Doctolib, la licorne qui a sauvé la campagne vaccinale du fiasco et qui possède les clefs d’une réforme de tout le système de santé français<!-- --> | Atlantico.fr
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Doctolib, acteur majeur de la gestion de la crise sanitaire en France.
Doctolib, acteur majeur de la gestion de la crise sanitaire en France.
©Olivier MORIN / AFP

Atlantico Business

Suite de notre saga de l'été sur les licornes françaises. Aujourd'hui, penchons-nous sur Doctolib qui n’a pas dix ans d’âge mais a déjà transformé de fond en comble la vie quotidienne des professionnels de santé. Le Covid lui a permis de montrer qu’il pouvait aller beaucoup plus loin dans la réorganisation du système de santé.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Stanislas Niox-Chateau a fait de son entreprise une licorne en moins de dix ans. Il a révolutionné le système de gestion des cabinets libéraux, il a sauvé le gouvernement de la bérézina au moment du lancement de la campagne vaccinale ; et certains, qui n’aiment guère son insolente réussite, le soupçonnent d’être capable de réformer l’ensemble de l’assurance maladie. Et après tout, pourquoi pas ?

Contrairement à tous ces idéologues jaloux, ce n’est pas le Covid qui a fait entrer Doctolib  et son patron dans le club des milliardaires, c’est le concept qu‘il a développé et l’intuition qu’il a eue : celle que les professionnels de santé avaient besoin d’une aide numérique pour simplifier leurs galères administratives et retrouver un peu d’efficacité dans leur planification.

Le secret de cette licorne, c’est d’avoir fait une offre claire et simple qui a trouvé son marché très rapidement. Du pur Schumpeter à l’époque du digital.

A l’origine, Stanislas Niox-Chateau voulait être champion de tennis. Ses idoles s’appelaient  Yannick Noah ou Guy Forget. Jeune ado, il aurait pu s’entrainer avec Gaël Monfils et ne rêvait que de Roland Garros. A 17 ans, il se blesse au dos et doit abandonner son rêve de champion. Peu importe, l’ambition n’est pas cassée, il passe le bac, fait une prépa à Saint Louis et gagne sa place à HEC.

Pour ses parents, c’est presque mieux que Roland Garros. Pour lui, c’est beaucoup plus difficile que de gagner trois sets au tennis. Et pour cause, il est affreusement timide et souffre de bégaiement. Alors, intégrer HEC n’était pas évident, mais pas impossible. Et à force d’efforts, il réussit à se débarrasser de ce handicap.

A sa sortie d’HEC, on est en 2010. La révolution digitale est bien avancée. Son premier « taf » est de rejoindre un fonds d’investissement ; le fonds Optimum capital qui l’envoie au conseil d’une plateforme de réservation de restaurants, que tout le monde connaît aujourd’hui, mais qui vient de se créer, La Fourchette. Et là bingo, il y rencontre un des co-fondateurs Bertrand Jelensperger.

De cette rencontre, il va en apprendre le métier, percer le secret des sites de réservations et forger une idée qu’il a depuis longtemps. En prime, il vit dans le milieu des startuppers, des geeks, fréquente Pierre Kosciusco-Morizet, qui a créé Price Minister (revendu depuis à des Japonais) ou d’autres business angels. Des anges gardiens, mi mentors, mi financiers.

L’idée qu‘il a est toute simple. Il va créer un site de réservations pour les médecins libéraux, et leur offrir ainsi un secrétariat qui place les rendez-vous dans un agenda numérique. Ce site permet aussi de rappeler les créneaux réservés aux patients un peu tête-en-l’air ou de les inviter à reprogrammer en cas d’empêchement. Bref, la réservation de rendez-vous, de cette façon, devient beaucoup plus rapide qu’un coup de téléphone, et beaucoup plus facile d’accès.

En 2013, sous la protection de Pierre Kosciusko-Morizet, de Bertrand Jelensperger (La Fourchette), Stanislas Niox-Chateau et ses trois associés, Steve Abou Rjeity, Jessy Bernard et Ivan Schneider lancent la startup Doctolib.

C'est parti, l’aventure ne s'arrêtera pas. Avec au départ, 1 million d’euros (beau capital pour un début), qui sera levé, pour plus de la moitié, auprès de ses amis déjà riches. Notamment Antoine Freysz qui a créé Last minute.com ou Oliver Occelli, fondateur de NaturaBuy.

Les premiers jours, les médecins libéraux hésitent à s’inscrire, mais très vite, ils s’aperçoivent que la cotisation mensuelle est dix fois inférieure à un secrétariat téléphonique et en plus, le site peut réserver des rendez-vous, nuit et jour, 7 jours sur 7. Pour les médecins, c’est l’assurance de remplir l’agenda. Pour le patient, c’est la garantie de trouver un spécialiste sans être obligé de décrocher son téléphone ou d’attendre deux ou trois mois. Et de sauter sur un rendez-vous de dernière minute lors d’une annulation, grâce au système d’alerte.

