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Politique : toute vérité 
est-elle bonne à dire ?
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Un discours efficace

Christine Lagarde a-t-elle raison de pointer le dangers du système bancaire européen ? Faut-il employer le terme "rigueur" en temps de crise ? Nos dirigeants doivent-ils faire preuve de davantage de prudence dans leur discours ?

Bernard Lamizet

Bernard Lamizet

Bernard Lamizet enseigne les sciences de la communication à Sciences-po Lyon.

Il a publié plusieurs ouvrages de sémiotique et de sciences de l'information et de la communication dont Le Langage Politique Analyse du Discours Politique (Ellipses - 2011).

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Atlantico : Christine Lagarde a déclaré en fin de semaine dernière que les banques européennes avaient "besoin d'une recapitalisation urgente", doutant qu'elles soient "suffisamment solides pour faire face aux risques" des dettes publiques et d'une faible croissance.

Bernard Lamizet : La légitimation par le savoir financier de Catherine Lagarde sert à justifier l’argent que l’on demandera pour le mettre à la disposition des banques, du FMI ou pour alourdir les budgets nationaux au bénéfice des banques... Dans toutes les époques, sous tous les régimes politiques, on a toujours eu des situations, qui se prêtaient à tel ou tel type d’argumentations. Ainsi, par exemple, en situation de crise économique, l’argument de la rigueur sert à proposer n’importe quelle mesure de gouvernance économique - comme d’autres fois, on l’a fait au nom de la santé publique ou de la guerre... 

Le discours participe d’une stratégie de légitimation des contraintes. Mais quand François Fillon à son arrivée à Matignon déclarait que la France était en état de banqueroute (un fait avéré depuis), n’y-avait-il pas un risque pour le politique de faire empirer la situation qu’il déplore par un effet d'auto-réalisation ?

Si, c’est certain. A force de faire de la rigueur, on finit par empêcher les entreprises de décoller et de prendre des risques...

Mais alors, vous qui étudiez depuis longtemps le discours politique, quel conseil donneriez-vous à un politique confronté à l'annonce d'une mauvaise nouvelle ?

La première des choses est de ne pas mentir et de laisser tout le monde s’exprimer afin qu’il y ait un véritable débat public. Il n’y a que le débat public qui permette aux gens d’exprimer complètement ce qu’ils pensent et, par conséquent, de s’impliquer et de s’investir. Dans le cas contraire, si on n’agit que par la contrainte, l’opinion ne peut pas ni suivre ni adhérer car, étant passive, elle est molle - en particulier en cas de crise économique. Si on veut que les gens se bougent, que les acteurs économiques prennent des initiatives, et -accessoirement des risques -, on doit au contraire leur donner toute l’information possible - même en cas de mauvaise nouvelle.


Justement, un exemple de mensonge récent vous vient-il à l’esprit ?

Oui, la violation des écoutes du journaliste du Monde. On a affaire à un mensonge évident selon lequel on a écouté le Monde pour des raisons de sécurité publique. Alors que la sécurité publique n’était pas menacée par l’affaire Bettencourt. Il est intéressant d’observer que, justement, pour ce gouvernement, la sécurité publique est l’argument suprême qui permet de valider le mensonge. Dans d’autres situations, le gouvernement aurait fait apparaître l’urgence économique ou l’urgence de sauver l’entreprise. Là, on fait apparaître la sécurité comme argument de légitimation par excellence.

Puisque nous parlons du discours politique, pensez-vous que Dominique Strauss-Kahn, lui aussi devra tout dire ?

Je n’irai pas jusqu’à dire que la vérité paie. Mais je dirais que le mensonge finit toujours par coûter très cher. Le mensonge finit toujours par apparaître. Ce n’est donc jamais un bon calcul. D’autant que dans le cas de Strauss-Kahn, tout est déjà plié. Il ne peut plus rien rattraper maintenant. Nul n’est besoin de faire comme Michel Rocard qui évoquait les prouesses de l’ancien patron du FMI mais on constate que aujourd’hui, le mensonge est beaucoup moins possible car les nouvelles vont trop vite. Au Moyen-âge, au XVIe ou au XVIIe siècle, le mensonge d’Etat était encore jouable car il était beaucoup plus difficile à débusquer.


Pourtant on a déjà vu un chef de l’État mentir effrontément sur son état de santé...

Ce n’était pas un mensonge, c’était vraiment une censure. Mensonge et censure ne sont pas exactement la même chose. Le mensonge est une information fausse alors que la censure cache l’information. Et cela a fini par se savoir...

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