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Deschamps chez les Bleus :
et si c’était plutôt les joueurs
qu’il fallait changer ?
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C'est pas gagné...

Après Laurent Blanc, c'est à nouveau un ancien de la Coupe du monde 98 qui devient sélectionneur de l'équipe de France de football. Didier Deschamps est sans doute le mieux placé pour mener l'opération de sauvetage des Bleus. Encore faut-il que les joueurs en aient l'envie...

Gael Raballand

Gael Raballand

Gael Raballand est chercheur associé l’Institut Choiseul et co-fondateur du site www.footballmoderne.com.

Il est l'auteur de Quel avenir pour le football ? Il s’intéresse notamment à l’économie du football et aux questions de gouvernance

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L’annonce de la nomination de Didier Deschamps à la tête de l’équipe de France est quasiment unanimement bien accueillie. On vante ainsi les qualités de « gagneur » et de « meneur d’hommes » de l’ancien entraîneur marseillais. Certains commentateurs le présentent comme « l’homme de la situation » pour succéder à Laurent Blanc car se situant dans le droit fil de son ancien co-équipier de France 98. Deschamps va-t-il vraiment sauver l’équipe de France ?

Malgré ses qualités intrinsèques souvent louées, on pourrait en douter pour plusieurs raisons :

Plusieurs études statistiques, notamment en Angleterre, ont démontré dans les années 90 et 2000 que très peu d’entraîneurs ont un impact positif statistiquement significatif sur les résultats (Science and Soccer de Thomas Reilly and A. Mark Williams paru chez Routledge). Hormis Arsène Wenger et Alex Ferguson, il ne semblait pas que les entraîneurs/managers aient un impact positif important sur les résultats. Ce sont les joueurs, qui dans la majeure partie des cas, influencent véritablement les résultats. D’ailleurs Roger Lemerre a été champion d’Europe en 2000 avec l’équipe de France et a été loué à l’époque. Pourtant, il n’a pas pu jusqu’alors réédité un tel exploit et a même été démis de ses fonctions comme sélectionneur de l’équipe du Maroc suite à la non-participation à la Coupe du monde 2010.

En outre, il semble que Didier Deschamps ait demandé une certaine liberté d’agir vis-à-vis de la FFF. Or, il faudra voir dans la pratique si ceci est respecté car avec la multitude de contrats signés avec les entreprises partenaires de l’équipe de France, les intrusions de la FFF sur les sélectionneurs semblent être de plus en plus récurrentes.

La FFF, comme une bonne partie du monde sportif, est schizophrène, dans la mesure où elle tire une bonne partie de ses revenus de l’équipe de France et donc des footballeurs professionnels qui la composent mais vouent aux gémonies le professionnalisme. A chaque incartade de l’équipe de France, ce sont les représentants du football amateur, majoritaires au sein de la FFF, qui font entendre leur voix pour sanctionner ces professionnels qu’ils honnissent (mais qui permettent pour une grande part au monde amateur de se financer par le biais d’un système de péréquation provenant notamment des revenus tirés de la LFP).

A chaque compétition, ce sont des chiffres de 50 000, 100 000 euros de primes qui sont mis en avant pour montrer que participer à une compétition en équipe de France est lucrative pour un joueur de football.Or, pour les meilleurs, comparés à leurs salaires dans leurs clubs respectifs, cela ne correspond même pas à une semaine de leur salaire.Ainsi, pour un joueur qui a une perspective courte de carrière, jouer en équipe de France peut être une consécration symbolique mais est une source marginale de revenus.

On peut le regretter mais, dans un pays où le modèle d’intégration des jeunes d’origine étrangère est en panne, le profil sociologique des footballeurs professionnels a évolué dans les deux dernières décennies (voir Le football, illustration d’un mal français paru dans le numéro d’octobre 2009 d’Etudes). Les sommes engrangées et le luxe peuvent devenir une fin en soi pour ces jeunes sans repères et, dans cette perspective, le club est bien plus à même de permettre la réalisation d’un rêve que l’équipe de France.

Enfin, Deschamps peut ne pas sauver l’équipe de France pour la simple raison qu’elle n’est pas « sauvable » : après les victoires de 1998 et 2000 s’est dissipé le sentiment que l’équipe de France devait nécessairement jouer les premiers rôles dans une compétition majeure. C’est vite oublier qu’il a été montré que les résultats d’une équipe nationale dépendent de son histoire/de son palmarès, c’est là où la France tire une grande partie de sa force, mais aussi de la taille de sa population et de son niveau de développement (voir Soccernomics de Simon Kuper et Stefan Szymanski paru chez Nation Books).  Pour un pays de 60 millions d’habitants sur le déclin relatif en termes de PIB par habitant, il faut probablement se résigner au fait que 1998 et 2000 étaient des exceptions et non pas la norme pour l’équipe de France et que nommer le capitaine emblématique de cette équipe a très peu de chances de mener cette équipe à la victoire. Cette nostalgie de « l’âge d’or » du football français est probablement symptomatique d’un pays en crise qui a besoin d’un « sauveur » pour le retrouver.

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