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Des chercheurs d’Harvard pensent avoir découvert où se niche la conscience humaine dans le cerveau et voilà pourquoi ça pourrait être une découverte majeure
©DIARMID COURREGES / AFP

Glande pinéale ?

Dans la revue Neurology, des scientifiques d'Harvard, des scientifiques affirme avoir une idée plus précise de l'endroit où, dans le cerveau, se loge la fameuse "conscience humaine".

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson

Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur. Depuis plus de vingt ans, il s’intéresse aux états modifiés de conscience, à la physique quantique et ses implications philosophiques, ainsi qu'aux liens entre science, culture et spiritualité de façon générale. Son dernier ouvrage, co-écrit avec l’ethnobotaniste Romuald Leterrier, s'intitule Se Souvenir du Futur

 

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Atlantico : Un article de la revue Neurology datant de novembre 2016 relatent que des chercheurs de l'Université d'Harvard pourraient avoir identifié les régions du cerveau responsables de la conscience. Si des études doivent encore être menées, quelles pourraient être les conséquences concrètes d'une telle avancée pour les personnes inconscientes (coma, état végétatif) ?

Jocelin Morrison : Ces travaux sont importants et ont effectivement des implications pour les personnes qui sont en état d’inconscience apparente ou non-communicants. Dans certains états consécutifs à des comas, il existe en effet un état de conscience minimale, dit pauci-relationnel, qu’il faut pouvoir identifier. D’autres travaux du Coma Science Group de Liège, ou du Pr Lionel Naccache, nous ont apporté des clés importantes sur ces états et ils permettent d’identifier des niveaux de conscience même chez des patients qui sont en incapacité de communiquer et qui peuvent sembler inconscients. Dans le cas des chercheurs de Harvard, ils ont identifié une région du tronc cérébral qui agirait comme une sorte d’interrupteur pour la conscience. Cette zone est reliée à deux zones du cortex et quand cette liaison est coupée, le patient est dans un coma profond. Aujourd’hui, l’imagerie cérébrale permet de donc de savoir si il existe ou non des lésions dans ces zones clés et ainsi de pouvoir identifier s’il existe un état de conscience même si le patient est aréactif ou dans l’incapacité de communiquer. Quand le patient a un état de conscience qui lui permet de recevoir des consignes, on peut alors utiliser cette possibilité pour communiquer et anticiper une rééducation.

Ces avancées peuvent-elles concerner d'autres patients que ceux dits en état d'inconscience ? Certaines maladies du cerveau pourraient-elles être concernées également (d'une manière très large, peut-être) ?

Les relations entre cerveau et conscience restent mystérieuses. L’identification de ces régions spécifiques n’est qu’une première étape, de l’aveu même des chercheurs. Mais on peut imaginer que cela va profiter à tous les patients pour lesquels se pose la question de l’état de conscience, qu’il s’agisse de maladies psychiatriques comme les psychoses ou de maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer. Il faut faire attention de bien distinguer plusieurs niveaux d’analyse. On sait qu’une grande partie de l’activité du cerveau est inconsciente. Nous effectuons de nombreuses tâches qui relèvent d’un traitement d’information, y compris des « calculs » ou la perception de la signification de mots, mais sans en avoir conscience. Donc une grande partie de la recherche en neurosciences cognitives porte sur la compréhension de ce qui fait qu’une activité devient consciente ou non. Le Pr Dehaenne a proposé un modèle de « signatures d’accès à la conscience ». D’abord un « embrasement » de plusieurs régions du cortex, puis l’apparition d’une onde appelée P300, qui parcoure le cerveau de l’arrière vers l’avant en 300 millisecondes après un stimulus, via des neurones spécifiques. Une troisième signature se traduit par une activité de haute fréquence, et enfin on observe une synchronisation massive des signaux électromagnétiques du cortex, c’est-à-dire que des neurones situés dans des régions cérébrales éloignées oscillent dans la même bande de fréquence. Mais toutes ces connaissances sont relatives à ce qu’est un état conscient par opposition à un état inconscient ; elles ne disent rien de « ce que cela fait d’être conscient », qui est un problème plus philosophique. C’est ce qu’on appelle en philosophie le « problème du zombie ». Un zombie est conscient, car il peut intégrer des informations sensorielles, mais il n’a pas conscience de lui-même ou de sa situation dans le monde. Il a donc une conscience « phénoménale », mais pas de conscience réflexive. Ce problème est aussi au cœur du questionnement sur la conscience des animaux.

Pourrait-il y avoir, à terme, d'autres applications possibles à cette découverte (numérisation de la conscience d'une personne, transfert de conscience, amélioration de la conscience...) ?

Le mot conscience a plusieurs sens et dans les travaux de neurosciences on a tendance à ne s’intéresser, parce que c’est le plus « facile », qu’au fait « d’être conscient ». Mais le philosophe David Chalmers a posé le « problème difficile » de la conscience qui concerne « ce que cela fait d’être soi en train d’avoir une expérience du monde ». Chacun ne peut répondre à cette question que pour lui-même, à la première personne. Donc, croire que tout ce qui fait la conscience d’un être humain, c’est-à-dire l’ensemble de ses perceptions, ses sentiments et émotions, ses souvenirs et pensées, constitue un ensemble bien cerné et qui aurait un substrat cérébral bien identifié relève pour l’instant du fantasme. On ne peut donc pas imaginer pour l’heure pouvoir transférer ou numériser la conscience d’un individu, en dépit des affirmations péremptoires des transhumanistes. Améliorer la conscience en améliorant certaines de ses fonctions, pourquoi pas ? Il se pose ici un problème éthique qui, en l’état des connaissances, devrait circonscrire ces possibilités au seul fait de palier des déficiences. Toute cette réflexion pose la question centrale qui est de savoir si le cerveau « produit » réellement la conscience ou si la conscience a une autre nature, plus fondamentale, et que la relation entre cerveau et conscience tiendrait plus d’une fonction de filtre ou d’interface. De nombreuses observations de phénomènes pour l’instant inexpliqués vont dans le sens de la seconde hypothèse et il faut rester ouvert à cette possibilité car celle-ci est potentiellement révolutionnaire quant à la véritable nature humaine.

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