Désindustrialisation : ce drame français largement auto-infligé<!-- --> | Atlantico.fr
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Valérie Pecresse et Xavier Bertrand visitent l'entreprise Exotec à Croix, près de Lille, le 10 décembre 2021.
Valérie Pecresse et Xavier Bertrand visitent l'entreprise Exotec à Croix, près de Lille, le 10 décembre 2021.
©FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Politique industrielle

Avec une part de l’industrie dans le PIB de 12,5%, la France est le pays le plus désindustrialisé du G7. Or lorsque notre tissu industriel se contracte, c’est toute notre compétitivité qui recule. Nous devons remettre l’industrie au centre du projet de développement économique de la France.

Pierre Danon

Pierre Danon

Pierre Danon est un chef d’entreprise français qui a connu une activité internationale soutenue. En France, il a notamment exercé les fonctions suivantes : Directeur Général adjoint de Cap Gemini (2005), Président Directeur Général de Numericable-Completel (2008) et Président du Conseil d’administration de Solocal (2017). Aujourd’hui, il est l’un des principaux actionnaires et Président du Conseil d’administration de ProContact, Centre d’appel pour les PME françaises. Il a toujours été impliqué dans des entreprises à vocation sociale. A l’heure actuelle, il est actionnaire actif dans ProActive Academy, ESS qui a pour mission de rapprocher les jeunes sans emploi des entreprises. De 2014 à 2017, il a été Directeur adjoint de la campagne présidentielle de François Fillon.

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La désindustrialisation du pays est un drame pour les chefs d’entreprise que l’Etat n’a pas su accompagner correctement. C’est un drame pour tous les travailleurs dont l’activité s’est arrêtée. C’est un drame pour la France qui a perdu, année après année et dans des secteurs stratégiques, des fleurons technologiques et des processus de fabrication que le monde nous enviait.

UNE MÉFIANCE SYSTÉMATIQUE

Notre déficit de compétitivité vient en grande partie du poids de nos impôts de production, 8 fois plus élevés qu’en Allemagne. Mais d’autres freins pénalisent également l’implantation d’industries sur le territoire français, à commencer par la méfiance systématique dont elles sont victimes. Cette méfiance vient de la gauche écologiste, qui ne voit dans l’industrie qu’un progrès technique à combattre, une source de pollutions et l’origine de risques environnementaux.  Par une culture de plus en plus solide du principe de précaution systématique, cette gauche écologiste a fini par anesthésier la prise de risque. Elle a entravé l’innovation et découragé l’installation de nouvelles industries. Celles-ci sont donc allées ailleurs créer de la richesse et des emplois et ne sont jamais revenues en France, plongeant des régions entières dans un chômage de masse que dix années de socialisme n’ont pas enrayé.

DES RÉGLEMENTATIONS UBUESQUES

Le chef d’entreprise qui veut créer une industrie fait face à une administration qui s’appelle la DREAL – Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement. Les DREAL résultent de la fusion des DIREN (Direction Régionale de l’Environnement), des DRE (Direction Régionale de l’Équipement) et des DRIRE (Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement). Elles représentent le ministère de l’Écologie au niveau des régions.

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L’idée était séduisante sur le plan de l’efficacité mais, en réalité, les écologistes radicaux ont souvent pris la main. La poursuite d’une politique de développement environnemental, trop souvent faite d’entraves aux entreprises, a pris le pas sur le développement économique. Cela a abouti à affaiblir dramatiquement l’industrie française.

Avec 4 000 pages de réglementations évoluant en permanence, le code de l’environnement est une monstruosité administrative qu’une entreprise moyenne d’une centaine d’employés ne peut tout simplement pas suivre, même en y mettant la meilleure volonté du monde.

UN RÉGIME COÛTEUX FONDÉ SUR LE SOUPÇON

Les réglementations des DREAL fonctionnent selon deux régimes différents. Il y a d’abord le régime de la déclaration, qui suppose un postulat de confiance entre l’État et les entreprises. Dans ce cas-là, le patron déclare, par transparence, son activité à la DREAL. Cette dernière consulte la déclaration et réagit si – et uniquement si – elle détecte un problème. Ce régime concerne très peu d’entreprises, en général de taille très modestes, et renvoie à des activités réputées « moins risquées ».

Le deuxième régime est celui de l’autorisation délivrée par la DREAL. Il concerne la majorité des entreprises. En effet, dès que les installations industrielles de votre entreprise dépassent une série de seuils – souvent purement quantitatifs et en réalité assez bas – on passe d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation. L’entrée dans ce nouveau régime déclenche une « mise en demeure préalable », qui comporte une inspection et l’envoi d’un questionnaire.

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C’est l’ère du soupçon qui commence !

Le questionnaire qui vous est adressé est tellement compliqué à remplir, en particulier si vous êtes une petite ou moyenne entreprise, que vous devez recourir à un bureau d’études. Autrement dit, cette phase d’interrogatoire imposée à un patron qui n’a rien à se reprocher – si ce n’est d’avoir fait prospérer son entreprise – constitue un « business » en soi ! On marche sur la tête.

En règle générale, une fois le questionnaire établi, on impose à l’employeur de réaliser une série de travaux : ils coûtent en moyenne 450 000 € par entreprise, qui s’ajoutent au coût de l’étude, autour de 50 000 €. Pour une entreprise moyenne, c’est donc parfois le profit d’une année de travail qui est avalé dans cette procédure... Autant d’argent qui ne servira pas à embaucher, prendre des jeunes en apprentissage, moderniser les outils de production ou s’ouvrir à d’autres marchés.

Ajoutons que la DREAL, après avoir demandé à un patron dont personne ne s’est plaint de sortir un demi-million d’euros, ne délivre que rarement une autorisation franche. Elle ne donne qu’une autorisation sous réserve, en se dédouanant en cas de problème, de telle sorte que le risque pénal, en cas d’incident, continue de peser sur le chef d’entreprise, même s’il est de bonne foi et s’est mis en conformité.

LA SURTRANSPOSITION DES NORMES EUROPÉENNES

Les normes valables en France sont souvent plus contraignantes que les normes européennes. Il est donc possible, pour contourner nos normes, d’aller dans un autre pays européen qui applique, lui, les règles européennes, moins contraignantes que les règles françaises.

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Cela explique que nous ayons perdu des entreprises évoluant dans des secteurs souvent stratégiques : l’utilisation des métaux et terres rares, les principes actifs dans l’industrie pharmaceutique, la chimie. En effet, ces entreprises sont parties dans des pays asiatiques mais aussi, souvent, dans de nombreux pays européens. Ces derniers appliquent une réglementation contraignante – celle de l’UE – mais qui l’est moins que la nôtre !

Il est donc urgent de revenir sur cette sur-réglementation française qui est une machine à faire partir les entreprises et à détruire les emplois en France. De plus, il faut rendre plus acceptables les régimes dérogatoires qui permettent de regarder au cas par cas, et donc d’accepter un certain niveau de risque. L’administration a tendance à détester le risque : or la prise de risques est le moteur du progrès. Et l’acceptation d’un certain niveau de risque n’a jamais été en opposition avec le principe de précaution constitutionnalisé en 2005.

Les contrôles de la DREAL devraient être limités. Ils seraient ainsi plus efficaces car ajustés à l’ampleur du risque, et davantage ciblés sur les entreprises qui posent réellement problème. Cela pourrait d’ailleurs justifier de libérer des postes dans ces administrations au bénéfice de postes d’agents publics plus utiles. Il faut mettre fin à une écologie qui impose et qui s’oppose même au développement industriel de solutions écologiques !

QUELQUES EXEMPLES DANS LES COSMÉTIQUES BIO

Deux stations d’épuration plutôt qu’une

La loi dispose qu’une société privée ne peut pas représenter à elle seule plus d’une certaine part des eaux usées traitées par une commune. Elle doit alors posséder sa propre station de traitement des eaux usées. Concrètement, c’est souvent un arrêt de mort pour une petite usine située dans un village. Pourquoi ? Parce qu’il lui faut créer sa propre station d’épuration (600 000 € de coûts). Et c’est la même histoire pour les bassins de retenue d’eau. En effet, en cas d’incendie, une usine doit disposer d’un bassin de retenue d’eau – ce qui représente un hectare de terrain et une charge de 50 000 €.

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La commune, elle, doit également disposer d’un tel bassin pour l’écoulement des eaux en cas d’orage.

On pourrait imaginer qu’il soit possible de mutualiser les choses… mais non ! Il faut donc construire deux bassins d’écoulement des eaux, et pour cela y consacrer deux hectares et deux fois plus d’argent.

Le vinaigre de pomme bio et ses différentes réglementations

Pour finir, un exemple qui résume tout : le vinaigre de pomme bio ! En fonction de l’usage qui en est fait, la réglementation change du tout au tout… alors que la matière première reste la même !

> Lorsque le vinaigre de pomme bio est utilisé comme produit alimentaire (à 100%) : aucun étiquetage particulier n’est nécessaire ni aucune précaution spécifique.

> Lorsque le vinaigre de pomme bio est utilisé comme produit alimentaire (à 100%) : aucun étiquetage particulier n’est nécessaire ni aucune précaution spécifique.

> Lorsque le vinaigre de pomme bio est utilisé dans un produit cosmétique (une lotion pour cheveux, par exemple) : le fabricant doit indiquer sur l’emballage de la lotion les allergènes contenus dans le vinaigre.

> Lorsque le vinaigre de pomme bio est utilisé dans un produit détergent (à 1% dans un gel WC, par exemple) : il faut indiquer sur l’emballage une phrase de risque, mais aussi former le personnel à la manipulation de matières premières dangereuses, faire en sorte qu’il porte des lunettes de protection, et prévoir un emplacement particulier pour stocker le vinaigre de pomme avec des bacs de rétention pour les fûts.

Cet exemple est ubuesque ! La surenchère de réglements qui existe en France a conduit notre pays à devenir importateur de produits fabriqués, alors même que les autres pays utilisent des techniques que nous, Français, avons forgées.

Voilà ce que nous devons résolument changer !

Couplée à la baisse des impôts de production, la simplification des règlements permettra de voir la France se réindustrialiser, tout en restant respectueuse de l’environnement.

Les principale mesures de Valérie Pécresse :

- Redresser l’industrie française avec, en priorité, un soutien apporté aux PME et ETI industrielles dans les territoires.

- Recréer un climat de confiance : mettre fin à la surtransposition systématique des normes européennes et confier à un comité de la hache le soin de raccourcir et simplifier les codes lourds et pointilleux.

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