La dette publique coûte plus cher que la croissance qu'elle achète<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, 1€ de dette publique achète 0,89€ de PIB. Un retour sur investissement douteux...
En France, 1€ de dette publique achète 0,89€ de PIB. Un retour sur investissement douteux...
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Idée reçue

Si l'austérité budgétaire est réputée tuer la croissance dans l'œuf, qu'en est-il du creusement de la dette ? Décryptage en chiffres au-delà des luttes théoriques.

Simone Wapler

Simone Wapler

Simone Wapler est rédactrice en Chef des Publications Agora (analyses et conseils financiers).

Elle est l'auteur de "Comment l'Etat va faire main basse sur votre argent: ... et ce que vous devez faire pour vous en sortir !", paru chez Ixelles Editions en mars 2013.

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Combien 1 $ ou 1 € de dette publique achète-t-il de croissance ? La réponse à cette question très simple vous permet d’obtenir le retour sur investissement de cette dette publique et de comprendre pourquoi elle devient aujourd’hui hors de contrôle dans tous les pays développés.

  • Aux États-Unis, 1 $ de dette publique achète 0,83 $ de richesse nationale.
  • En France, 1 € de dette publique achète 0,89 € de richesse nationale.

En démocratie, il est acquis que demain ne peut-être que meilleur qu’aujourd’hui, surtout si vous accordez votre voix à l’élu qui préconise le bon plan de relance, le bon plan d’investissement. Il est devenu normal de financer des promesses électorales par l’endettement public. Les dettes sont facilement remboursées puisque le plan est présupposé rentable.

En plus, comme les taux d’intérêt sont bas, emprunter ne coûte pas cher. Donc si le coût de l’emprunt est faible, le retour sur investissement est facile. J’emprunte à 2 %, j’obtiens un rendement à 3 % et hop, le tour est joué : 1 % de richesse créée et taxable.

« Comment se fait-il que vous m’annonciez un retour sur investissement négatif ? » vous demandez-vous. « De plans de relance en plans de soutien à la consommation et en incitations ou investissements judicieux, notre dette devrait diminuer, non ? »

Cher lecteur perspicace, c’est absurde, mais c’est ainsi.

Mais laissez-moi d’abord justifier mes chiffres (pour plus de commodité, ils sont tous exprimés en milliards de dollars).

Source : The Economist

Dans le cas de la France, entre 2000 et 2010, 1 224 milliards de dettes ont acheté seulement 1 090 milliards de PIB. Autrement dit c’est un retour sur investissement négatif de 11 % puisque 1 € dette n’achète que 0,89 € de PIB.

Dans le cas des États-Unis, 5 927 milliards de dette ont acheté 4 895 milliards de PIB. Le retour sur investissement négatif est de 18 % : 1 $ de dette achète glorieusement 0,83 $ de PIB.

Je sens le paisible contribuable qui sommeille en vous se réveiller : « ce n’est pas possible ! Cette épicière qui ne possède nul doctorat en économie, aucun titre de noblesse intellectuelle, essaye de nous faire gober que nous nous endettons pour rien ».

Euh, no… c’est pire, l’endettement est non seulement inutile, mais nuisible.

C’est exactement ce qu’ont démontré Carmen M. Reinhart et Kennneth S. Rogoff dans This time is different – Eight Centuries of Financial Folly (Cette fois c’est différent – Huit siècles de folie financière).

Passé un certain niveau d’endettement, un effet turbo s’allume : la dette creuse la dette. Le point de non retour est atteint.

Crédit souverain subprime

Dans mon tableau justificatif, j’ai fait apparaître la ligne 2008, début officiel de la crise financière du crédit subprime. Rappelez-vous le discours de l’époque : pour sauver l’économie, il fallait sauver les banques et donc alourdir la dette publique. Résultat : les Etats-Unis se sont plombés de 2 923 milliards de dollars supplémentaires de dette pour 289 milliards de PIB gagné ! Si l’endettement public était réellement créateur de richesse, il diminuerait.

Le point de non retour est franchi. C’est ce que découvre petit à petit le monde. Si la prévision de croissance de la zone euro est de 2 %, que sa dette publique lui coûte 3 % par an et que son ratio d’endettement atteint 80 %, c’est mort. La croissance n’est pas suffisante pour rembourser le passif.

La crise du crédit subprime est ainsi devenue la crise du crédit souverain subprimeDes épargnants et des banques ont prêté à des États qui n’auront pas les moyens de rembourser, faute de croissance.

Planche à billets

La meilleure sortie politique possible sera la création monétaire pour rembourser la dette devenue insoutenable. Le Japon s’y est mis il y a 20 ans, les États-Unis s’y sont mis en 2008 avec les opérations dites de quantitative easing, la Banque d’Angleterre se prépare à une nouvelle passe et la Banque centrale européenne s’y mettra bientôt officiellement, probablement en novembre.

Jamais on n’a vu de création monétaire sans inflation. Aujourd’hui, les obligations américaines à 30 ans rapportent 3,14 %. Qui en voudra encore lorsque l’inflation décollera ? La dernière bulle qui éclatera sera celle des obligations souveraines réputées sûres, les T bonds américains et les bund allemands sur lesquels tout le monde se jette aujourd’hui.

Cette fois, ce ne sera pas différent. Imprimer de l’argent ne crée aucune richesse. Cela finit toujours simplement par faire monter les prix. Si les économistes et les politiques lisaient l’Histoire, ils sauraient que toutes les bêtises ont déjà été faites.

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