la faute de Trump, qui avait déclenché la crise. 

Ce qui s’est vraiment passé entre les Etats-Unis et l’Iran

La réalité est toute différente, bien entendu: 
1. l’Iran avait, ces derniers mois, accumulé les provocations, d’abord contre les alliés des Américains (Norvège, Japon, Arabie Saoudite); Trump n’avait pas réagi. Alors les Iraniens ont fait monter la provocation d’un ton en abattant un drone américain puis en attaquant l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad. 
2. Téhéran s’attendait sans doute à ce que les Américains s’écrasent, comme Carter en 1979 lors de la prise d’otages à Téhéran; ou plus récemment, lorsqu’Obama et Hillary Clinton ont subi les attaques contre le consulat américain de Benghazi en Libye. Donald Trump a réagi, alors, de manière absolument ciblée: il a donné l’ordre de tuer le Général Soleimani, organisateur infatigable, depuis des années, de la guérilla terroriste, directe ou indirect des Etats-Unis dans le monde. 
3. Il s’est passé ce qui se passe lorsqu’on vise une armée à la tête et qu’elle perd son chef. Les dirigeants iraniens se sont trouvés en état de sidération. Et ceci au point de paniquer et abattre un avion civil. Ni l’envoi sur des bases militaires américaines en Irak de missiles qui n’ont fait aucune victime; ni les menaces officielles ne peuvent cacher la sidération du régime devant le fait que le président Trump a osé abattre le combattant de l’ombre que ses prédécesseurs avaient toujours épargné malgré la somme des informations sur ses agissements en faveur du terrorisme. 
4. Loin de révéler un pays soudé derrière le régime, nous avons vu des manifestations d’opposants, dans les grandes villes, succéder aux grandes manifestations officielles et obligatoires qui avaient marqué l’élimination de Suleimani. 
5. Loin de se livrer à une surenchère vis-à-vis de l’Iran, Donald Trump a proposé de reprendre les négociations sur le renoncement de l’Iran à l’arme atomique tout en resserrant le garrot des sanctions sur le régime. 

Donald Trump est l’anti-Bush...

On pourrait accepter que les observateurs occidentaux se trompent sur l’Iran, un pays encore semi-totalitaire, dont pas grand monde ne maîtrise la langue. Mais comment peut-on se tromper à ce point sur Donald Trump? Comment ne pas voir ce qui saute aux yeux: le président américain, tout républicain qu’il soit, agit à l’opposé de George W. Bush? 
- Après les attentats du 11 septembre 2001, au lieu de se consacrer à la traque et à l’élimination de Ben Laden, le président Bush a déclenché deux guerres qui ont fait des dizaines de milliers de victimes innocentes: contre l’Afghanistan puis contre l’Irak. Trump, lui, est adepte d’une stratégie classique, consistant à viser les organisateurs du terrorisme: Al-Bagdadi en octobre 2019 puis Soleimani. Sunnites et Chiites extrémistes ont perdu leur chef respectif. C’est une stratégie bien plus intelligente et moins sanglante que les représailles tous azimuts de Bush. 
- George W. Bush avait essayé d’entraîner ses alliés occidentaux dans une « croisade pour la démocratie ». Il avait eu recours à des informations truquées pour faire croire que l’Irak possédait des armes de destruction massive. Donald Trump, lui, fonde sa politique étrangère sur le respect que l’on doit aux Etats-Unis, ni plus ni moins. Il ne croit pas à l’imposition violente de la démocratie. Face aux manifestations iraniennes contre le régime, consécutivement à la destruction d’un avion de ligne, il s’est contenté de donner en modèle le combat courageux des Iraniens pour leur liberté. 
- George W. Bush était convaincu que les Etats-Unis pouvaient intervenir tous azimuts et il a dépensé des centaines de milliards de dollars dans les guerres au Moyen-Orient. Donald Trump souhaite économiser les moyens et les troupes des Etats-Unis. Il mise plutôt sur la modernisation de l'armée américaine, sa capacité à intervenir à la demande avec des moyens modernes. 
- George W. Bush croyait qu’il y avait une vocation impériale américaine; il faisait travailler ses experts sur un « nouveau siècle américain ». Donald Trump croit à la coopération entre nations souveraines. Il lui importe que les Etats-Unis restent la première puissance du monde. Ensuite, il réfléchit en termes d’équilibre mondial: il demande aux Européens de prendre leur part de la défense transatlantique; il souhaiterait une réconciliation avec la Russie; il a renoué un lien fort avec le Japon et voudrait la réunification des deux Corée pour Disposer de points d’appui face à la Chine. 

... mais bien peu s’en rendent compte

Si l’on jugeait équitablement le président Trump, on s’apercevrait qu’il est prudent et soucieux d’équilibre, là où George W. Bush se livrait à des rodomontades et cherchait à imposer la domination américaine. Trump est rusé et stratège là où « W » était prévisible et prêt à tout écraser sous un tapis de bombes. Donald Trump préfèrera toujours, s’il a le choix, la négociation au conflit; alors que Bush junior était fasciné par la guerre et bien piètre négociateur. 

Tout ceci devrait sauter aux yeux des observateurs, s’ils n’étaient pas aveuglés par un lourd préjugé, consistant à sous-estimer Donald Trump, à l’accuser de bêtise quand il ne fait rien et le soupçonner de folie quand il agit. 

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