Derrière le cas Sophia Chikirou, une campagne (très insoumise) d’élimination de Jean-Luc Mélenchon ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La très proche collaboratrice de Jean-Luc Mélenchon fait l'objet d'une enquête judiciaire.
La très proche collaboratrice de Jean-Luc Mélenchon fait l'objet d'une enquête judiciaire.
© Joël SAGET and Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Dans le viseur

La très proche collaboratrice de Jean-Luc Mélenchon, Sophia Chikirou, fait l'objet d'une enquête judiciaire.

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

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Patrick Girard

Patrick Girard

Patrick Girard est docteur en Histoire.

Il est rédacteur-adjoint de Jeune Afrique et a longtemps collaboré à l'hebdomadaire Marianne.

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Philippe Moreau-Chevrolet

Philippe Moreau-Chevrolet

Philippe Moreau-Chevrolet est communicant et co-fondateur de l'agence de conseils en communication MCBG Conseil.

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Atlantico : Sophia Chikirou dans le viseur de la justice et des médias. La députée LFI de Paris pourrait être mise en examen pour escroquerie aggravée. Complément d’Enquête lui consacre un numéro ce soir sur France 2. C’est Sophia Chikirou qu’on cherche à éliminer ou Jean-Luc Mélenchon ?

Philippe Moreau-Chevrolet : C’est une affaire d’une particulière gravité puisque ça touche La France insoumise (LFI) et il s’agit de la compagne de Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas une affaire politique. C’est une affaire financière et qui touche un parti qui est particulièrement sensible sur le sujet. LFI entretient avec l’argent une relation en particulier complexe. Donc c’est grave pour ces deux raisons. C’est une histoire d’argent dans un parti où les questions d’argent sont taboues et c’est la compagne du leader Jean-Luc Mélenchon, possible candidat à la prochaine élection présidentielle. Ça remet en cause par ailleurs l’intégrité de ses précédentes campagnes. C’est extrêmement grave. 

En interne, il y a forcément des jeux politiques puisque Sophia Chikirou avait pris une position forte au sein du parti. C’est elle qui décidait pratiquement de l’avenir du parti avec Jean-Luc Mélenchon. C’est aussi elle qui arbitrait sur les questions de circonscription, sur la carte électorale de LFI. C’est elle aussi qui faisait la discipline au sein du parti et n’hésitait pas à interrompre certains orateurs à l’Assemblée Nationale. Donc oui, il y a des revanches qui se prennent. Mais si LFI n’a pas de réactions, si on laisse faire et si LFI ne réagit pas à ce qui s’est passé ; alors ils jouent leur avenir politique collectivement. Il y a un calcul politique, mais il y a aussi un réflexe de survie.

Patrick Girard : Qui vise Chikirou vise Mélenchon et réciproquement. L’attaque qui vise Mme Chikirou n’aurait aucun sens vu son peu de notoriété, si ce n’était pas un moyen d’atteindre par la même Jean-Luc Mélenchon. Ça l’a fait sortir d’une ombre dans laquelle, pour le plus grand bien de la gauche, elle était restée jusque-là.

Ça n’aura pas de répercussions sur la situation de monsieur Mélenchon au sein de La France insoumise dans la mesure où je vois mal une secte éliminée son gourou.

Gérard Grunberg : Qu’il y ait au sein de LFI des gens qui en ont marre de Mélenchon, certainement. Mais je pense qu’ils n’y sont pas pour grand-chose dans cette affaire... Je crois qu’il y a vraiment contre elle personnellement vu ce qu’elle a dit. Elle a déclaré la guerre. Donc forcément, les gens lui en veulent.

Par conséquent, on peut dire que maintenant vous avez un conflit très sévère au sein de la gauche qui touche essentiellement le parti communiste et les insoumis. Ce qui nous ramène à une période lointaine de notre histoire, en 1920, où à l’extrême gauche c’était les trotskistes contre les communistes. Et bien, c’est toujours le cas. 

Sophia Chikirou est une très proche de Jean-Luc Mélenchon. Ça veut dire qu’il y a une évolution des rapports de force au sein de La France insoumise ? 

