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Desserrement des contraintes sur la PMA : l'implacable engrenage qui ne pourra que mener à la reconnaissance de tous les modes de procréation artificiels
©Flickr/genue.luben

Déconstruction en chaîne

Lundi 4 juillet, Laurence Rossignol, ministre de la Famille, a confirmé l'abrogation prochaine d'une circulaire visant à sanctionner les médecins gynécologues qui conseillent à leurs patientes de se rendre à l'étranger pour recourir à une procréation médicalement assistée (PMA).

Jean Hauser

Jean Hauser

Jean Hauser est professeur émérite de droit privé à l'université de Bordeaux. Il est spécialiste en droit de la famille, des personnes et des obligations.

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Atlantico : Quel est le message envoyé par l'exécutif avec cette annonce, alors que la loi française réserve cette pratique aux personnes souffrant d'infertilité pathologique ? En brouillant ainsi les repères, ne risque-t-on pas de produire davantage d'insécurité juridique  ?

Jean Hauser : En l’état actuel de la législation, la procréation médicalement assistée est étroitement encadrée par les articles 311-19, 311-20 C.civ. et L.2141-1 code de la santé publique. Quant à la gestation pour autrui, elle est interdite par l’article 16-7 C.civ. Le législateur français n’a rien changé de fondamental sur ce point depuis plusieurs années.

Sous la pression de certains couples et de groupes divers, ces conditions ont été contournées en procédant, pour l’essentiel, à ces opérations à l’étranger. Plus précisément, la gestation pour autrui a été pratiquée par des couples français, hétéros ou homosexuels, dans des pays qui l’autorisent ou qui n’ont pas de législation sur ce point. Toutefois, comme le fait demeure interdit et plus précisément le fait de s’entremettre pour une telle opération (art.227-12 c.pénal), le médecin qui conseillait à une patiente de se rendre à l’étranger pour une telle opération risquait une poursuite pénale. Aussi bien une circulaire avait été adressée aux médecins spécialistes les mettant en garde contre cet éventuel conseil. C’est cette circulaire qui serait abrogée (est-ce bien de la compétence du ministère de la Famille ?) mais le texte qui la fondait demeure puisque c’est une loi, encore qu’il ne semble pas y avoir eu beaucoup de poursuites. Cette abrogation se situe donc dans une stratégie (?) des pouvoirs publics de ne pas avaliser ces pratiques mais de multiplier les aménagements périphériques en préparant une future abrogation, encore que d’autres ministres ne cessent de répéter qu’on ne légalisera pas la GPA.

L'an dernier, l'Etat accédait à la demande de plusieurs associations qui militaient pour que les enfants issus d'une PMA effectuée à l'étranger puissent être inscrits à l'état civil. Cette décision avait été interprétée comme une première étape vers la légalisation de la PMA. Comment expliquer l'attitude du législateur, qui semble à la fois favorable aux méthodes de procréation artificielle, mais qui ne se décide pas à réformer le droit ? 

La même stratégie se retrouve à propos des enfants issus de ces GPA pratiquées à l’étranger. A l’origine, la Cour de cassation avait refusé l’inscription à l’état civil de ces enfants conçus en contravention avec la loi française. A la suite de la condamnation de la France par la CEDH, qui a donné lieu à une circulaire en sens inverse, la Cour de cassation a solennellement admis leur inscription à l’état civil mais sans statuer sur les moyens d’établir leur filiation ni sur la situation de la mère gestatrice. Là encore, les actuels pouvoirs publics ont affirmé qu’on ne légaliserait pas le procédé, ce qui met le droit français dans une situation inconfortable : la GPA reste interdite en France, elle peut se faire à l’étranger et les enfants auront une existence à l’état civil français mais un statut familial indéterminé. La jurisprudence récente des cours d’appel montre que ce dernier point reste très diversement interprété et que l’intervention législative deviendra inévitable, notamment, si l’on permet le procédé, pour contrôler les contrats qui seraient passés.

Dans quelle mesure cette décision de l'exécutif est-elle la suite logique de précédents changements de notre législation, et notamment de la loi sur le "mariage pour tous" votée en 2013 ? A quel point cet enchaînement de mesures toujours plus libérales à l'égard de la procréation artificielle est-il inéluctable ? Et quelles sont, selon vous, les prochaines étapes de ce processus ?

Il n’y a pas de lien immédiat avec la loi dite mariage pour tous, laquelle n’a guère fait avancer le sujet. Ce qui a changé, c’est que l’adoption par un couple homosexuel devenant possible, la Cour de cassation a été amenée à dire que l’enfant conçu par IAD à l’étranger pourrait faire l’objet d’une adoption par le couple de commande puisque celui-ci pouvait accéder au mariage. Par contre, pour ce qui est de l’accès à la PMA en France, on reste sur l’exigence d’un homme et d’une femme et d’une stérilité pathologique ce qui, à l’évidence, ne concerne pas les couples visés.

L’argument souvent avancé, en dehors des convictions des uns et des autres, c’est que cela "se fait ailleurs" et qu’on n’y peut rien, argument dangereux si l’on regarde l’histoire. Ce serait donc un effet de la mondialisation. En l’état actuel des choses, on peut se demander si au vu des contradictions, des hésitations, des injustices, des fraudes, etc., il ne serait pas préférable de constater le fait, de l’enfermer dans des conditions rigoureuses (et de s’y tenir…), ce qui permettrait de contrôler les trafics et, pour la GPA, de se pencher sur le statut des mères de substitution. On dispose d’un certain nombre de limites raisonnables qu’on pourrait introduire dans une loi comme on l’avait fait en 1994 pour la PMA à l’époque. Ce qu’on peut regretter, c’est qu’on prenne ces phénomènes séparément pour faire des "coups" politiques et sous la pression de différents groupes d’un côté comme de l’autre, alors que c’est à l’Etat de déterminer quelle place il veut assigner à ces nouveaux modes de procréation et quelle déontologie il veut leur appliquer.

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