Devinerez-vous quel objet recèle chez vous encore plus de bactéries que les poignées de porte ou les sièges des toilettes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les serviettes utilisées dans les toilettes sont pleines de bactéries.
Les serviettes utilisées dans les toilettes sont pleines de bactéries.
©Reuters

Faux ami

Plusieurs études avaient déjà mentionné le manque d'hygiène constitué par le fait d'utiliser un sèche-main après s'être lavé les mains aux toilettes. Récemment, plusieurs chercheurs de l'université de l'Arizona ont étudié la composition microbienne des serviettes utilisées dans les toilettes, et ont retrouvé des bactéries coliformes dans 89%.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Quels sont les effets potentiels de cette bactérie ?

Stéphane Gayet : L’appellation « bactéries coliformes » est l’expression du résultat d’une analyse bactériologique générique et assez peu précise. Il s’agit d’un groupe composite et hétérogène de bactéries ayant plusieurs caractères en commun avec Escherichia coli ou colibacille, bactérie de type bacille (bâtonnet) à « Gram négative » (car elle ne reste pas colorée par le violet de gentiane lors de la deuxième étape de la coloration dite de Gram) se trouvant d’une façon physiologique, habituelle, dans l’intestin de l’homme et celui de nombreux animaux.

Le colibacille est en effet la bactérie emblématique de la flore du gros intestin ou colon. Pourtant, les colibacilles ne sont pas les plus nombreux de la flore colique, car ils font partie de la flore sous-dominante ; la flore dominante, la plus nombreuse, est constituée de bactéries anaérobies (c’est-à-dire ne pouvant vivre qu’en l’absence d’oxygène). Ainsi, dans un gramme de matières fécales, on trouve des millions de colibacilles et des milliards de bactéries anaérobies. Ces données de base sont nécessaires à la compréhension de la signification des résultats de prélèvements. Ainsi, dire que dans 89 % des prélèvements bactériologiques effectués sur des essuie-mains utilisés dans les toilettes, l’on trouve des bactéries coliformes, ne signifie rien d’autre qu’un lavage des mains inefficace, donc mal réalisé. En d’autres termes, ce résultat indique que l’on retrouve sur ces essuie-mains des bactéries de la flore fécale, dont l’élimination est pourtant l’objectif essentiel du lavage des mains après passage aux toilettes.

Étant donné que le groupe hétérogène des « bactéries coliformes » correspond à des bactéries assez diverses, mais ayant en commun le fait de vivre dans le colon, il faut comprendre la présence de cette flore fécale comme un risque statistique et non un risque spécifique : plus on trouve de bactéries coliformes sur un essuie-mains et plus la probabilité d’y trouver une bactérie pathogène est élevé ; car le gros intestin ou colon est un réservoir pour ainsi dire naturel de bactéries pathogènes, lesquelles appartiennent à la flore dominée (bactéries en transit ou transitaires). Ainsi, la présence de bactéries coliformes sur un prélèvement est un marqueur de contamination fécale, donc un indicateur de danger microbien. C’est un peu comme la présence de nitrates dans l’eau de boisson : ce ne sont pas véritablement des produits chimiques particulièrement toxiques, mais leur présence est un signe de pollution : s’ils sont présents en abondance, il est probable qu’il y ait des polluants dangereux et non dosés.

89% de présence signifie-t-elle pour autant un taux égal de contamination pour la personne qui utilise cette serviette ?

Cet exemple illustre bien les difficultés rencontrées avec le linge à usage multiple : les essuie-mains sont utilisés plusieurs fois par une même personne, et par des personnes différentes. Si une personne A se lave correctement les mains en sortant des toilettes et élimine les bactéries coliformes de ses mains, mais qu’elle s’essuie les mains avec un essuie-mains utilisé avant elle par une personne B qui ne s’est pas lavé correctement les mains, elle (A) va récolter une partie des bactéries fécales de cette personne B. Notons au passage que la personne B a conservé des bactéries fécales sur ses mains après s’être essuyé les mains et a pu les répandre ailleurs…

Cet exemple est typique de la chaîne de contamination microbienne : l’essuie-mains est un vecteur immobile. On peut dire que la personne A, ayant par elle-même une bonne hygiène des mains, se contamine à cause du manque d’hygiène de la personne B. C’est exactement le mécanisme qui explique que, dans une famille, le virus d’une gastro-entérite virale se propage si facilement. La différence entre les bactéries et le virus est que les bactéries sont des êtres vivants qui vont se multiplier sur l’essuie-mains, contrairement aux virus, organismes inertes et sans vie. On l’a compris, la présence de bactéries coliformes sur un essuie-mains ne signifie rien d’autre qu’un danger fécal non maitrisé : or, le danger fécal est multiple, comme les virus des gastro-entérites.