Patrick Girard : Il y a une évolution des rapports de force ne serait-ce que parce que, pour la première fois, on a vu apparaître au sein de La France Insoumise des gens qui n’étaient plus adeptes de la ligne « la voix de son maître ». De Monsieur Ruffin, à Mme Autain, en passant par le couple Corbières-Garrido… ce n’est pas l’admiration de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon qui les caractérise. Plus l’âge de péremption s’avance pour JL Mélenchon, plus les aspirants au changement se font connaître. 

Gérard Grunberg : On ne sait pas trop. On sait qu’il a mis à l’écart un certain nombre de gens qui étaient sur le devant. Alors est-ce que c’est une rupture définitive entre eux et Mélenchon ? Ce qui est certain c’est qu’ils ne sont pas contents. Ce qui est certain c’est que la conception qu’à Mélenchon d’un parti politique, c’est une conception trotskiste. Je pense qu’il y a beaucoup de gens à l’intérieur qui voudraient se débarrasser de Mélenchon. A mon avis, c’est aux élections européennes que ça va commencer à se jouer. On verra si la stratégie de Mélenchon qui est de jouer tout seul est victorieuse ou pas et en attendant de voir ce que deviendra la NUPES. Moi, mon hypothèse c’est qu’il a voulu tuer la NUPES et il est en train de réussir. Tout ça rebat beaucoup les cartes au sein de la gauche 

Philippe Moreau-Chevrolet : C’est justement l’occasion pour LFI de montrer que c’est un politique mature, qu’ils n‘ont pas le culte du chef, pourquoi pas changer de direction et de se doter d’un appareil en ordre de marche pour la Présidentielle. On sait qu’il y a d’autres candidats au sein de LFI qui émerge. On pense à François Ruffin en particulier. Peut-être que c’est l’occasion de tourner la page Mélenchon et qu’ils vont savoir la saisir. Si y a une occasion qui le permet, c’est celle-ci. 

Les gens en mesure, en capacité de le faire, il n’y en a pas beaucoup. L’avantage de François Ruffin, c’est que ce serait le seul à pouvoir rassembler à la gauche modérée et ne pas être un copié collé de Jean-Luc Mélenchon. Si on a un candidat ou une candidate qui est un copié collé de Mélenchon, le problème restera entier. LFI continuera à être stigmatisée comme un parti extrêmiste, ça n’apportera pas de solutions. Ruffin permettrait d’aller chercher une victoire (ou un score correct) et une recomposition de la gauche derrière. 

Au fond, cette affaire, c’est du dégagisme en interne façon LFI ?

Philippe Moreau-Chevrolet : Oui c’est du dégagisme interne. C’est aussi la fin d’un cycle, probablement la fin du cycle Mélenchon.

C’est aussi le problème de tous les partis politiques à un moment. Ils sont tellement personnalisés sous la Ve République que les abus de pouvoir se produisent presque inévitablement. Les révolutions se font toujours dans le sang parce qu’il n’y a pas le choix. Il faut dégager l’ancienne figure et couper les ponts avec. C’est très douloureux à tous les partis l’ont fait à un moment donné.

La question c’est plutôt qui va être celui qui va porter le coup définitif à Jean-Luc Mélenchon et est- ce que ses adversaires ont les moyens politique de dégager Jean-Luc Mélenchon ? Est-ce qu’il contrôle encore suffisamment l’appareil pour garder la main malgré cette affaire la main et se sauver ? Mais en se sauvant, il perd LFi et le collectif. 

Il y a 2 condamnations pour Jean-Luc Mélenchon. Il y a la condamnation de sa ligne politique dont on voit bien qu’elle ne marche pas. Elle envoie LFI à un échec présidentiel. C’est une ligne minoritaire et très stigmatisée dans l’opinion. Et puis, il y a un deuxième échec plus personnel. C’est l’affaire Chikirou avec cette ombre jetée sur sa compagne et sur son intégrité. Ça met en jeu sa position parce que pour s’en sortir, il va falloir faire le ménage.

Gérard Grunberg : Peut-être. Mais pour dégager, encore faut-il pouvoir dégager. Mélenchon cadenasse sa boutique. Ses opposants n’osent pas l’attaquer de manière frontale ni ouvertement. Certains pourraient mais aucun ne s’est encore décidé à l’attaquer clairement. Personne ne s’y risque.

Patrick Girard : Voilà qui est heureux ! Enfin un parti politique qui réalise son propre programme en se l’appliquant à lui-même.

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