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Les difficultés de la Deutsche Bank prouvent que l’Allemagne est un colosse aux pieds d’argile
©Reuters

Atlantico Business

D’un côté, l’Allemagne est une superpuissance économique, mais de l’autre, son système financier est ultra fragile. Explication d’un paradoxe qui menace l’Europe toute entière.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les difficultés de la Deutsche Bank ont révélé au monde entier que l’Allemagne, superpuissance économique, avait un systeme financier ultra dangereux. Non seulement pour l’Allemagne, mais pour l'Europe toute entière.

L'Allemagne, son modèle de gestion que ses dirigeants voudraient imposer à tous les partenaires, a engendré aussi des bombes à retardement qui menacent d’exploser.

L'Allemagne est donc porteuse d’un paradoxe dangereux que madame Merkel voudrait bien démonter, et que les pays européens cherchent aussi à neutraliser.

L’explication de ce paradoxe explosif tient dans la situation allemande. C’est parce que l'Allemagne est économiquement forte qu'elle est financièrement aussi fragile au niveau de ses banques. L’explication tient en deux phénomènes.

1er phénomène : la richesse allemande est directement liée à sa compétitivité. Les réformes Schröder mises en œuvre il y a plus de dix ans maintenant, et que tout le monde en Europe envie, ont boosté la compétitivité extérieure de l'Allemagne, en feintant en permanence la demande interne. Les Allemands se sont serrs la ceinture avec des salaires maîtrisés pour éliminer tout risque d’inflation (leur bête noire), et pousser leurs exportations dans un univers mondialisé et très concurrentiel. Les Allemands ont pu ainsi garder leurs industries et leurs emplois. La compétitivité coût et hors coût leur ont permis de fabriquer une des plus belles économies industrielles du monde.

Le résultat de cette performance a été l’accumulation d’une masse énorme d’excédents financiers, stockés dans les banques allemandes.

2e phénomène : les banques allemandes fortes de ces excédents n'ont eu de cesse de leur trouver des emplois fortement rémunérés pour les conserver chez eux. Pendant des années, le système financier a parfaitement bien financé les Pme allemandes, mais depuis dix ans, les banques ont cherché des rémunérations plus fortes.

Or pour trouver des rémunérations fortes, il n’y a pas de secret, il fallait prendre des risques. Les banques allemandes, et la première d’entre elles, la Deutsche Bank, ont multiplié les investissements à haut risque.

Après les réformes Schröder et le ralentissement de l'investissement public, les excédents allemands (l'excédent des comptes courants de l'Allemagne dépasse 8 % du Pib) se sont encore élargis. L'investissement dans les activités servant la demande intérieure est devenu moins rentable, tandis que l'amélioration de la compétitivité coût rendait l'investissement dans les produits servant la demande externe moins urgent.

Avec la dérégulation et la mondialisation financière, les banques d'affaires allemandes, (la Deutsche Bank en première ligne), se sont mises à proposer des rendements alléchants: près de 25% en moyenne. Pour dégager de telles performances, les banques allemandes ont investi dans les subprimes aux Etats-Unis, dans l’immobilier espagnol, ou même dans la dette grecque. Dans bien des cas, la Deutsche Bank n’a pas hésité à franchir les lignes jaunes de la spéculation mondiale. D’où les condamnations très lourdes. 

Au lendemain de la faillite de Lehman Brothers (septembre 2008),  le système bancaire allemand ressortait comme le plus touché au cœur du fonctionnement de toute l’Europe. Madame Merkel en 2008/2009 avait du mal à le croire. Il a bien fallu qu'elle accepte cette réalité. La chancelière s’est retrouvée KO debout et ses banques au bord du chaos. Pour les Allemands, c’était effroyable. Le gouvernement a fait ce qu'il fallait : il a renfloué les banques allemandes en utilisant pleins de subterfuges. La Deutsche Bank, par exemple, a été rapprochée de la Postbank et de ses disponibilités gigantesques. La Deutsche Bank a donc survécu grâce au cash de la Postbank. Les autres banques ont reçu des aides venant d’un peu partout. 

Cela dit aujourd'hui, la Deutsche Bank continue de faire trembler les marchés. Elle porte un risque systémique considérable.

Berlin va donc renflouer une fois de plus, mais ça va être compliqué. Les aides directes sont impossible : faire payer les créanciers et les déposants risquerait de faire désordre dans le climat politique actuel. A Francfort, on estime que le mieux serait que la BCE rachète des dettes bancaires. Le gouvernement allemand, qui s’y est toujours opposé par principe, serait alors obligé de l’accepter. Tant pis pour le respect du dogme.

Parallèlement, le gouvernement fera un premier geste pour relancer la demande interne par une baisse des impôts. Les excédents sont tels que les Allemands peuvent le faire. Politiquement, madame Merkel pourrait en profiter bien que cela soit contraire à son sacro-saint protocole de la stabilité.

En fait, tout se passe, compte tenu des difficultés bancaires, comme si l‘Allemagne amorçait un changement de modèle économique, vers plus de demande interne, et par conséquent moins d’excèdents, donc moins d’exigences de rentabilité dans les banques.

Le changement ne serait pas forcément une mauvaise affaire pour les Européens qui trouveraient alors un peu de l’oxygène qui leur manque.

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