En 2014, Doctolib signe avec sa première clinique privée. La startup lève 4 millions d’euros auprès de ses premiers investisseurs, amis, puis en fait rentrer de nouveaux. Doctolib peut se déployer dans la France entière avec des bureaux et des représentants dans la plupart des grandes villes. Fin 2014, Doctolib travaille avec 1600 professionnels de la santé, médecins généralistes et chirurgiens, dentistes, mais aussi avec près de 20 cliniques privées.

A partir de là, le développement est exponentiel. On se bouscule et on déborde très vite de la sphère privée pour aborder les hôpitaux publics. L’hôpital public a compris l’intérêt qu’il aurait à travailler avec Doctolib. La plateforme pourrait l’aider à gérer les rendez-vous et réguler les entrées, les répartir. En 2017, 25 millions d’euros sont levés, qui permettront de s’installer en Allemagne, puis 26 millions d’euros pour conquérir l’hôpital public français. Les investisseurs privés se bousculent, la Banque Publique d’Investissement aussi, qui voit là un exemple extraordinaire de développement et de progrès.

L’APHP, l’Assistance publique de Paris qui regroupe tous les hôpitaux de Paris, adopte le système Doctolib pour la prise de rendez-vous.

Fin 2017, le service couvre les 39 établissements de Paris et 9000 médecins hospitaliers. Au bout d’un an, les professionnels reconnaissent que les rendez-vous honorés ont augmenté de 75% dans les établissements de santé. Ça n'est pas un ajustement, c'est une révolution pour tout le monde des professionnels de santé.

Bref ça marche. Eurazeo, fonds d’investissement français, entre au capital de cette entreprise, qui a maintenant 4 ans et compte près de 500 salariés.

En 2019, Doctolib enrichit encore son offre en proposant des liaisons digitales avec l’assurance maladie, des lecteurs de cartes et expérimente déjà la téléconsultation après une négociation un peu compliquée avec l’assurance maladie, qui comprend très vite que la téléconsultation est une réponse au problème des déserts médicaux. Là encore, ça va marcher. Ça va surtout marcher avec l’explosion du télétravail.

En 2019, alors que la Covid rode aux frontières de l’Europe, Doctolib compte 100 000 professionnels adhérents, 2 400 établissements de santé, hôpitaux, CHU et cliniques privées et gère au total près de 50 millions de visites ou de rendez-vous par mois. Il est déjà incontournable.

Au moment de la pandémie, Doctolib va créer un compte spécial vaccination qui permettra aux Français de prendre rendez-vous auprès d’un centre.

Malgré la mise en route au début de 2021 un peu rock’n’roll pendant une semaine, très vite, tout se met en place, d’autant que les doses arrivent en quantités suffisantes. Le gouvernement a trouvé en Doctolib, l’allié qu’il lui fallait pour gérer cette campagne.

Doctolib est devenu incontournable pour les Français en gérant l’accès aux centres de vaccination.

En bouclant ses dernières levées de fonds, Doctolib a dépassé le milliard de valorisation boursière, prenant une place bien méritée dans le club très sélect des licornes.

Sur la base de cette valeur d’entreprises, Challenges évaluait récemment la fortune personnelle de Stanislas Niox-Chateau à plus de 500 millions d’euros. Sans doute, sauf que l’aventure n’est pas terminée. Doctolib peut encore s’étendre dans beaucoup de pays du monde, et surtout encore élargir l’offre de service aux médecins.

La clef miraculeuse du succès, c’est que désormais, tout chiffre d’affaires additionnel, tout nouvel adhérent gonflent pratiquement dans les mêmes proportions son résultat. Le cout marginal est quasi nul. L’effet taille joue en plus en plus. Et si les investisseurs se sont précipités aussi vite au départ, c’est qu’ils sont compris cette mécanique qui ne peut que grossir. Au pilote de faire en sorte qu‘elle ne dérape pas.

Actuellement, Doctolib offre un secrétariat et un suivi de prise de rendez-vous, un service de téléconsultation qu’il a pu roder pendant les périodes de confinement, et il peut désormais gérer l’ensemble des tâches administratives du médecin, de la prise de rendez-vous à la prescription, l'ordonnance ou la demande d’analyses complémentaires, et les liens avec l'assurance maladie et les complémentaires santé. Objectif pour le médecin : zéro papier. Sans parler des archives et de la gestion des dossiers de patients.

En bref, ce pour quoi l’assurance maladie n’a jamais réussi à organiser, à savoir la gestion du parcours médical du patient, avec tout son passé qu'on n’a jamais pu intégrer sur la carte vitale, sans parler de la chasse aux fraudes etc... Tout cela, Doctolib est évidemment en mesure de le fournir, en présentant des garanties qu'on ne manquera pas d’exiger, le respect des données sensibles et personnelles. Ces données sont actuellement stockées en France et en Allemagne par de hébergeurs certifiés et européens, à l’abri des ambitions d’Amazon dont on a dit qu’elle regardait l’entreprise française avec envie .

Mais quoi de plus normal que de faire des envieux et des jaloux. L’idée de départ était tellement simple.

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