Comparativement à d'autres objets courants dans nos foyers, les serviettes dans les toilettes sont-elles plus ou moins sales ?

Les essuie-mains en tissu utilisés dans les toilettes sont assurément parmi les objets à la fois les plus contaminés et les plus dangereux (sur le plan microbien) d’un domicile. Car les matières fécales constituent la plus forte concentration en microorganismes (ou « microbes ») qui existe ; or, l’immense majorité des personnes ne savent pas se laver les mains correctement, ou ne le font pas, ce qui revient au même. Les bactéries se trouvent donc en grand nombre sur les essuie-mains des toilettes et y prolifèrent grâce à la présence d’humidité et de matières organiques. En matière de risque microbien, l’essuie-mains des toilettes est donc un point très critique. Les bactéries retrouvées sur une éponge représentent donc un risque comparativement négligeable.

Selon les mêmes chercheurs, cette bactérie ne succomberait pas à un lavage en machine. Doit-on se résigner à laver nos tissus avec de l'eau de Javel ?

La difficulté vient du fait que de nombreux textiles modernes ne supportent pas une température supérieure à 40°C. Or, cette température n’est pas désinfectante, contrairement à 60°C et bien sûr aux températures plus élevées. Pour que la désinfection par la chaleur soit effective, il faut que le plateau de température à 60°C soit maintenu au moins cinq minutes.

Or, la tendance est aujourd’hui à privilégier les cycles à 40°C pour une raison économique : moins de dépense énergétique et moins d’usure du linge. Dans le domaine des essuie-mains, cette tendance va à l’encontre des objectifs de l’hygiène. Il reste bien sûr la possibilité d’utiliser un désinfectant, en particulier l’eau de Javel diluée ; mais dans ce cas, il y a une pollution par rejet chimique toxique dans les effluents ; de plus, l’eau de Javel risque d’abîmer le linge et différentes pièces du lave-linge.

En somme, si l’on a le choix concernant le mode de désinfection des essuie-mains en tissu, la chaleur avec une température supérieure ou égale à 60°C ou un désinfectant chimique, il est nécessaire que cette désinfection ait lieu. Par ailleurs, il est utile de dire que l’un des moyens de lutter contre la contamination interhumaine par un essuie-mains est d’individualiser les essuie-mains ; mais dans une grande famille, cela fait évidemment beaucoup d’essuie-mains ; de plus, il ne faut surtout pas se tromper d’essuie-mains, ce qui risque tout de même d’arriver…

Connaissant les inconvénients des sèche-mains électriques et ceux des serviettes ou essuie-mains en tissu, n'y-a-t-il pas une autre solution en vue pour se sécher les mains ?

Aujourd’hui, nous trouvons sur le marché des sèche-mains électriques dits de « deuxième génération ». Les principaux inconvénients des sèche-mains électriques classiques dits de « première génération » ont été corrigés. Ces appareils récents, contrairement aux sèche-mains classiques, relèvent d’une technologie très élaborée.

Alors que les premiers n’étaient que de simples ventilateurs couplés à une résistance électrique chauffante, ces appareils modernes propulsent de l’air micro-filtré, non chauffé, de façon linéaire à travers de minuscules buses et à très grande vitesse. La microfiltration s’effectue au travers d’un filtre à très haute efficacité (THE, ou en anglais HEPA pour high efficiency particulate air, c’est-à-dire haute efficacité vis-à-vis des particules aériennes). Les filtres THE ou HEPA, appelés parfois à tort « filtres absolus », retiennent ainsi la très grande majorité des bactéries, champignons et acariens.

L’écoulement linéaire et la conception des appareils permettent de limiter la diffusion environnementale des microorganismes de la peau, tandis que la très grande vitesse de l’air propulsé fragilise ces derniers par les violents impacts qui leur sont infligés. Le séchage s’effectue en une quinzaine de secondes et ne dessèche pas la peau (pas de chaleur). Ces appareils ont un bon rendement énergétique, mais restent bruyants et leur coût à l’achat est important. Si l’on ajoute que leur déclenchement s’effectue toujours sans aucun contact, on voit que ces sèche-mains récents constituent un réel progrès sur le plan de l’hygiène par rapport aux modèles classiques.

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