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Départs en série : ces douteuses passerelles dorées entre la haute fonction publique et la finance
©Pixabay

Serviteurs de l’Etat

Bruno Bézard, haut fonctionnaire à la direction du Trésor, a fait part de sa volonté de quitter la fonction publique pour rejoindre Cathay Capital, un fonds d'investissement franco-chinois. Si aucun scandale ne se cache a priori derrière sa décision, les parachutages de la sorte sont nombreux et loin d'être tous aussi clairs.

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer est diplômé de Polytechnique et de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE). Il a commencé sa carrière en tant que commissaire contrôleur des assurances puis a occupé différentes fonctions à l’Inspection Générale des Finances (IGF), à la Commission de Contrôle des Assurances et à la direction du Trésor. Il est cofondateur de GLM et de la Gazette de l’Assurance.

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Atlantico : Le départ de Bruno Bézard de la direction du Trésor pour Cathay Capital, un fonds d'investissement franco-chinois, devrait prendre effet le 20 juin. De la même façon, plusieurs proches de François Hollande ont pu quitter l'Elysée au cours de ces dernières semaines pour rejoindre de grandes entreprises financières. Comment expliquer ces liens entre ces différentes "hautes fonctions" publiques et la finance ? Que peut-on en déduire en termes d'interconnexions ?

Jean-Marc Boyer : En théorie, un haut fonctionnaire ne saurait "pantoufler" dans un secteur dont il a eu la charge réglementaire ou de supervision depuis cinq ans. La commission de déontologie, saisie en l’occurrence, a accepté la sortie de Bruno Bézard, même si l’on peut voir des liens avec la réglementation boursière, BPIFrance ou d’autres sujets dont il a été proche. Jean-Jacques Barbéris, conseiller économie de l’Elysée, va intégrer la société de gestion Amundi. François Pérol, placé à la tête de BPCE après avoir été Secrétaire Général adjoint de l’Elysée en charge des finances, a été blanchi par la justice. Pierre Blayau a été nommé Président de la CCR après sa présidence d’Areva qui est en situation catastrophique. Le considérer comme ayant eu une expérience en assurance et n’ayant pas été en faillite relève d’un double challenge pour l’ACPR, qui est l’autorité financière chargée de s’assurer du caractère "fit and proper" des dirigeants.

Dans quelle mesure peut-on s'inquiéter de ces différents parachutages ? Outre les critiques liées à l'opacité totale dans laquelle sont réalisées ces opérations, quelles sont les risques de voir naître des conflits d'intérêts ?

Dans un contexte de corporatisme effectivement opaque, le problème naît dans les cas de suspicions de prise illégale d’intérêt, de trafic d’influence, etc. Au Brésil, les politiques qui ont bénéficié d’argent de la caisse de Pétrobras, c’est de la corruption. L’hypercorruption consiste non pas à prendre dans la caisse, mais à prendre la caisse elle-même, en se parachutant à sa tête. Dans le cas de la finance en France, les enjeux se chiffrent en milliers de milliards de bilan. On se souvient de l’affaire de la faillite du Crédit Lyonnais où Jean-Yves Haberer n’avait pas été stoppé par les hauts fonctionnaires, du même corps que lui, en charge de la supervision, de la Banque de France et de Bercy (à la fois actionnaire et en charge de la réglementation). Jean Peyrelevade vient d’y consacrer un ouvrage.

Outre la direction du Trésor, quels sont les secteurs de l'Etat les plus touchés par ces départs en série ?

Comme d’habitude, plus encore que les responsables en administration centrale, les conseillers en cabinet cherchent naturellement des points de chute avant l’échéance présidentielle. On peut aussi avoir des postulants dans les ramifications de l’Etat, comme la Caisse des Dépôts et Consignations. Jean-Marc Janaillac (promotion Voltaire) vient ainsi d’être nommé PDG d’Air France-KLM. Parfois, ce sont les relations qui sont suspectées, comme Laurence Engel (la compagne d’Aquilino Morelle qui avait dû démissionner de l’Elysée après des accusations de Mediapart), qui a été nommée à la tête de la BNF.

Quelles sont les raisons pour lesquelles ces personnes semblent aussi "désirables" pour le secteur financier ? Des départs dans le sens inverse sont-ils aussi courants ?

Avoir des connaisseurs issus de la haute fonction publique financière peut aider à faire passer les dossiers (fiscaux, juridiques, prudentiels...), d’où l’intérêt pour des groupes privés - notamment toutes les grandes banques - d’avoir un ancien de Bercy. Inversement, et contrairement à nos voisins, la haute fonction publique recrute des gens sans expérience, directement à la sortie des grandes écoles (X mais surtout ENA), et pratiquement pas dans le privé. Cela peut expliquer le sentiment de déconnexion des dirigeants publics, souvent exprimé par les médias et les citoyens. Les rares mouvements du privé vers le public sont même parfois jugés suspects, comme le retour au public de François Villeroy de Galhau au poste de Gouverneur de la Banque de France, après son passage à la direction générale de BNPP.

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