Des algorithmes pour lutter contre les embouteillages <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Des algorithmes pour lutter contre les embouteillages
©Reuters

Tut tut !

Marre des bouchons ? Des chercheurs planchent depuis plusieurs années sur des algorithmes permettant d'optimiser le trafic. Mais de la théorie à la pratique, le chemin à parcourir reste semé d'embûches.

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

Voir la bio »

Atlantico : Berthold Horn, professeur au sein du département génie électrique et informatique à l'université américaine du MIT, a proposé un algorithme permettant de lutter contre les problèmes de trafic : un système de contrôle dit bilatéral permettrait à notre véhicule d'adapter parfaitement sa vitesse selon la conduite des véhicules se situant devant et derrière lui. La fluidité du trafic serait optimale et les bouchons limités. S’agit-il d’une innovation majeure ?

Alain Bonnafous : Cet algorithme n’est pour l’instant qu’un modèle théorique qui optimise le trafic au sens mathématique du terme sous certaines conditions de régulation de la vitesse des véhicules. Quand on parle de bouchon, en particulier sur autoroute, on sait bien que l’arrêt complet des véhicules peut avoir pour origine le comportement de conducteurs qui accélèrent avec un peu d’espace devant leur voiture mais doivent freiner au point de s’arrêter lorsque le véhicule qui le précède est trop proche. D’où un arrêt complet des voitures qui suivent.

Tout cela relève d’une spécialité des "sciences du transport" qui est l’ingénierie du trafic. Il y a plusieurs décennies que cette discipline a établi les conditions du passage d’un régime fluide de trafic à un régime saturé et identifié le mécanisme d’accélérations et arrêts, parfois désigné comme une "saturation inexpliquée".

Berthold Horn simule des mobiles qui se déplacent sur une voie avec des vitesses qui optimisent la distance avec le mobile qui précède. Il obtient un résultat qui n’est pas surprenant : quand on passe d’une simulation du trafic avec des comportements proches de la réalité à une simulation qui suppose que les vitesses sont régulées par cet algorithme, on obtient des trafics simulés plus fluides.

Pensez-vous que ce système puisse voir le jour ?

L’un des mérites de ces simulations est de montrer que le résultat n’est significatif que si les voitures sont très majoritairement équipées de ce système. Ce n’est évidemment pas pour demain, d’autant que si l’on peut l’envisager à très long terme sur la totalité des véhicules neufs, il resterait à en équiper une part significative des véhicules qui roulent toujours ce qui n’est pas évident pour un système coûteux.

En réalité, il y a des dizaines de résultats théoriques de ce genre qui sont produits chaque année aux USA. C’est le résultat du fait que depuis deux décennies, les programmes de recherche en transport sont systématiquement orientés vers les ITS (Intelligent Transport Systems). Berthold Horn, professeur dans un département d’ingénierie électrique et informatique, a vraisemblablement répondu à des appels à recherche là où il y avait des crédits c'est-à-dire dans ce champ des ITS. Il a su, ensuite, bien vendre aux médias un résultat théorique relativement banal. Cette mise en valeur fait partie du savoir faire du MIT.

Les conséquences d’un tel système seraient-elles notables ?

Au mieux, il y aurait une amélioration sur les voies autoroutières les jours de grande saturation. Peut-être quelques % de kilomètres de bouchons en moins. Il n’est pas dit que ce résultat (à supposer qu’il soit validé sur le terrain) justifie le coût de tels dispositifs.

La plupart des embouteillages étant provoqués par la conduite des conducteurs, y aurait-il un moyen plus simple, plus accessible, de fluidifier le trafic ? La politique de sensibilisation à la bonne conduite à adopter est-elle suffisante ? Est-elle effective ?

Le gisement de fluidité peut être exploité par bien des moyens mais il faut distinguer les phénomènes de congestion.

Sur les grandes migrations de pointe (été et sport d’hiver), une politique coordonnée d’information et de péages fortement différentiés selon les heures et les itinéraires peut améliorer les choses, surtout si elle est complétée par une régulation "dure" à l’entrée du système autoroutier, telle qu’elle fonctionne plutôt bien à l’entrée des autoroutes alpines : elle assure une bonne fluidité en aval au prix d’une attente au péage d’entrée relativement limitée par rapport aux bouchons ainsi épargnés. De même, les limitations de vitesse en cas de trafic intense (de 130 à 110 par exemple) améliorent très sensiblement la fluidité même si l’usager n’en est pas conscient et a plutôt l’impression d’être inutilement brimé.

Pour les encombrements quotidiens dans les aires urbaines, les systèmes d’information interactifs utilisant les GPS n’en sont qu’à leur début et ne sont pas encore aptes à proposer des suggestions fines et immédiates à chaque conducteur, mais il y a de grandes chances pour que cela se généralise aussi vite que s’est généralisé l’usage des mobiles. L’opération de recherche-développement "Modalis", récemment lancée à Lyon va dans ce sens avec une production d’information qui couvre tous les modes de transport et est conçue pour éclairer les choix des usagers.

Le vrai bond en avant consisterait à éradiquer le comportement qui pousse l’automobiliste à se trouver immobilisé au milieu d’un carrefour, mais on imagine la lourdeur du dispositif de contrôle et de répression que cela supposerait.

Sur la longue distance comme pour les réseaux de la vie quotidienne, il ne faut pas oublier non plus l’utilité que pourraient avoir certains investissements ponctuels. Les projets les plus intéressants sont connus et évalués mais comme il s’agit d’opérations routières ce sont autant de "Petits Satans" pour les écologistes.

Les embouteillages provoqués pour d'autres raisons que la conduite, tels les accidents ou les travaux, sont-ils gérés de façon optimale ? Y aurait-il également une solution pour fluidifier le trafic dans ces contextes ?

La solution pour les chantiers est la combinaison d’une programmation de travaux qui minimise la gêne et d’une information efficace des usagers. Il arrive que ce soit fait au mieux mais les progrès restent à faire en matière d’information. Demain, il n’y aura pas un seul chantier sans une "appli" correspondante sur Smartphone qui informera sur les itinéraires recommandés. Pour les accidents, l’information en temps réel sera améliorée mais il faut aussi accepter une part d’imprévisible.

Propos recueillis par Marianne Murat

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !